Ce que dit PISA 2009 du déterminisme social à l’école : une tribune de l'Institut Montaigne

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Ce que dit PISA 2009 du déterminisme social à l’école : une tribune de l'Institut Montaigne
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Deuxième volet de notre partenariat avec l’Institut Montaigne . Retrouvez, le deuxième mardi de chaque mois, une tribune de l’Institut sur des problématiques liées à la jeunesse, à l’emploi et/ou à l’éducation.

"Voici quelques jours que les résultats de l'évaluation du Programme international pour le suivi et les acquis des élèves (PISA) 2009 ont été publiés, analysant les performances des pays de l'OCDE en matière éducative. Verdict : la France n’est que moyenne tant en compréhension de l'écrit qu'en culture mathématique ou en culture scientifique. Résultats décevants pour un pays qui fait partie des plus riches, le « PISA schock » qu'avait connu l'Allemagne au début des années 2000 et qui lui a permis de se redresser en moins d’une décennie ne semble pas se dessiner en France.

« La proportion d’élèves en grande difficulté en lecture a augmenté de 33 % entre 2000 et 2009 »

Ce sursaut est d’autant plus urgent que la proportion d’élèves en grande difficulté en lecture (en dessous du niveau 2 sur l’échelle PISA) a augmenté de 33 % entre 2000 et 2009, passant de 15 à 20 %. En outre, si notre élite a augmenté de 1 point en dix ans, l’écart entre les élèves les moins performants et les plus performants n’a cessé de se creuser. Or les pays qui réussissent bien dans PISA sont ceux où il y a peu d’échec scolaire.

Quelles sont les conséquences de ces résultats médiocres pour l'avenir économique de notre pays et sa situation sociale ? Une population moins performante dans sa maîtrise linguistique, mathématique et scientifique sera moins compétitive.


« L'école n’est plus un instrument émancipateur »

Autre conséquence : le caractère de plus en plus inégalitaire de notre système, incapable d’atténuer l’impact socio-économique sur les performances scolaires des élèves. Élitiste, notre système a vu les inégalités se creuser depuis une dizaine d’années, alors que l'école a longtemps été présentée comme un ascenseur social au service de l’édifice républicain. Or l'école n’est plus un instrument émancipateur qui, par la méritocratie, permettait aux individus de s’arracher à leurs conditions sociales, quelles que soient leurs origines (1). Cela se traduit concrètement, selon l’enquête PISA, par un impact très fort en France du milieu socio-économique sur la performance, et supérieur à la plupart des pays de l'OCDE : 28 % de la variation dans les performances des élèves de 15 ans peut être expliquée par les diverses caractéristiques sociologiques du milieu familial – statut professionnel, niveau de formation des parents, nombre de livres à la maison, etc. Il n’y a cependant pas de fatalité, comme nous le montre l’exemple de pays qui sont partis de plus loin que nous et qui aujourd’hui ont non seulement amélioré leurs performances, mais ont réduit l’influence du milieu d’origine sur les résultats scolaires, comme c’est le cas en Allemagne ou aux États-Unis. Notons que les pays qui accusent de fortes disparités socio-économiques ne sont pas nécessairement ceux où la relation entre la performance à l’école et le milieu familial est plus intense.

Si tous ces éléments ont relativement bien été couverts par la presse nationale, on a peu commenté les résultats des enfants d'immigrés de première et de seconde génération. Pourtant, récemment, le rapport 2010 du Haut Conseil à l’intégration (« Relever les défis de l'intégration à l'école ») expliquait que les élèves issus de l'immigration étaient confrontés plus que d'autres à des problématiques spécifiques : ils vivent souvent dans les quartiers relevant de la politique de la Ville, ils sont scolarisés dans des établissements ZEP (zone d’éducation prioritaire) et leurs parents pâtissent souvent d’un faible degré de qualification, ou dans certains cas sont analphabètes.

Dans le cadre de l’enquête PISA 2009, 13 % des élèves soumis aux épreuves PISA sont issus de l'immigration. Parmi eux, ceux issus de la première génération risquent deux fois plus que les autres de faire partie des élèves les moins performants. Pire, l’écart entre ces derniers et les élèves autochtones est nettement plus important en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE.

« 35 % des élèves de la deuxième génération d’immigrés sont en grande difficulté »

Malgré une amélioration de la performance en lecture entre les élèves issus de la première et de la seconde génération, 35 % des élèves de la deuxième génération sont en grande difficulté (ils n'ont pas atteint le niveau 2 sur l’échelle PISA, contre 17 % pour les autochtones et 42 % pour les élèves de la première génération). Les élèves de deuxième génération accusent toujours des scores inférieurs de 55 points à ceux des élèves autochtones, cet écart étant de 33 points en moyenne dans les pays de l’OCDE. Si par exemple la scolarisation initiale hors de France peut en partie expliquer l’écart de performance chez les élèves de la première génération, tel n’est pas le cas pour ceux de la deuxième génération, nés en France où ils ont été scolarisés depuis leurs plus jeunes années.

Pour un pays qui, du débat sur l'identité nationale à celui sur le niqab, semble se préoccuper de la question de l'intégration culturelle, la portée des résultats PISA sur la capacité de l'école française à demeurer un espace d'intégration sociale a trouvé un bien faible écho.

Pourtant quand l'école parvient à jouer véritablement son rôle d’ascenseur social pour les élèves issus de l'immigration, les conséquences positives dépassent le seul champ scolaire. L’ouvrage de Leyla Arslan Enfants d'Islam et de Marianne : Des banlieues à l'Université (PUF, 2010) (2) montre que plus ceux-ci ont le sentiment de bénéficier d'une ascension sociale grâce à la réussite scolaire, plus ils conçoivent leurs identités et appréhendent leur place dans la société de façon souple et apaisée.

« Il est temps d’investir dans une recherche de qualité en éducation »

Face à tous ces enjeux, peut-on encore dire que la France est dans la moyenne et que tout va bien ? Pour rappel, seuls 20 % d’une classe d’âge entreprend des études longues, tandis que 40 % quitte le système scolaire sans avoir le bac. Il est temps d’investir dans une recherche de qualité en éducation, en lien avec ce qui se fait dans les salles de classe, afin de faire progresser la qualité des outils à disposition des enseignants. Il est temps d’investir dans le corps enseignant lui-même et leur offrir des formations (initiale et continue) à la hauteur de l’enjeu qu’est l’échec scolaire. Il est temps de laisser suffisamment de marges de manœuvre aux acteurs locaux et de permettre aux équipes pédagogiques d’innover localement par le biais d’expérimentations évaluées. Il est temps que le consensus national qu’est devenue ces derniers mois la nécessité de tout mettre en œuvre pour vaincre l'échec scolaire soit relayé par une volonté politique. Le compte à rebours a déjà commencé : PISA 2012".

(1) Voir le rapport de l’Institut Montaigne « Vaincre l’échec à l’école primaire », avril 2010.
(2) Leyla Arslan et Maylis Brandou sont chargées d’études à l’Institut Montaigne.

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