Bilan du quinquennat Sarkozy. Lycée : une réforme en demi-teinte

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Bilan du quinquennat Sarkozy.  Lycée : une réforme en demi-teinte
Luc Chatel à la rentrée 2011 // © 
La réforme du lycée fait partie des gros dossiers du quinquennat écoulé. Après plusieurs rebondissements – manifestations de lycéens, blocages d’établissements, report de la version «Xavier Darcos», puis consultations partout en France –, Nicolas Sarkozy l’avait présentée lui-même à l’Élysée, en grande pompe, en octobre 2009. Bilan d’une réforme qui a connu plusieurs moutures, dans le cadre de notre rétrospective sur les réformes du quinquennat dans l’éducation et l’enseignement supérieur.

Le 2e rapport des inspections générales sur la mise en œuvre de la réforme du lycée d’enseignement général et technologique a été publié vendredi 9 mars 2012. Un an après le 1er document remis à Luc Chatel, le ministre de l’Education nationale, le bilan est toujours mitigé.  

Ce qui a été annoncé

La réforme du lycée est lancée dès 2008 par Xavier Darcos, alors ministre de l’Éducation nationale. Mais face aux mouvements qui s’élèvent contre le projet, le ministre annonce, le 15 décembre 2008, son report et de nouvelles discussions à partir de janvier 2009. Richard Descoings, directeur de Sciences po Paris, se voit alors confier une mission «d’analyse, d’écoute et de proposition» dans les lycées par Nicolas Sarkozy. Il entame un tour de France et crée un site Internet : lyceepourtous.fr.

En juin 2009, Luc Chatel, le nouveau ministre de l’Éducation nationale, reprend le dossier de la réforme . Il s’inspire largement du rapport Descoings. Ses objectifs : réduire les inégalités, mieux préparer les lycéens à l’enseignement supérieur, les associer davantage à la vie de leur lycée et passer d’une orientation subie à une orientation choisie et réversible.

Le 13 octobre 2009, Nicolas Sarkozy annonce lui-même une série de mesures : l’instauration de stages passerelles et de remise à niveau pendant les vacances scolaires, une classe de première plus générale, du tutorat, un accompagnement personnalisé, des groupes de compétences en langues, plus de culture, des banques de stages en entreprise, la création de nouvelles spécialités en terminale, d’une nouvelle série STI, etc. Une autonomie plus grande doit être laissée aux établissements.


Ce qui a été fait

L’accompagnement personnalisé pour tous
Depuis la rentrée 2010, les élèves de seconde bénéficient de deux heures d’accompagnement personnalisé par semaine. Le dispositif a été étendu à la classe de première à la rentrée 2011 et le sera en terminale en 2012. Selon les profils, il s’agit de remise à niveau, de renforcement de connaissances ou d’aide à l’orientation. Une grande liberté a été laissée aux établissements. L’accompagnement personnalisé connaît strong>des résultats mitigés.

Les enseignements d’exploration
La réforme Chatel inclut strong>deux matières d’exploration en seconde pour que les élèves testent leurs «goûts». Seule obligation : choisir au moins un enseignement d’économie parmi les deux proposés : «les sciences économiques et sociales» ou «les principes fondamentaux de l’économie et de la gestion». La seconde matière choisie peut être scientifique, littéraire, artistique ou encore technologique. En théorie, les enseignements d’exploration ne sont pas censés jouer sur l’orientation en première.

Les retours sont globalement positifs sur cette idée, mais strong>l’offre n’est pas complète sur tout le territoire (le ministère encourage donc la mise en réseau des lycées) et les mentalités peinent à évoluer. Des familles se tournent ainsi vers l’enseignement d’exploration MPS (méthodes et pratiques scientifiques) avec la série S en ligne de mire. Selon le dernier rapport de la mission de suivi de la réforme, publié vendredi 9 mars 2012, « les lycées qui offrent une série donnée orientent dix fois plus leurs élèves vers cette série que ceux qui ne l’offrent pas ». La mise en réseau des établissements et la mutualisation, sont encore à construire.

L’orientation en douceur
Luc Chatel ne concrétise pas l’idée principale de Xavier Darcos : découper l’année scolaire en semestres, avec une semaine de bilan orientation à mi-parcours. En revanche, il met en place une classe de première plus générale, avec 60% de l’emploi du temps dédiés à un tronc commun. Pour faciliter les passages entre les séries (et limiter le redoublement), des stages passerelles et des stages de remise à niveau sont prévus pendant les vacances scolaires pour les élèves qui souhaitent se réorienter ou rencontrent des difficultés. Un terrain qui reste à défricher … En pratique, les stages sont peu mis en place.

La revalorisation des séries
Selon le dernier rapport de la mission de suivi de la réforme, la série S continue d’être plébiscitée par les familles. À la rentrée 2011, un tiers des élèves l’ont choisie. 
Néanmoins, la série L progresse légèrement et dépasse les 10 % d’inscriptions après 4 ans de stabilité. Pour revaloriser celle-ci et en faire une «filière d’excellence internationale», un enseignement de «littérature étrangère en langue étrangère» est créé. De même qu’une nouvelle spécialité en terminale : «droit et grands enjeux du monde contemporain».


Comme l’avait souhaité Richard Descoings, la série STI (sciences et technologies industrielles), dont les effectifs ne diminuent plus, est rénovée . Le rapport indique toutefois qu’elle souffre encore « d’un déficit d’image » et « manque d’attractivité ». À la rentrée 2011, trois nouvelles séries de première technologique voient le jour : STI2D (sciences et technologies de l’industrie et du développement durable), STL (sciences et technologies du laboratoire) et STD2A (sciences et technologies du design et des arts appliqués). Luc Chatel a annoncé l’ouverture de classes STI2D dans quelques lycées parisiens prestigieux tels que Louis-le-Grand ou Janson-de-Sailly.

Le bac : sécurisé mais inchangé… pour le moment
Les péripéties qui ont entouré le bac 2011 ont poussé le ministère à plancher sur une série de mesures destinées à le rendre moins exposé aux fraudes. Deux rapports ont été publiés lundi 12 mars 2012 sur ce sujet riche en débats.

Les langues : parlons beaucoup, parlons bien !
En février 2012, Luc Chatel présentait ses pistes pour repenser l’apprentissage des langues . En attendant la mise en œuvre de ce plan, la LV2 a fait son entrée dans le tronc commun en séries générales, des stages d’anglais ont été organisés pendant les vacances, un enseignement de littérature étrangère en langue étrangère a été créé en L, le site englishbyyourself.fr a été lancé et les groupes de compétences ont eu du mal à se mettre en place

Une rénovation des épreuves de langues au bac, avec une évaluation de l’oral, est également prévue dès la session 2013.

La culture au lycée passe bien
Le lancement de la plate-forme de films Ciné-Lycée, avec France Télévisions, et la désignation d’un référent culture dans les établissements n’ont pas posé de problème. Reste à monter de vrais projets culturels…

L’histoire-géo, les SES et la philo
Ces trois matières ont été particulièrement sous les feux des projecteurs avec la réforme du lycée. strong>L’histoire-géo devient une épreuve anticipée en S, comme le français, et passe en option en terminale. Logique, si l’on veut rééquilibrer les séries. Dans la réforme Darcos, il était même prévu de sortir la matière du tronc commun de première.

La philosophie est enseignée dès la seconde et la première dans des établissements expérimentateurs. Mais il n’y a pas de cours spécifique créé : l’initiation est prévue dans le cadre des cours d’ECJS (éducation civique, juridique et sociale), des enseignements d’exploration en seconde ou du soutien personnalisé.

Enfin, les élèves de seconde étudient obligatoirement strong>l’économie par le biais des enseignements d’exploration SES (sciences économiques et sociales) et PFEG (principes fondamentaux de l'économie). Les enseignants auraient aimé une intégration dans le tronc commun.

Le tutorat en mode diesel
Le tutorat démarre timidement, voire pas du tout, dans les lycées. Celui-ci repose sur le volontariat (des élèves et des professeurs). Pour les enseignants, il s’agit d’un investissement supplémentaire, qui s'ajoute à leur service. Et les proviseurs sont pessimistes quant à leur motivation. Autres idées à la peine : la banque de stages en entreprise ou le développement de la vie lycéenne.


Ce qu’en pensent les acteurs concernés

Malgré la promesse de Nicolas Sarkozy de réaliser la réforme du lycée à «moyens constants», le monde éducatif l’a toujours étroitement associée aux milliers de suppressions de postes.

L’autonomie laissée aux établissements a notamment été décriée par le SNES-FSU . Sous Xavier Darcos, comme sous Luc Chatel, les diverses associations de professeurs, parfois des chercheurs, sont montés au créneau pour «défendre» leur discipline. Ce fut le cas des scientifiques , des économistes , des historiens

La réforme des séries technologiques STI (sciences et technologies industrielles) et STL (sciences et technologies de laboratoire) a également fait couler beaucoup d’encre. Et divisé les syndicats. Si le SE-UNSA et le SGEN-CFDT sont globalement satisfaits de la rénovation des deux séries, le SNALC-CSEN et le SNES-FSU ont rejeté un projet qui effacerait la spécificité de la voie technologique et viserait à réduire le nombre de postes d’enseignants.

Globalement, le SNPDEN (Syndicat national des personnels dirigeants de l’Éducation nationale) s’est montré plus mesuré sur la réforme, notamment sur l’autonomie. De leur côté, les syndicats de lycéens avaient commencé par saluer des pistes intéressantes (comme les mesures pour la réorientation) avant de manifester leur déception. L’UNL (Union nationale lycéenne) déclarait ainsi en janvier 2011 que le constat de la réforme était «désastreux».

Inquiète, la CGE (Conférence des grandes écoles) s'est également emparée du sujet. Avec une exigence forte : strong>ne pas revoir les exigences en mathématiques à la baisse. Une prise de position inédite.

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La «personnalisation», maître mot de la politique Chatel

Au-delà de la réforme du lycée, plusieurs dispositifs ont été mis en place au cours du quinquennat : les internats d’excellence, les ERS (établissements de réinsertion scolaire), le programme ÉCLAIR (Écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite), ou encore le programme «Cours le matin, sport l’après-midi»… Avec une idée fixe : personnaliser les parcours et les solutions.


70.700 postes supprimés

Entre la rentrée 2008 et la rentrée 2012, 70.700 postes auront été supprimés dans l’Éducation nationale, avec un pic aux rentrées 2010 et 2011.
Les chiffres année par année :
• 2008 : 11.200
• 2009 : 13.500
• 2010 : 16.000
• 2011 : 16.000
• 2012 : 14.000

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