Allemagne : les universités soutenues par les entreprises dans la lutte contre le décrochage

Marie Luginsland Publié le
Pour endiguer le décrochage des étudiants, les universités allemandes mettent en place des programmes d'initiation au monde universitaire et des dispositifs d'accompagnement dès le premier semestre. Elles sont soutenues dans ces initiatives par les entreprises soucieuses de recruter une main-d'œuvre qualifiée, qui commence à leur faire défaut.

Selon le Centre de recherche sur l'enseignement supérieur et la science, (DZKW), 28% des étudiants décrochent dès les premiers semestres. Ce taux atteint même 50% dans les filières d'ingénieurs. Mal informés, mal préparés, ces "décrocheurs" inquiètent les entreprises allemandes qui craignent un manque de main-d'œuvre qualifiée. Le Stifterverband für die Wissenschaft, association du mécénat d'entreprise qui réunit 3.000 entreprises et des fédérations professionnelles, a mis en place un dispositif de soutien aux universités désireuses de lutter contre le décrochage.

Six d'entre elles, lauréates du "Cercle de qualité, succès des études", destiné à développer des idées et à trouver de nouveaux concepts, ont eu toute latitude pour élaborer leur propre programme. L'université de Bremerhaven, en Basse-Saxe, décerne ainsi depuis deux semestres un  "permis d'étudier".

Conçu comme un permis de conduire, ce certificat n'est délivré qu'à la condition d'avoir suivi 90 heures de cours pendant les six à huit semaines qui précèdent la rentrée universitaire. Ces modules payants (20 à 40 € l'heure) peuvent être choisis à la carte par les étudiants volontaires selon les besoins ressentis.

Car au-delà des remises à niveau en maths et en anglais déjà proposées depuis une dizaine d'années, il s'agit d'une introduction aux méthodes de travail universitaires. "Les bacheliers s'inscrivent souvent en ignorant ce que les études impliquent. Nous leur proposons donc, avec ces cours de 15 à 20 heures, de mieux discerner leurs modes d'apprentissage personnels, de mieux gérer leur temps, en un mot de comprendre ce qu'étudier signifie réellement", expose le Pr. Peter Ritzenhoff, vice-recteur de l'université. Bien que ne donnant aucun avantage immédiat, le "permis d'étudier" a été suivi jusqu'à présent par 10% des inscrits.

Coaching et cocooning

Dans son approche préventive, l'université de Bochum, dans la Ruhr, a opté pour un accompagnement au cours du premier semestre. Le projet, qui bénéficie sur quatre ans d'un budget de 250.000 € alloué par une fondation d'entreprise, la Heinz Nixdorf Stiftung, consiste à suivre pas à pas les nouveaux inscrits des filières scientifiques.

Ces étudiants bénéficient de cours de remise à niveau en maths, par groupes de 25. Ils s'obligent à une assiduité et doivent rendre des devoirs chaque semaine. En dépit d'un surplus de travail de l'ordre de 15%, cette opportunité, gratuite, est saisie par 10 à 15% des étudiants, informés par l'université qui distribue notamment des flyers avec les documents d'inscription, mais aussi par le bouche-à-oreille, qui semble bien fonctionner. Pour autant, le pourcentage d'étudiants suivant ces programmes reste en deçà du nombre d'étudiants réellement concernés.

"De nombreux jeunes ressentent un gouffre énorme entre les méthodes très scolaires du lycée et le milieu universitaire où ils se sentent livrés à eux-mêmes", souligne le Pr. Herold Dehling, doyen de la faculté de mathématiques. Dans cet esprit, une première série de partiels est désormais programmée un mois après la rentrée afin de détecter les étudiants en difficulté. Et d'après l'université, les résultats sont déjà palpables. 70% des étudiants ayant suivi le programme poursuivent leurs études au-delà de la première année, contre 60% en règle générale.

Marie Luginsland | Publié le