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Apprentissage, développement durable, IA : comment les écoles de design se réinventent

Amandine Sanial Publié le
Apprentissage, développement durable, IA : comment les écoles de design se réinventent
Apprentissage, développement durable, IA : comment les écoles de design se réinventent // ©  Gorodenkoff/Adobe Stock
Face à l'essor de l'intelligence artificielle, des enjeux écologiques et à la multiplication des écoles privées, les écoles de design redéfinissent leurs cursus.

Comme tous les établissements du supérieur, les écoles de design doivent adapter leurs enseignements aux évolutions des attentes de la société et des employeurs. Elles répondent à ces changements en modifiant leur cursus. De quoi, également, se démarquer dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

Un métier bousculé par l'IA

Les récentes avancées de l'IA (intelligence artificielle) générative ont profondément modifié le travail des designers. En réponse, des écoles de design comme celle de Nantes ont fait le choix d'intégrer ces outils dans leur formation.

"Nous travaillons sur l'intelligence artificielle depuis plusieurs années", explique Stéphane Gouret, directeur adjoint de l'école de design Nantes Atlantique. "On continue, bien sûr, d'enseigner le dessin, les couleurs, les volumes. Mais aujourd'hui, avec l'accélération des IA génératives, les designers doivent en maîtriser les bases pour pouvoir composer des images en gagnant en performance et en productivité."

L'école de Nantes forme ainsi ses étudiants de premier cycle aux logiciels les plus répandus d'intelligence artificielle, de textes comme d'images. "Certains modules d'IA sont intégrés dans des cours d'infographie, comme Illustrator et Photoshop, tandis que d'autres se concentrent sur des outils spécialisés comme Midjourney", poursuit Stéphane Gouret.

Utiliser l'IA pour assister le travail du designer

L'École supérieure d'art et design Saint-Étienne explore l'IA via son "randomlab", un laboratoire consacré à l'expérimentation en art, design et numérique. "L'idée est de s'interroger pour que l'IA ne soit pas la mort du designer, mais au contraire, qu'elle assiste le créateur et ne le fasse pas disparaître", explique Éric Jourdan, directeur général de la Cité du design-Esadse.

D'autres écoles font appel à des formateurs et designers qui ont fait de l'IA leur spécialité : c'est le cas d'Etienne Mineur, qui intervient sur le sujet à l'ENSCI – Les Ateliers, à l'école Camondo (Paris) ainsi qu'à la Head (Genève). "Il y a trois ans, quand j'ai commencé mes workshops sur l'IA, j'ai vu que les étudiants étaient inquiets. Moi, au contraire, je me suis dit “voilà un nouvel outil”", explique le designer.

Il forme les élèves à apprendre à utiliser l'IA dans le design, mais aussi à se questionner sur les enjeux légaux et éthiques de ces outils. "On est encore dans une phase où on définit la façon dont on va utiliser l'IA. Il faut donc tester, et poser les limites."

À Saint-Étienne comme à Nantes, les chefs d'établissement ne sont pour l'heure pas préoccupés à l'idée d'un remplacement du designer par l'IA. "Ces outils n'apportent pas un plus en termes de créativité. Les images restent pour l'heure stéréotypées et convenues", juge Stéphane Gouret.

Intégrer le développement durable dans les cursus

Les écoles de design s'attachent également à intégrer les enjeux écologiques dans leurs programmes. L'enjeu dépasse les simples solutions de recyclage ou d'utilisation de matériaux durables : il s'agit d'intégrer une réflexion systémique sur l'impact environnemental de chaque projet.

À Nantes, un expert en design durable est aujourd'hui chargé de développer une politique en matière de formation et de fonctionnement de l'école.

"C'est un recrutement qui nous a permis de renforcer tous les apports autour des enjeux environnementaux. Ça ne touche pas que le design industriel : ça touche au digital, au design graphique... Les web designers doivent avoir conscience qu'une application a besoin de serveurs, ou que les IA sont très gourmandes en data", détaille Stéphane Gouret, qui précise que l'investissement en matière de design durable représente près de 100.000 euros.

L'apprentissage pour renforcer l'employabilité

Au dela des maquettes de formation, ce sont également les modalités pédagogiques qui évoluent puisque ces établissements s'ouvrent à l'apprentissage.

L'École de design Nantes Atlantique propose de l'apprentissage au niveau bac+3 et bac+5. "Notre indicateur principal, c'est l'employabilité de nos élèves. Si les jeunes sont correctement formés, ils vont trouver un emploi", estime Stéphane Gouret, qui affirme que son école se place comme "le premier CFA de France en design". 

À Saint-Etienne, Éric Jourdan a sollicité les entreprises dès son arrivée à la tête de la Cité du design-Esadse, en 2020. "On a ouvert une première classe d'alternance pour les étudiants du master 2 design objet, car je suis convaincu que c'est le meilleur vecteur d'insertion. Des écoles privées le proposaient déjà mais nous avons été la première école publique à franchir le pas. C'est un grand changement culturel."

Se démarquer dans un secteur concurrentiel

Face à l'essor des établissements privés, les écoles de design "historiques" cherchent à se distinguer. En 2022, l'école de Nantes, un établissement privé associatif reconnu par l'État, est devenue la première école de design à obtenir le label EESPIG (Établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général), un label jusqu'ici délivré principalement aux écoles de commerce et d'ingénieurs.

Pour l'obtenir, les établissements doivent remplir plusieurs critères, notamment garantir une mission de service public. "On est sur un secteur avec une offre importante d'écoles privées, dans lequel les étudiants et leur famille ont du mal à se repérer, souligne Stéphane Gouret. Ce label leur garantit que notre école n'est pas mue par autre chose que former les élèves à un métier."

Des partenariats avec le monde professionnel

Au-delà de l'apprentissage, ces écoles renforcent leur liens aux entreprises. Ainsi, l'école de Nantes dispose de partenariats avec Orange, Décathlon ou LVMH, qui permettent aux étudiants de plancher sur des sujets concrets tout en se constituant un book.

"On propose aux entreprises de travailler sur des sujets qui sont importants pour elles. Par exemple, avec Airbus, les élèves travaillent sur le cockpit du futur. L'idée est de faire en sorte que les interfaces et les cockpits soient adaptables au niveau de compétences des pilotes", poursuit Stéphane Gouret.

À Saint-Étienne, un nouveau postmaster design et industrie encourage de jeunes professionnels du design de travailler avec des entreprises sur des programmes de recherche de deux ans. "À l'issue du programme, les étudiants proposent un projet concret, valorisé à travers une exposition à la Cité du design", détaille Eric Jourdan.

Amandine Sanial | Publié le