Autonomie des universités : la France, cette mauvaise élève, selon l'EUA

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
Autonomie des universités : la France, cette mauvaise élève, selon l'EUA
L'Association des universités européennes (EUA) a publié son deuxième état des lieux de l'autonomie des universités en Europe. // ©  Jan Scheunert/ZUMA/REA
En matière d'autonomie, les universités françaises restent en queue de peloton. C'est le constat dressé par l'EUA (Association des universités européennes), dans une étude publiée le 7 avril 2017. Pourtant, l'autonomie est un "prérequis" à de meilleures performances des établissements, plaide l'organisation.

Malgré la loi Fioraso en 2013, malgré la réforme du master autorisant les établissements à sélectionner leurs étudiants, en matière d'autonomie des universités, rien n'a changé ou presque pour la France, depuis la première étude de l'EUA (Association des universités européennes) sur le sujet.

C'est le constat réalisé par l'organisation, qui a rendu publique vendredi 7 avril 2017, à l'occasion de sa conférence annuelle à Borgen (Norvège), une étude et une carte comparant l'autonomie des universités de 29 pays européens. Elle s'appuie pour cela sur un corpus de trente indicateurs.

La France, en queue de peloton

Dans les quatre dimensions identifiées par l'EUA (autonomies organisationnelle, financière, en ressources humaines et académique), la situation de la France est stable par rapport à 2010 : la France continue de se situer parmi les derniers du classement, loin derrière le Royaume-Uni, qui figure dans le trio de tête, quelle que soit la dimension étudiée.

En matière d'autonomie organisationnelle, la France arrive à la 20e position et perd des places par rapport à 2009, où elle se situait à la 13e position. Le Royaume-Uni est, lui, en tête et respecte la totalité des critères fixés pour que ses universités soient considérées comme totalement autonomes. Il est suivi par le Danemark et la Finlande.

Pour expliquer cette situation, l'association souligne que la gouvernance des universités françaises est "fortement régulée par l'État" et que ces dernières "ne peuvent pas pleinement décider de leurs structures académiques". Avec ce résultat, la France se place, comme en 2010, dans le groupe ayant une autonomie "moyenne-faible". Pour chaque dimension, l'EUA répartit en effet les pays en quatre groupes : "fort degré" d'autonomie, autonomie "moyenne-élevée", autonomie "moyenne-faible" et autonomie "basse".

Autonomie organisationnelle des universités

"peu de marge de manœuvre" budgétaire

S'agissant de l'autonomie financière, la France se situe, encore une fois, dans le groupe ayant une autonomie "moyenne-faible", à  la 24e position. Le trio de tête est composé du Luxembourg, de la Lettonie et du Royaume-Uni.

L'EUA note que les universités hexagonales ont "peu de marge de manœuvre" pour utiliser la dotation de l'État comme elles le souhaitent 80 % des subventions publiques partent, de fait, dans le paiement de la masse salariale – et que le niveau des droits de scolarité pour les licences et masters est fixé par l'État. À l'inverse, elle met en avant leur capacité à emprunter de l'argent dans certaines conditions et la dévolution de leur patrimoine immobilier pour certaines.

En matière de ressources humaines enfin, la France arrive à la 27e position, ex aequo avec l'Irlande. L'EUA rappelle que le nombre d'emplois d'enseignants-chercheurs titulaires est régulé par l'État, tout comme la grille d'évolution salariale.

Niveau d'autonomie des universités en matière de droits d'inscription (Source : EUA)

Quelle dimension politique ?

Au-delà de l'état des lieux réalisé par l'EUA, quelle est la dimension politique et prescriptive de cette étude ? Si Rolf Tarrach, président de l'association qui regroupe universités et conférences des présidents d'université de 47 pays, admet qu'"il existe différents modèles et [qu'] on ne peut être complètement objectif en évaluant l'autonomie des universités", il estime néanmoins que les études de l'EUA et la méthodologie développée pour évaluer l'autonomie des établissements "ont permis d'instaurer les principes fondamentaux et les conditions dont les universités ont besoin pour mener au mieux leurs missions et leurs tâches".

Dans la présentation de l'étude, l'EUA indique aussi que "l'autonomie n'entraîne pas de manière automatique de meilleures performances des établissements mais est un prérequis."

"Qui a décrété que l'autonomie devait être la norme pour une gestion efficace des universités ? Cette remarque est déjà un parti pris", réagit Stéphane Leymarie, secrétaire national de Sup'Recherche Unsa, qui poursuit : "Ce type d'étude et de classement nourrit une espèce de religiosité autour de l'autonomie, qui me rend de plus en plus sceptique. D'autant plus que l'autonomie des universités n'est pas nécessairement celle des personnels, en témoigne la situation actuelle en France." Le débat est loin d'être tranché.

Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le