CGE : une commission au chevet de la diversité sociale dans les grandes écoles

Éléonore de Vaumas Publié le
CGE : une commission au chevet de la diversité sociale dans les grandes écoles
Le nouveau bureau de la CGE (Conférence des grandes écoles), élu le 4 juin 2019. // ©  Ariane Fery pour Educpros
Absente lors de l’édition précédente, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a profité de son passage à l’assemblée générale de la CGE (Conférence des grandes écoles) le 4 juin 2019 à Télécom ParisTech pour relancer le sujet de la diversité sociale dans les grandes écoles. L’annonce de la constitution d’une commission dédiée a déclenché une levée de bouclier.

La crise des "Gilets jaunes" a laissé des traces, même dans le supérieur. D’abord, l’annonce de la suppression de l’ENA, et celle, plus globale, d’une transformation de la fonction publique, hier, c’était au tour du MESRI de lancer un nouveau pavé dans la mare. Présente lors de l’assemblée générale de la CGE qui s’est tenue le 4 juin 2019, Frédérique Vidal a axé son allocution sur la diversité sociale dans les grandes écoles. "Un levier de transformation et politique du pays", a-t-elle martelé.

Après avoir rappelé les "efforts importants en faveur de la mixité sociale" déjà déployés depuis une quinzaine d’années dans les écoles, la ministre du supérieur a déclaré vouloir "augmenter significativement la part d’étudiants issus de milieux populaires dans nos grandes écoles". Se refusant à parler de quotas, elle a tout de même précisé que "ce ne sera pas cosmétique". Actuellement, la moitié des grandes écoles accueillent au moins 30 % de boursiers, parmi lesquelles 23,8 % en écoles d’ingénieurs. Mais, selon la MESRI, "avec 38 % de boursiers dans l’enseignement supérieur, la plupart des grandes écoles sont encore loin du compte".

Décidée à mettre un grand coup dans la fourmilière, Frédérique Vidal a donc annoncé hier la création d’une commission dédiée à cette question de l’ouverture sociale dans les grandes écoles. Sa mission ? Répertorier l’ensemble des initiatives mises en place en France et proposer des solutions susceptibles d’être reproduites à grande échelle, tout en laissant chaque établissement libre, selon elle, "de déployer les politiques les mieux adaptées à leurs écoles".

"Avec 38 % de boursiers dans l’enseignement supérieur, la plupart des grandes écoles sont encore loin du compte."
(F. Vidal)

Reproduction des clichés

Composée des directeurs et présidents des cinq écoles dans le haut du panier - HEC, Essec, ESCP Europe, ENS et École polytechnique -, l’annonce de la création de cette commission n’a pas manqué de faire grincer des dents. À commencer par la CGE, froissée de ne pas avoir été consultée en amont de la constitution, qui regrette un casting 100% francilien. "Pourquoi ne pas aller chercher des écoles qui ont, depuis 20 ans, mis en place des systèmes d’ouverture sociale qui fonctionnent ? En focalisant les débats sur quelques écoles de tête parisiennes, le message est biaisé et ce n’est pas représentatif de ce qu’il se passe sur le terrain”, a ironisé Anne-Lucie Wack, réélue hier à la présidence de la CGE.

Un avis partagé par son homologue à Télécom Paristech, Yves Poilane : “les solutions qui seront trouvées pour l’X et l’ENS pourront s’appliquer aux autres écoles, mais l’inverse n’est pas vrai. On sait, par exemple, qu’au regard de l’exigence de niveau, la discrimination positive ne fonctionne pas, malgré un effort d’accompagnement”. Plus mesurée, la directrice de l'ESTP et trésorière de la CGE, Florence Darmon, a, pour sa part, salué la décision du MESRI indiquant que le lancement de cette mission était positif. “Quels que soient ses défauts originels, cette mission va servir à nous rendre audibles”, s’est-elle réjouie.

Ouverture vs excellence

Moins de stéréotypes et davantage de visibilité sur les dispositifs mis en place pour ouvrir les grandes écoles à différents profils, en s’exprimant sur la question de la diversité sociale, la ministre a soulevé un autre sujet récurrent : la stigmatisation des écoles d’excellence et leur mauvaise image auprès du grand public. "Attention à ce cercle vicieux qui entretient l’idée que c’est un milieu fermé", a averti la directrice générale de Montpellier SupAgro.

D'autant que les efforts déjà effectués par les grandes écoles en matière de diversité sociale ne sont pas feints : accès via une préparation pour garantir le niveau académique des candidats, voies d’admission dédiées, utilisation des premiers de cordées, bourses aux mérites, exonérations, internats d’excellence, etc. Sans compter les 200.000 euros déployés chaque année pour soutenir l'ouverture sociale, la multiplication des voies d’accès, notamment universitaires, les bourses ou les admissions parallèles. "On ne part pas de zéro", a appuyé François Bouchet, interrogé lors du point presse qui a suivi le discours de la ministre. L’ancien président de l’X a ainsi cité l’ouverture récente d’une filière BCPST, adressée aux étudiants d’agro-véto et de biologie, pour diversifier le profil de ses candidats. Autre piste évoquée : "capitaliser sur les neuf filières de recrutement du cycle polytechnicien, notamment sur la filière universitaire, en France et à l’international, ou avoir d’autres types de bachelor, avec un vivier de recrutement plus large".

Ouvrir, certes, mais pas au prix de la qualité de la formation. "Quelle que soit la voie empruntée, elle devra préserver les fondamentaux, à savoir la sélectivité et l’excellence", a mis en garde ce diplômé de Supaero. Un message contradictoire qui risque d’être remis sur la table à maintes reprises durant la mission de la commission. En attendant, son rapport en septembre prochain, un premier point d’étape est prévu à la mi-juillet. Du côté de la CGE, un second baromètre de l’ouverture sociale doit paraître à l’automne 2019. Le dernier datait de 2015...

Éléonore de Vaumas | Publié le