À l’université, la psychologie entre en dépression

Paul Conge Publié le
À l’université, la psychologie entre en dépression
L'université de Bretagne occidentale doit créer de nouveaux cours de travaux dirigés pour absorber le flot de nouveaux étudiants. // ©  Benjamin Deroche
Face à l’afflux d’étudiants, les UFR de psychologie bataillent pour conserver des conditions d’accueil et d’enseignement satisfaisantes. Avec parfois beaucoup de difficultés.

Les UFR de psychologie sombrent-elles dans une spirale dépressionnaire ? Amphithéâtres engorgés à Lille, afflux massif d'étudiants à Toulouse, formation à distance fermée à la dernière minute à Reims... Dans ce contexte morose, la Fenepsy (Fédération nationale d'étudiants en psychologie) n'hésite pas à évoquer une filière "sacrifiée". "La rentrée est extrêmement difficile, et il y a finalement assez peu de considération devant les difficultés que nous rencontrons", déplore Juliane Martin, présidente de la fédération.

Saturés, les cursus universitaires de psychologie accueillent des étudiants qui ont le blues. "Dès le premier jour, le personnel nous a dit que nous étions trop nombreux, qu'ils ne savaient pas s'ils allaient pouvoir faire cours à tout le monde et si nous aurions accès à tous les cours", regrette Manon, qui entame une licence 3 de psychologie à l'université de Bretagne occidentale (UBO), à Brest.

Après deux années d'études dans un établissement privé, la jeune fille de 20 ans tombe des nues : "Les personnels ont réussi à s'organiser après un mois de tâtonnement, mais les étudiants sont trop nombreux. L'impression générale, c'est que tout cela reste très chaotique..."

"Pas un sureffectif, mais un sous-encadrement"

Devant cette situation, les enseignants-chercheurs sont débordés. L'afflux d'étudiants à l'UBO impose par exemple la création de nouveaux groupes de travaux dirigés, limités à 40 places chacun. Mais le personnel encadrant atteint sa limite.

"Plutôt que de parler de sureffectif, nous préférons parler de sous-encadrement, argumente Amandine Dubois, maître de conférences et responsable du département de psychologie de Brest. Nous considérons que les étudiants ont le droit de venir à l'université et nous voulons bien les accueillir. Toutefois, cela pose des problèmes en termes de moyens humains, sans parler des locaux devenus trop petits..."

Car chaque groupe de TD supplémentaire entraîne un ajout de 12 heures de cours par semestre. De nombreux enseignants-chercheurs refusent de faire des heures complémentaires. Selon Amandine Dubois, la formation en pâtirait : "si nous cumulons plus d'heures que les 192 heures auxquelles nous sommes tenus, nous faisons moins de recherche, nous préparons moins nos cours... Et nous empiétons sur la qualité de la formation."

Plutôt que de parler de sureffectif, nous préférons parler de sous-encadrement. (A. Dubois)

Pour l'heure, ils ont recours à des chargés de cours, mais "nous n'avons pas une masse d'intervenants conséquente et nous n'en trouvons plus..." ajoute l'enseignante. Cette dernière, comme ses collègues, réclame ainsi plus de postes titulaires. Ils espèrent être entendus par le président de l'université, Matthieu Gallou. À défaut, ils attendent un soutien des étudiants dans leur démarche : "Mais ceux-ci ne se mobilisent pas trop", déplore Amandine Dubois.

Limiter le nombre d'étudiants : la solution ?

L'afflux d'étudiants en psychologie n'est pas nouveau. En quatre ans, l'université Toulouse Jean-Jaurès a inscrit 1.000 étudiants supplémentaires, soit une hausse de 25 %. Pourtant, les moyens, humains comme financiers, n'ont pas suivi.

"Avec le renouvellement de la maquette pédagogique, intervenue cette année, l'administration a supprimé 100 heures de cours présentiel en licence 3 et en master 1 et 150 heures en master 2. C'est irrattrapable", juge Éric Raufaste, directeur de l'UFR de psychologie. Remonté, le doyen regrette qu'il soit "impossible de compenser la hausse des effectifs par plus de personnel, la masse salariale étant plafonnée en nombre de postes et en quantité d'agents."

Trois semaines de grève à la rentrée ont tout de même permis aux enseignants-chercheurs et aux personnels administratifs d'obtenir une revalorisation du volume horaire des cours et d'embaucher deux personnels administratifs.

Avec le renouvellement de la maquette pédagogique, l'administration a supprimé 100 heures de cours présentiel en licence 3 et en master 1 et 150 heures en master 2. (E. Raufaste)

Mais le problème est loin d'être réglé. "Il y a encore deux dossiers politiques, dont les résultats ne sont pas forcément garantis, à savoir la question de la sélection en master et le choix du contingentement en licence", rappelle Éric Raufaste. Deux manières de juguler la hausse du nombre d'étudiants. Dans le même sens, la Fenepsy, elle, réclame davantage d'orientation au lycée. 

Amandine Dubois ne dit pas autre chose : "On pousse les lycéens à passer leur bac, puis à aller dans le supérieur. Alors qu'il y a des étudiants qui seraient plus aptes à faire des formations plus courtes." Chaque année, un nombre conséquent d’étudiants en psychologie reste sur le carreau entre le M1 et le M2. D’après les chiffres du ministère, ils étaient, à la rentrée 2015, près de 5.000 en master 2, contre 8.000 en master 1.

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