Barack Obama : un nouvel espoir pour l'enseignement supérieur américain

Camille Stromboni et Fabienne Guimont Publié le
Barack Obama : un nouvel espoir pour l'enseignement supérieur américain
obama // ©  EducPros
« Yes, we can ! ». Une fois à la Maison Blanche, quelle politique Barack Obama va-t-il proposer pour le secteur de l’enseignement supérieur aux Etats-Unis ? Dans tous les cas, les relations de son pays avec les universités du reste du monde devraient prendre un nouveau cap, après huit ans sous la mandature de G. W. Bush. La communauté éducative américaine en France, que nous avions interrogée au lendemain de l'élection d'Obama, laisse entrevoir les changements à venir. Echanges académiques, prêts aux étudiants, frais d’inscription… Autant de dossiers sur lesquels il s’est exprimé pendant la campagne.

Le milieu éducatif américain en France n’a pas échappé au vent d’espoir suscité par l’élection de Barack Obama à la tête des Etats-Unis. « On est plus optimiste, cela peut vraiment être bénéfique pour nous », estime ainsi Danny Rukavina, trésorier et responsable des affaires culturelles de la Schiller International University (Paris). En écho de l’autre côté de l’Atlantique, Pascal Delisle, attaché culturel à l’ambassade de France aux Etats-Unis ne dit pas le contraire : « Le visage de l’Amérique est plus accueillant, même symboliquement ».  

La culture américaine reprend des couleurs

Au-delà de cet enthousiasme, comment Obama va-t-il faire bouger les lignes, selon eux ? « Cela devrait redonner un engouement pour la culture américaine, un peu perdu pendant les huit années Bush. Dans les universités étrangères qui offraient des programmes sur la culture et la civilisation américaine, les inscriptions étaient en forte baisse », souligne Danny Rukavina (Schiller International University à Paris).

Pour Arnaud Roujou de Boubée, directeur de la commission franco-américaine, qui attribue les fameuses « bourses Fulbright », les travaux de recherche devraient même être dynamisés. « Notre article 1 nous fixe pour mission de faciliter les échanges pour développer la compréhension mutuelle entre nos deux pays. Quand il y a une élection aussi historique, cela réactive très fortement l’intérêt pour les Etats-Unis. Dans les mois et années qui viennent, des chercheurs vont vouloir s’intéresser à ces questions. Pourquoi la France s’est-elle autant intéressée à cette élection, par exemple ? », souligne-t-il.  

Echanges d’étudiants : l’espoir de frontières plus ouvertes

Outre l’attrait pour la culture américaine, qu’en est-il des échanges d’étudiants ? « Pour les étudiants internationaux, la destination américaine, toujours très prisée, devrait se renforcer», estime Arnaud Roujou de Boubée. « Lorsqu’on écoute les discours de Barack Obama, qui affirme que son pays doit s’ouvrir au dialogue, on peut imaginer que cela va passer par les échanges. L’importance des budgets de « public diplomacy » sous la mandature de George W. Bush était liée à la détérioration de l’image des Etats-Unis à l’étranger. Ce besoin de présenter les Etats-Unis sous un visage positif devrait être moindre sous la présidence Obama ».

Stéphane Greppo, directeur administratif de l’university of Chicago à Paris va dans le même sens. « De façon générale, l’élection d’Obama ne peut être que positive sur l’ouverture des Etats-Unis et les échanges d’étudiants. Elle va même renforcer notre prestige puisque Barack Obama a été professeur de droit dans notre université mère de 1996 à 2004 » (voir encadré).  

L'espoir de procédures allégées pour l'attribution des visas

Les échanges devraient aussi se fluidifier grâce à un desserrement des procédures dans l’attribution des visas, mises en place en réaction au 11-Septembre. « Les Etats-Unis sont encore à un niveau d’accueil des étudiants internationaux inférieur à celui de 2003 (environ un million d’étudiants internationaux). Sous la deuxième mandature Bush, un assouplissement avait été décidé. A partir d’avril 2008, les visas étaient plus largement accordés par exemple aux diplômés de sciences, technologie, ingéniérie et mathématiques. Il existe en effet une grande inquiétude aux Etats-Unis sur le renouvellement des scientifiques américains », explique Pascal Delisle, également ancien directeur du centre américain de Sciences Po Paris.

« J’ai bon espoir d’un assouplissement et d’un contrôle plus raisonné. Beaucoup de choses ont été votées sur ce sujet mais il est possible de prendre des mesures symboliques, en annonçant par exemple que le nombre de visas pour les étudiants et les émigrés qualifiés va augmenter », espère  Danny Rukavina. Barack Obama devrait par ailleurs soutenir l’initiative du Paul Simon Act, passé devant la chambre basse du Congrès, pour créer des fonds finançant la mobilité des américains à l’étranger, au-delà des 180 000 à 200 000 départs par an actuellement. Les deux partis l’ont soutenue.

Une promesse de démocratisation de l’accès aux études supérieures

La recherche a été affichée comme priorité par le sénateur de l’Illinois pendant la campagne, davantage comme un corollaire de la compétitivité économique du pays. « Ce n’est que dans le dernier débat de campagne que les candidats démocrate et républicain ont réellement parlé des questions touchant à l’enseignement supérieur », raconte Pascal Delisle.

Dans la marmite des différentes propositions du démocrate, la plus claire est sans doute celle qui concerne le coût des études supérieures aux Etats-Unis, avec en perspective l’élargissement de l’accès à l’université pour le plus grand nombre. Obama a en effet estimé que les coûts des universités publiques étaient prohibitifs, même pour les classes moyennes. Il a proposé de rendre l’enseignement supérieur gratuit pour tous ceux qui seraient prêts à donner deux années pour la « coopération » ou l’armée. Parmi ses promesses de campagne, il propose de faire passer le plafond de la bourse fédérale Pell de 4000 à 5000 $. Les familles pourraient aussi bénéficier d’un crédit d’impôt – American Opportunity Tax Credit – couvrant les deux tiers des frais d’inscription d’une université publique moyenne, en échange de 100 heures consacrées par l’étudiant à des travaux d’intérêt général.

Les prêts étudiants chahutés par la crise

Autre sujet qui touche au portefeuille, évoqué lors de la campagne, la question des prêts étudiants. « Obama et McCain étaient tous deux favorables au développement du système des prêts de l’Etat fédéral aux étudiants », explique Pascal Delisle. Qu’ils s’agissent des prêts disposant d’un meilleur taux d’intérêt et d’un mode de remboursement plus avantageux, ou des prêts simplement garantis par l’Etat américain, l’ensemble devrait être remis à plat sous la présidence Obama. « La crise a gravement touché ce système. Des prêts « directs » de l’Etat ont été mis en place, entre le printemps et l’automne 2008, pour éviter la catastrophe. 20 % des étudiants risquaient de voir leur demande de prêt refusée », raconte Pascal Delisle. La crise s’est ainsi invitée dans l’enseignement supérieur, Barack Obama ne pourra pas l’éviter. 

Obama : l’American dream par l’université

Par son parcours universitaire, Barack Obama incarne l’American dream. Après une enfance et une adolescence passées à Hawaï et en Indonésie, il passe deux ans au College occidental de Californie, avant d’entrer à l’université Columbia de New York pour en sortir diplômé de sciences politiques et de relations internationales. Après un début de carrière à Chicago comme analyste d’affaires, il décide de passer quelques années comme animateur social dans un quartier déshérité de cette ville. Les études le rattrapent en 1987. Il étudie le droit pendant trois ans à Harvard près de Boston. Il travaille ensuite comme professeur de droit constitutionnel à l’université de Chicago avant de devenir sénateur de l’Illinois en 2005.
Son passé universitaire lui sert aujourd’hui. Nombre de ses conseillers sont des universitaires, comme le prix Nobel d’économie, Jim Heckman. Il l’a inspiré pendant sa campagne dans le domaine de l’éducation.

Camille Stromboni et Fabienne Guimont | Publié le