Évincé des Beaux-Arts, Nicolas Bourriaud se défend

Sophie de Tarlé Publié le
Évincé des Beaux-Arts, Nicolas Bourriaud se défend
Nicolas Bourriaud, directeur de l'ENSBA, a défendu son mandat devant les enseignants // ©  Sophie de Tarlé
Nicolas Bourriaud quitte la direction de l’ENSBA de façon prématurée. Une décision que beaucoup jugent politique.

La ministre de la Culture Fleur Pellerin a annoncé le départ de Nicolas Bourriaud, directeur de l’ENSBA (École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris), par un communiqué le 2 juillet 2015. Une décision qui a créé la surprise : il avait été reconduit pour un deuxième mandat il y a un an. Un article du “Canard enchaîné” a créé la polémique, évoquant le remplacement de Nicolas Bourriaud par Éric de Chassey, actuel directeur de la Villa Médicis et... ami de Julie Gayet.  

Le remplacement de Nicolas Bourriaud est jugé particulièrement "brutal" par  l’Andea (Association nationale des écoles supérieures d’art), qui a envoyé un communiqué le lendemain, dénonçant "l’absence de concertation… notamment au sein du conseil de l’établissement". Une décision "d’une effarante légèreté", " irresponsable", soulignant une "politique d’exception", estime encore l'association .

La feuille de route de Fleur Pellerin

Que reproche donc Fleur Pellerin à Nicolas Bourriaud ? Dans son communiqué, la ministre de la Culture n'est pas tendre. Elle n’a retenu du bilan du directeur des Beaux-Arts de Paris que "l’implication de l’école dans les projets d'éducation artistique avec les écoles de Saint-Ouen (93)", et "son engagement dans une démarche de labellisation 'musée de France' pour ses collections patrimoniales".

La ministre souhaite "donner un nouvel élan" à l’école. Et détaille la feuille de route du prochain directeur. Il devra mettre en place une gouvernance plus collaborative, améliorer la diversité sociale des étudiants, insérer l'école dans  les réseaux d’établissements internationaux. Autres chantiers : intensifier la collaboration avec les autres écoles d’art notamment parisiennes, ou encore faire converger le patrimoine de l’école (400.000 œuvres) avec la création contemporaine.

"une dynamique qui n'a pas eu le temps de porter ses fruits"

Nicolas Bourriaud se défend, lui, contre une décision qu'il juge politique. Pour s'exprimer, il a convié la presse le 6 juillet au cocktail de fin d’année qui réunit traditionnellement les membres du personnel dans le jardin de l'école. "C’est un coup d’arrêt à une dynamique réelle qui n’a pas eu le temps de porter ses fruits", a-t-il affirmé, rappelant qu’il était arrivé après une période de crise.

Pour le directeur débarqué, la feuille de route de son successeur représente exactement son bilan actuel et a pointé tous les chantiers en cours, notamment, l’adhésion à l’Andea "dès son arrivée", les partenariats avec 85 écoles étrangères, mais aussi "la montée en puissance des recettes [plus de six millions sur trois ans contre trois millions à son arrivée], qui ne sont désormais plus constituées uniquement par la location de salles, mais aussi par le sponsoring".         

Le directeur des Beaux-Arts dénonce enfin une procédure bâclée : "L’appel à candidatures se clôture le 25 juillet et ne laisse que 15 jours aux candidats pour se présenter et monter un projet. C'est peu pour un poste comme celui-là."                                                                                   

de nombreux chantiers à lancer

Parmi les enseignants de l'école venus écouter son discours, Jean-Luc Vilmouth, nommé en 2014 directeur des études, juge la situation "très triste", et regrette que le départ du directeur interrompe "de nombreux projets en cours".  Et d’ajouter : "Nous avons l’avantage d’avoir  une personnalité dotée d’une stature internationale. C'est un théoricien et critique reconnu, ce qui facilitait beaucoup les choses pour les partenariats en Asie en particulier."

Malgré tout, Nicolas Bourriaud avait dû affronter en octobre 2013 la colère des étudiants, agacés par la location des ateliers de l'école à des entreprises. Certains enseignants trouvaient aussi qu’il ne s’intéressait pas assez à la pédagogie et aux étudiants. Une pétition circule néanmoins aujourd'hui pour le soutenir. Elle a recueilli jusqu'à ce jour  plus de 700 signatures.

Mais surtout, l’ENSBA traverse comme beaucoup d’écoles sous tutelle du ministère de la Culture une crise que le successeur de Nicolas Bourriaud devra affronter. En février 2014, la Cour des comptes avait pointé du doigt la mauvaise gestion de l'École des Beaux-Arts de Paris entre 2001 et 2011. Et l’Aeres (Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) avait souligné les axes à améliorer pour ces écoles d’art : insertion des diplômés, développement international..). Le nouveau directeur des Beaux-Arts aura fort à faire...

Sophie de Tarlé | Publié le