Au 110 bis, rue de Grenelle, "un espace conçu pour un effet levier sur l’innovation"

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Au 110 bis, rue de Grenelle, "un espace conçu pour un effet levier sur l’innovation"
Marie-Anne Lévêque, secrétaire générale des ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, et Somalina Pa, responsable du projet, lors de l'inauguration du 110bis. // ©  MEN
Début juin, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, a inauguré le 110 bis, 350 m2 dédiés à l'innovation et ouvert aux personnels et enseignants. Pour EducPros, Marie-Anne Lévêque, secrétaire générale des ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, et Somalina Pa, responsable du projet, détaillent cette initiative et l’évolution des cultures professionnelles au sein des ministères.

Quels objectifs poursuivez-vous avec l’ouverture de cet espace ?

Premièrement, valoriser et faire connaître des initiatives innovantes pour amener nos agents à montrer ce qu’ils font. Cet espace a été conçu pour provoquer un effet levier sur l’innovation sous toutes ses formes. L’idée ? Mutualiser ces innovations et de leur apporter un soutien méthodologique.

Nous mettons à disposition des ressources, des compétences et l’accompagnement nécessaire pour aller vers la concrétisation de projets intéressants tels que l’outil dédié aux classes à 12 élèves, l’inscription en ligne au collège, le cartable connecté ou les initiatives innovantes de l’administration, comme celles récompensées par le prix Impulsion.

Le projet a-t-il été difficile à mener au sein d’une administration comme celle du ministère ?

Nous avons commencé à réfléchir au projet dès l’automne 2017, mais nous étions coincés par des contraintes immobilières. Nous avons eu alors l’opportunité de récupérer un plateau rattaché aux services du Premier ministre, rue de Grenelle.

Nous avons bénéficié d’une collaboration très efficace entre les services de l’administration centrale, la logistique, la DNE (Direction du numérique pour l’éducation) et la Delcom (Délégation à la communication).

Nous avons laissé beaucoup de marge de manœuvre aux différents acteurs, ainsi qu'une forte capacité de proposition, en fonctionnant en "mode projet". Les syndicats ont été très attentifs à ce que les personnels du ministère soient relogés dans les meilleures conditions : au total, plus de 70 personnes ont été déplacées.

L’administration centrale est capable du meilleur comme du pire. Une de ses faiblesses, c’est que les gens ne se connaissent pas beaucoup.

Au-delà d’un outil de rayonnement et d’ouverture sur l’extérieur, s’agit-il aussi de changer les cultures professionnelles au sein du ministère ?

L’administration centrale est capable du meilleur comme du pire. Une de ses faiblesses, c’est que les gens ne se connaissent pas beaucoup. Chacun a tendance à travailler en silo dans sa direction, avec des délais de validation parfois longs de la hiérarchie, et des "coûts de transaction" très élevés. Le lab permettra d’amplifier le travail en "task force" transversale, réunissant toutes les directions concernées du ministère, déjà mis en place sur certains sujets, comme sur la réforme du bac et de la voie professionnelle.

Cela permet d’être beaucoup plus réactifs avec une équipe dédiée à un projet et qui se regroupe le temps nécessaire en bénéficiant de méthodes de travail plus innovantes. L’idée est à la fois d’être très efficace et concentré sur un projet et de réunir les personnes durablement au sein d’un même espace.

Le lab a également vocation à mettre en œuvre ponctuellement de nouvelles formes de coopération et de travail collectif, comme cela a été le cas lors du dernier séminaire de la Dgesco, et pour les secrétaires généraux d’académie.

Lors de l’inauguration, tous les acteurs du numérique étaient réunis. Quelle feuille de route portez-vous en matière de développement du numérique à l’école et quel message voulez-vous faire passer à la filière EdTech ?

Tout l’enjeu de la feuille de route qui sera annoncée à la rentrée par le ministre, au-delà des usages pédagogiques, sera de trouver l’équilibre entre la protection des données et le développement du potentiel du numérique, sur fond de mise en œuvre de la RGPD, avec la création d’un administrateur ministériel des données. Le Lab en sera l’un des acteurs, notamment pour tout ce qui a trait à la datavisualisation et à la politique de données.

Tout l’enjeu de la feuille de route sera de trouver l’équilibre entre la protection des données et le développement du potentiel du numérique.

Quels sont les développements prévus ? Des espaces de ce type pourraient-ils ouvrir dans les académies ?

Nous avons reçu énormément de demandes pour des sessions de travail au Lab, presque trop ! Nous voulons pouvoir accueillir des enseignants et des étudiants, et surtout répondre à ces demandes en respectant la philosophie initiale du projet. Nous avons encore des articulations à trouver en interne, par exemple avec le Numerilab de la Direction du numérique éducatif.

Nous ne souhaitons pas aller vers du tout "tech" ou du tout numérique, mais bien garder la dimension "innovation" au sens large. À court terme, nous allons répondre à une demande spécifique du ministre pour une meilleure visualisation des données de pilotage du système éducatif. À l’automne, nous organiserons une session pour "hacker" certaines données de la Depp (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), afin de stimuler l’innovation.

Enfin, pour les académies, nous voulons aller vers une mise en réseau de toutes les structures de ce type sur le territoire, en lien avec les opérateurs du ministère, comme Canopé. Mais une déclinaison verticale de ce qui se passe Rue de Grenelle dans toutes les académies ne serait pas en phase avec la philosophie du lieu. En revanche, nous souhaitons susciter l’envie dans les rectorats de mener ce type de projets.

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