Angleterre : premières conséquences du triplement des frais de scolarité dans les universités

Elisabeth Blanchet, notre correspondante à Londres Publié le
Angleterre : premières conséquences du triplement des frais de scolarité dans les universités
Manifestants, novembre 2010 (E. Blanchet) // © 
Septembre 2011 verra la dernière génération d'étudiants britanniques bénéficiant des frais de scolarité annuels fixés à 3.290 £ (3.770 €) pour entrer à l'université. Les trois quarts des universités britanniques ont en effet annoncé qu'elles feront payer le prix fort, 9.000 £ (10.310 €), la somme maximale autorisée par le gouvernement dès la rentrée 2012, en dépit de la mobilisation lycéenne et étudiante de l’automne 2010 . Des annonces qui modifient déjà les choix des futurs étudiants et leur perception des études.

Depuis janvier 2011, on assiste à un effet boule de neige : les universités prestigieuses ont été les premières à annoncer qu'elles appliqueraient le prix fort, suivies de celles moins prestigieuses jusqu'aux moins bien cotées. Or, c'est le gouvernement, via les prêts étudiants, qui va financer les frais de scolarité des futurs étudiants jusqu'à ce que ces derniers puissent rembourser, une fois diplômés et à condition qu’ils gagnent un minimum de 21.000 £ (24.050 €) par an. Selon l'Institute for Fiscal Studies, un étudiant entame aujourd'hui sa vie active avec une dette d'environ 15.000 £ (17.180 €). Avec le triplement des frais de scolarité, c'est aussi l'évaluation de ses dettes qui est multipliée par trois...

En faisant passer cette loi, David Willets, ministre de l'Enseignement supérieur, ne prévoyait pas que la majorité des universités britanniques tripleraient leurs droits de scolarité . Il présumait qu'elles proposeraient des tarifs « proportionnels » à leur rang national et à ce qu'elles pouvaient offrir à leurs étudiants. « En fait, il fallait s'y attendre, explique Beth Evans, responsable du syndicat étudiant de l'université d'Oxford. Si un étudiant voit qu'une université est moins chère, il va penser qu'elle est moins bonne que les autres. »

Ruée sur les colleges

Plus d'une année avant la mise en place de la loi sur l’augmentation des frais de scolarité, ses conséquences sur les futurs étudiants sont déjà palpables. Les entreprises qui organisent des gap-years [pour faire du volontariat ou un stage à l’étranger par exemple, NDLR], traditionnellement populaires chez les jeunes étudiants britanniques, parlent de 2011-2012 comme d'une année noire. Au lieu de prendre une année off, les jeunes bacheliers s’inscrivent déjà massivement à l'université pour échapper aux prix prohibitifs annoncés pour 2012.

Au-delà de cette ruée vers l'université, c'est aussi la perception de l'enseignement supérieur qui change, avec un sérieux doute sur la perspective de commencer sa vie active avec une telle dette. De plus en plus d'étudiants choisissent des options alternatives comme les colleges (mélange de lycée professionnel, d'IUT et d'établissements de formation continue). Des options qui favorisent l'alternance et qui permettent aussi aux étudiants de rester dans leur ville d'origine et bien souvent de continuer à vivre chez leurs parents. Mais les 260 colleges de Grande-Bretagne sont aussi sous la pression des universités avec lesquelles ils sont partenaires pour valider les diplômes qu'ils délivrent. Ces dernières insistent pour que les colleges augmentent également leurs frais de scolarité, à hauteur de 6.000 £ (6.870 €) par an. Jusqu'à présent, ces derniers résistent à cette pression : moins d'une vingtaine ont décidé de passer la barre des 6.000 £.

Des fee refugees en Écosse

Autre échappatoire pour les futurs étudiants anglais : l'Écosse, où les frais de scolarité sont encore fixés à 1.820 £ (2.085 €) pour les étudiants de l'Union européenne et pour leurs voisins anglais. Cependant, le vent risque de tourner car les doyens des universités écossaises craignent une invasion de ceux qu'ils appellent des « fee refugees » (réfugiés des frais de scolarité). D'ailleurs, le SNP (Scottish National Party), à la tête du pays depuis mai 2011, envisage de faire payer les étudiants anglais jusqu'à 6.500 £ (7.450 €) par an... Quant au pays de Galles, son gouvernement a suivi les pas de l'Angleterre, et l'Irlande du Nord n'a pas encore tranché sur l'avenir des frais de scolarité de ses universités.

En 2010, 170.000 jeunes bacheliers s'étaient déjà retrouvés sur la touche par manque de place dans les universités britanniques. Cette année, le record risque d'être largement battu, d'autant plus que les coupes budgétaires sévères du gouvernement affectées au financement des universités en obligeront beaucoup à limiter, voire restreindre leur nombre de places.

Elisabeth Blanchet, notre correspondante à Londres | Publié le