APB : les Mooc d'orientation, un pari sur le long terme

Céline Authemayou Publié le
APB : les Mooc d'orientation, un pari sur le long terme
Créé en 2015, le Mooc "Entrer à l'IUT : les codes pour booster ton dossier" aide les lycéens à constituer leurs dossiers de candidatures en DUT. // ©  Université Paris-Descartes
Afin d'accompagner les jeunes dans leur orientation de manière plus qualitative, plusieurs établissements d’enseignement supérieur ont misé sur les Mooc. Mais pour atteindre un nombre significatif de lycéens, ces cours en ligne nécessitent une communication importante... et un soutien institutionnel.

Qu'apprend-t-on en cours de droit ? Comment le premier semestre de Staps s'organise-t-il ? Alors que les lycéens vont être appelés à émettre leurs vœux sur Admission postbac à partir du 20 janvier, les Mooc d'orientation entrent dans le jeu. Apparus il y a environ deux ans, ces cours en ligne, gratuits et ouverts à tous, sont conçus pour aider les lycéens à choisir au mieux leur formation universitaire. Chaque année, leur nombre augmente.

Les établissements à l'origine de ces Mooc proposent deux types de contenus : certains privilégient une présentation très pratique de la filière, quand d'autres préfèrent jouer la carte de la culture générale, en sensibilisant les inscrits à un domaine particulier. C'est le cas du Mooc "De l'atome au corps humain : à la racine des mots scientifiques", conçu en 2015 par l'université de Lorraine.

Destiné en priorité aux futurs étudiants de Paces, de filières paramédicales, voire de classes préparatoires BCPST (biologie, chimie, physique, sciences de la Terre), le cours décortique l'étymologie du vocabulaire scientifique et médical.

"Ce dispositif a été conçu pour faciliter l'accompagnement des étudiants en amont de leur arrivée à l'université, détaille Viviane Vaillard, ingénieur pédagogique à l'université de Lorraine. Cela leur permet de se rendre compte de la méthodologie et de la nature des apprentissages qui les attendent dans l'enseignement supérieur." L'objectif ? "Permettre une orientation active, et aider les étudiants à mettre toutes leurs chances de leur côté."

Objectif : orientation active

Malgré des différences de contenus, tous les Mooc d'orientation poursuivent le même objectif : aider les lycéens à rejoindre une filière qui leur correspond. Ce n'est donc pas un hasard si les cours proposés se consacrent majoritairement aux filières dites en tension.

"Chaque année, nous sommes frustrés : nous devons refuser des étudiants faute de place, alors que certains décrochent très rapidement, dès les premières semaines de cours", se désole Johann Rage, professeur en Staps à l'université de Perpignan-Via-Domitia et porteur du Mooc "Introduction en Staps".

Le cours débutera le 15 février et présentera la filière Staps, de l'organisation de l'année aux effectifs en cours, en passant par la nature des enseignements. Il a été créé suite à un appel à projet lancé par l'UNF3S (université numérique francophone des sciences de la santé et du sport).

Grâce à une enveloppe de 10.000 euros, Johann Rage et ses collègues issus de plusieurs départements Staps de France ont pu plancher sur le Mooc en quelques mois. "Nous ne voulions pas d'un simple test de positionnement, comme il peut déjà en exister, rappelle l'enseignant. Nous souhaitions délivrer du contenu, apporter une aide au choix. Le Mooc est très vite apparu comme le bon outil."

Le Mooc, pour toucher les lycéens chez eux

Ce format, qui a connu une vague de développement sans précédent en 2012-2013, est apprécié par les établissements pour son "universalité", portée par son accès libre et gratuit. "À défaut d'arriver à faire venir le lycéen dans notre université, nous pouvons aller chez lui, l'accompagner et le prendre par la main, grâce notamment aux vidéos, note Céline Combette, maître de conférences en histoire du droit à l'université Paris 2-Panthéon-Assas et directrice de la mission orientation emploi de l'établissement. Ce dernier propose cette année un Mooc intitulé "Le droit est-ce pour moi ?" Le 5 janvier 2017, jour du début du cours, 4.200 personnes s'y étaient inscrites.

À défaut d'arriver à faire venir le lycéen dans notre université, nous pouvons aller chez lui, l'accompagner et le prendre par la main, grâce notamment aux vidéos.
(C. Combette) 

Du côté de l'IUT Paris-Descartes, les arguments sont similaires. "Nous avons multiplié les rencontres dans les lycées, sur les salons, mais ces moments d'échange ne sont pas de grande qualité, car il faut aller vite", concède Muriel Louâpre, enseignante en information-communication au sein de l'institut universitaire et cofondatrice du Mooc "Entrer à l'IUT : les codes pour booster ton dossier". "Le Mooc permet d'atteindre les lycéens sur le long terme, dans un temps calme", complète l'enseignante.

Atteindre le public cible, principal challenge

Reste à savoir si les lycéens, principales cibles de ces cours en ligne, seront au rendez-vous. "Les jeunes ne sont pas connus pour être des grands consommateurs de Mooc, analyse Matthieu Cisel, post-doctorant au CRI (Centre de recherche interdisciplinaire), auteur d'une thèse sur les Mooc et blogueur EducPros. Mais il faut tout de même préciser que rares sont les cours en ligne qui leur sont directement dédiés."

Pour évaluer l'impact de son cours, l'université de Lorraine a étudié avec soin les chiffres recueillis lors des deux premières sessions du Mooc "Racines", organisées en 2015. Environ 15 % des 6.200 utilisateurs étaient des lycéens. À l'IUT Paris-Descartes, 5.200 personnes se sont inscrites au cours en 2015, dont 72 % de lycéens. 25 % des inscrits ont terminé le cours, qui ne délivre aucun certificat ni évaluation.

"En moyenne, le taux d'achèvement des MOOC est de 10 %, indique Matthieu Cisel. C'est donc un très bon score, qui peut cependant dire beaucoup de choses : que les cours sont bons, que les tests proposés sont trop faciles, ou encore que le public inscrit est très ciblé."

Des MOOC bientôt au programme de terminale ?

Il faut dire que pour faire connaître leur Mooc auprès du public lycéen, les établissements redoublent d'effort. Communication auprès des rectorats, des établissements secondaires, des centres d'orientation... En Lorraine, le cours en ligne dédié au vocabulaire scientifique a été proposé à tous les bacheliers admis à l'IFSI (Instituts de formation en soins infirmiers) de Forbach (Moselle), quelques semaines avant leur rentrée. Près de la moitié d'entre eux ont suivi la formation. Une expérience similaire est menée avec la Paces de l'université. "Ces expériences sont très riches, mais notre volonté est désormais de sensibiliser l'ensemble du territoire", espère Viviane Vaillard.

L'une des solutions pour toucher plus de lycéens serait que ces Mooc, tous hébergés par la plate-forme institutionnelle FUN (France université numérique), entrent dans le panel des outils d'orientation proposés par l'Éducation nationale. C'est ce que défend Matthieu Cisel : "Pour qu'ils existent, il faut que ces Mooc soient inscrits dans les programmes. Le soutien de l'institution est indispensable."

Céline Authemayou | Publié le