Alain Storck (administrateur provisoire de l’UTC) :"L’UTC doit construire un écosystème d’innovation à Compiègne"

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier Publié le
Alain Storck (administrateur provisoire de l’UTC) :"L’UTC doit construire un écosystème d’innovation à Compiègne"
Alain Storck, directeur de l'UTC © UTC // © 
Administrateur provisoire de l’UTC (université de technologie de Compiègne) depuis septembre 2011, Alain Storck postule pour en devenir le directeur. Le conseil d’administration se prononcera le 19 janvier 2012 sur les deux candidats en lice. De l’aveu de l’ancien directeur de l’INSA de Lyon, "avec les Investissements d’avenir, et notamment l’Idex, l’UTC est dans une situation particulière. Il n’était pas acceptable de ne gérer que les affaires courantes comme le fait d’habitude un administrateur provisoire." Alain Storck détaille en exclusivité dans EducPros ce qu’il a déjà entrepris et son projet pour l’université de technologie. Avec un mot clé : l’innovation.

Vous avez décidé de vous porter candidat au poste de directeur de l’UTC. Quel est votre projet ?

Je veux poursuivre la construction d’un écosystème d’innovation à Compiègne. Un grand projet qui doit fédérer autour de l’UTC les entreprises et les collectivités territoriales. Une façon d’intégrer plutôt que d’opposer formation et recherche. L’établissement dispose déjà de beaucoup d’outils pour y parvenir : une structure de valorisation Uteam, une fondation universitaire, un centre d’innovation de 4.500 m2 qui doit voir le jour en 2013, et être un lieu d’échanges entre universitaires, entreprises et étudiants. Les investissements d’avenir serviront également de leviers. Avec l’IEDD [Institut européen du développement durable] Pivert, l’IRT [Institut de recherche technologique] Railenium, un labex et deux équipex, la Picardie sort gagnante de ces appels à projets.

La mise en place de cet écosystème passe également par les collectivités territoriales : l’agglomération de Compiègne et la région Picardie. Je ne vais pas aller pleurer auprès d’elles, mais plutôt mettre en valeur nos ambitions communes : l’implantation d’entreprises innovantes ou l’attractivité du territoire. Exemple : pour faire venir des enseignants-chercheurs renommés, il faut évidemment leur proposer des conditions de travail et de rémunération attrayantes, mais aussi leur offrir des conditions de vie séduisantes pour eux et leurs familles.

Si les outils existent déjà, que faut-il faire de plus pour faire vivre cet écosystème ?

Ce n’est pas de l’administratif qu’il nous faut, mais de la fluidité entre les acteurs. Nous n’avons surtout pas besoin de structure nouvelle. L’UTC doit, elle, construire une politique de partenariat globale avec les milieux socio-économiques. Aujourd’hui, chaque entité tisse de son côté ses alliances avec des entreprises. La création d’un guichet unique facilitera les échanges.

Il ne faut pas se leurrer. Nous aurons aussi besoin d’argent pour réussir. Notre modèle ? L’EPFL à Lausanne. L’établissement suisse compte 7.000 étudiants, nous 4.000. Nous devons nous étoffer et atteindre les 5.000 étudiants. Cela passe par la venue à Compiègne d’écoles, comme l’ESCOM l’a fait il y a quelques années.

Ce n’est pas de l’administratif qu’il nous faut, mais de la fluidité entre les acteurs

Comment allez-vous inscrire votre démarche dans la politique d’alliances qui a été menée avec d’un côté le réseau des UT, de l’autre la convention avec l’UPMC, la participation à l’Idex Sorbonne Universités ou le collégium avec le CNRS ?

L’UTC doit clarifier sa politique d’alliances, comme le mentionne le dernier rapport de l’AERES [Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur] sur l’établissement. Les différents partenariats que vous citez sont apparus dans les quatre dernières années et suscitent aujourd’hui des questions légitimes auxquelles nous devons apporter des réponses. La région Picardie s’interroge par exemple sur notre partenariat avec l’UPMC. L’UTC voudrait-elle déménager en Île-de-France ?

Notre politique doit être guidée par plusieurs principes. Tout d’abord, aucun partenariat n’est exclusif. Ce n’est pas parce que nous sommes dans le réseau des UT que nous ne pouvons pas signer d’accords avec l'UPMC et inversement. Ensuite, nous ne sommes pas prêts à abandonner la marque UTC, quelle que soit l’alliance en jeu. Enfin, nous nous situons dans une logique de projets et non de structures. Il ne s’agit pas à chaque fois de créer une nouvelle entité.

L’UTC doit clarifier sa politique d’alliances

Concrètement, comment déclinez-vous ces principes pour votre partenariat historique avec les deux autres UT ?

Fort de ces règles, nous avons déjà redynamisé le réseau des UT. Cinq réunions se sont déjà déroulées en l’espace de trois mois. La fusion des universités de technologie posait tout de suite des questions bloquantes qui menaient à des conflits. Aujourd’hui, le sujet n’est plus à l’ordre du jour. Nous sommes repartis sur des projets. Nous voulons renforcer le réseau en créant un groupe UT, à l’image du groupe INSA, avec des moyens, un délégué général, des commissions thématiques. En matière de recherche, nous souhaitons identifier des thématiques transverses, comme les transports ou la ville durable, que nous pourrions porter à trois au niveau national.

Nous souhaitons également enclencher une nouvelle phase dans la construction de l’UTSEUS à Shanghai, pour laquelle nous sommes en partenariat avec l’université de la mégalopole chinoise. Nous souhaitons qu’elle devienne véritablement la quatrième UT du réseau avec une dimension recherche très intégrée et davantage d’étudiants français sur place.

Et du côté de votre convention avec l’UPMC et de votre participation à l’Idex SUPER [Sorbonne Universités à Paris pour l’enseignement et la recherche] ?

Avec l’UPMC, nous sommes également dans une logique de projets. La construction d’une plate-forme de robotique à Compiègne par exemple. Quant à l’Idex portée par Sorbonne Universités, nous sommes aujourd’hui membre associé de la fondation de coopération scientifique et nous entrons dans la perspective de devenir membre à part entière. Il s’agit d’une formidable opportunité pour l’UTC à condition de préserver sa marque.

Dans ces initiatives, nous apportons notre dimension "innovation". La Picardie ne va pas être diluée dans l’Île-de-France, mais au contraire devenir un partenaire dans une logique gagnant-gagnant avec des établissements prestigieux.

Autre force de cette alliance : l’approche pluridisciplinaire. S’associer avec des universités de droit, de sciences dures et de sciences humaines et sociales n’est pas un frein, mais une richesse, un moteur d’innovations.

La situation financière de Compiègne est saine mais préoccupante

Dans cette période de difficultés budgétaires pour les universités, avez-vous les moyens de vos ambitions ?

La situation financière de Compiègne est saine mais préoccupante. La première version du budget 2012 en septembre faisait apparaître un déficit de 1,4 million d’euros. Avec les mêmes difficultés pour gérer la masse salariale que les autres universités. Rien que le GVT [glissement vieillesse technicité] augmente de 350.000 € en 2012. Au final, nous allons voter prochainement un budget en équilibre mais au prix d’une dizaine de gels de postes, suite à des départs à la retraite non remplacés. Je n’ai malheureusement pas trouvé d’autres solutions : la masse salariale représente 83 % du budget de l’UTC. J’ai tout de même souhaité la création de six postes pour une nouvelle direction de l’innovation et des partenariats ou sur la collecte de la taxe d’apprentissage, entre autres. Des postes stratégiques pour nous assurer les moyens de notre développement à l’avenir.

Mais nous ne pouvons pas voir la situation se répéter d’année en année et perdre dix postes par an. Nous devons engager une réflexion sur un nouveau modèle de développement qui nous incitera à mettre à plat nos processus pédagogiques : l’équilibre entre vacataires et enseignants-chercheurs permanents, l’articulation entre masters et formations d’ingénieurs… Nous devons trouver la manière d’être plus efficace et plus productif.

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier | Publié le