Arrêté licence : la "boulette" du ministère sur les grandes écoles

Laura Taillandier Publié le
Arrêté licence : la "boulette" du ministère sur les grandes écoles
Le ministère de l'Enseignement va réviser l'article 22 du projet d'arrêté licence en vue du Cneser du 9 juillet 2018. // ©  Camille Stromboni
Non, les grandes écoles ne pourront pas délivrer le diplôme national de licence. Le ministère de l'Enseignement supérieur va modifier l'article 22 du projet d'arrêté licence qui élargissait le périmètre des établissements habilités à le faire. Rétropédalage ou simple coquille ?

"Boulette" ou "ballon d'essai" ? L'article 22 du projet d'arrêté licence ouvre la possibilité, pour tout établissement public de l'Enseignement supérieur, de délivrer le diplôme de licence. Une disposition qui entraînerait une perte de monopole pour les universités.

Résultat : les organisations syndicales ont manqué de s'étrangler à la lecture du texte. "Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous avons été surpris..." ironise Stéphane Leymarie, le secrétaire général de Sup Recherche Unsa.

Le ministère plaide l'"incompréhension"

Le ministère de l'Enseignement supérieur est pourtant formel : "Il s'agit là d'une incompréhension." "Il n'est évidemment pas envisagé d'élargir le périmètre des établissements pouvant délivrer le diplôme national de licence", assure l'entourage de la ministre, mardi 26 juin 2018, une semaine après la diffusion du texte aux membres du comité de suivi licence, master, doctorat. Une simple coquille qui aurait échappé à tous lors des échanges informels, mais qui est "assez grosse..." pointe Stéphane Leymarie.

Cette formulation était d'ailleurs présente dans les différentes versions du texte qu'EducPros a pu consulter en amont de la diffusion plus générale, mardi 19 juin 2018. "Il n'y a pas de malice derrière. Nous étions concentrés sur les points clés, comme la compensation, les modalités de contrôle des connaissances... Cet article est un peu passé à la trappe, admet François Germinet, le président de la commission formation de la CPU. Quand on parle d'établissements publics, on ne voit pas forcément tout ce que cela implique derrière..."

C'est une boulette qui part d'un bon sentiment : assouplir la situation de certains regroupements là où il existe une vraie politique de site.
(F. Lambert)

Les universités restent "pilotes"

Françoise Lambert, secrétaire générale du Sgen-CFDT abonde en ce sens : "C'est une boulette qui part d'un bon sentiment : assouplir la situation de certains regroupements là où il existe une vraie politique de site".

"L'idée est de permettre, demain, une coordination par site, dans le cadre des expérimentations de regroupement qui seront autorisées par l'ordonnance sur la politique de site. Mais il ne s'agit pas d'élargir le périmètre des établissements qui délivrent la licence", insiste François Germinet. La version du texte qui sera présentée au Cneser (Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche) le 9 juillet 2018 sera ainsi "amendée" en ce sens, précise la Rue Descartes.

L'enjeu, pour nous, est d'obtenir le grade de licence pour nos formations courtes de type Bachelor.
(A.-L. Wack)

Pour la CGE (Conférence des grandes écoles), cette "coquille" aura au moins eu le mérite de "relancer le débat". Car la tournure de l'article 22 a également eu son petit effet de surprise du côté des grandes écoles. "L'enjeu n'est pas pour nous de délivrer le diplôme national de licence, mais d'obtenir le grade de licence pour nos formations courtes de type Bachelor, comme nous avons le grade de master pour nos diplômes bac + 5", rappelle Anne-Lucie Wack, la présidente de la Conférence.

"Nous ne comprenons pas la réticence du ministère sur ce sujet. Le visa ne donne pas la même garantie que le grade aux familles, ni la même attractivité à l'international. Il s'agit de former bientôt 3 millions d’étudiants dans l'enseignement supérieur et tous les établissements doivent y contribuer, grandes écoles et universités", ajoute-t-elle. Et d'appuyer : "Il n’y a pas de concurrence avec les universités, bien au contraire."

Laura Taillandier | Publié le