À Montpellier, la fac de droit rouvre dans un climat de suspicion

Guillaume Mollaret Publié le
À Montpellier, la fac de droit rouvre dans un climat de suspicion
Certains enseignants craignent que les violences du 22 mars n'entachent durablement la réputation de la faculté de droit. // ©  David Richard/Transit/Picturetank pour l'Université de Montpellier
Fermée après les violences survenues dans la nuit du 22 au 23 mars 2018, la faculté de droit de l’université de Montpellier a de nouveau accueilli ses étudiants mardi 3 avril, sous l'œil des forces de l'ordre et dans une ambiance encore tendue.

Six cars de CRS, des vigiles à toutes les entrées pour contrôler les cartes d'étudiants... La faculté de droit de l'université de Montpellier a rouvert ses portes, mardi 3 avril 2018, dans un climat de tension et de suspicion mêlées. Dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 mars, une assemblée générale contre la réforme de l'entrée à l'université, organisé par des étudiants, avait dégénéré en violences, obligeant le président de l'université de Montpellier, Philippe Augé, lui-même docteur en droit, à fermer l'accès à la faculté.

Les faits observés sont d'une violence rare à l'université. Ils ont fait le tour des réseaux sociaux, appelant une réponse rapide de l'administration et de la justice, après que plusieurs personnes armées de bâtons ont fait irruption dans l'amphithéâtre et blessé les étudiants présents opposés à la réforme.

Soupçonné d'avoir couvert ces violences, le doyen de la fac de droit, Philippe Pétel, a successivement démissionné de son poste, été mis en examen pour "complicité d'intrusion et complicité de violences", puis promis à la suspension, tout comme l'enseignant-chercheur Jean-Luc Coronel de Boissezon, codirecteur du master 2 d'histoire du droit, par la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, après les "premières conclusions de l'enquête administrative" qu'elle a commandée.

Contre la réforme et contre les violences

Mardi 3 avril, de nombreux manifestants se sont massés devant l'une des entrées de la fac de droit, là où les violences ont eu lieu dix jours plus tôt. À part quelques jets de tomates et de plâtre frais mélangé à de la peinture, aucun incident majeur n'a été à déplorer. Dans les rangs des manifestants, on comptait de nombreux lycéens venus d'établissements également situés en centre-ville.

"On est là pour dénoncer les violences du 22 mars, mais aussi parce que cette fac symbolise une réforme dont on ne veut pas", affirme un personnel administratif de l'université Paul-Valéry, l'autre université montpelliéraine, requérant l'anonymat. "Il faut à présent faire converger les luttes. On va rejoindre les cheminots devant la gare", avance l'un de ses collègues, autocollant Sud Éducation sur la veste.

En début d'après-midi, les CRS aux abords restaient mobilisés mais la tension était clairement retombée d'un cran. "Je suis contre la réforme. J'ai un petit frère et une petite sœur qui devront passer par la sélection si la réforme reste en l'état. Ce n'est pas juste. La fac, c'est pour tout le monde. Pour autant, je suis contre le blocus. On a bientôt des partiels et une année à valider", soutient Ophélie, étudiante en L1 de droit.

À ses côtés, Marion renchérit : "Les personnes qui dénoncent le capitalisme desservent le mouvement contre la réforme. D'un autre côté, à cause des violences intervenues à la fac, tous les étudiants en droit passent pour des fachos alors qu'on ne sait même pas s'il y avait des étudiants parmi ceux qui ont fait irruption dans l'amphi."

Quelles répercussions pour la fac de droit ?

L'image de la faculté de droit de Montpellier sera-t-elle durablement marquée par cet épisode ? C'est la crainte de certains enseignants. "Montpellier, c'est le nouvel Assas ! Quand je dis que j'enseigne ici, les gens ont peur et changent de trottoir", ironise, doux-amer, un enseignant-chercheur. Pour un autre, les violences sont la matérialisation des nombreuses observations qu'il a pu faire.

"On voit bien depuis quelques années, dans les bars alentour, il y a des étudiants avec des lavallières, canne à pommeau et barbe ciselées. Certains profs cultivent une image d'une école de droit contre celle de l'université. Il y a une ‘patrimonialisation’ de la fac par certaines personnes. Elle n'appartient pas à tout le monde..." développe-t-il.

Calmes depuis midi, les abords de l'université ont retrouvé une certaine ambiance aux alentours de 15 h 45 quand un gros millier de manifestants (étudiants, lycéens, personnels de l'enseignement supérieur, cheminots...) a de nouveau convergé brièvement vers la fac de droit. Sur un panneau on pouvait lire : "Le bac réussi = entrée à la fac".

Guillaume Mollaret | Publié le