Chantier vie étudiante : les principales organisations en position de force

Fabienne Guimont et Céline Manceau Publié le
Chantier vie étudiante : les principales organisations en position de force
Manifestation du 10 février (Paris) // © 
Les étudiants se sont fortement mobilisés dans les manifestions du 10 février 2009. L’Unef, qui a appelé depuis quelques semaines à participer aux assemblées générales dans les universités et la FAGE, plus récemment impliquée, avaient appelé à manifester. Selon la première, les étudiants ont représenté 70 000 des 100 000 manifestants dans les cortèges parisien et provinciaux. De quoi donner des sueurs froides au gouvernement et à Valérie Pécresse, qui ont tout à redouter d’une contagion de la mobilisation des enseignants-chercheurs aux étudiants. D’autant plus en période de crise économique et sociale. Un contexte avantageux pour les organisations étudiantes reçues au ministère le 12 février 2009 pour « lancer la seconde phase du chantier « vie étudiante ». L’Unef appelle à une journée d’action et ne compte pas en rester aux seules revendications des enseignants-chercheurs.

Présentes dans les manifestations du 10 février, l’Unef et la FAGE répondront le 12 février à l’invitation de la ministre Valérie Pécresse pour rouvrir les dossiers de la vie étudiante qui leur tiennent à cœur. Le rendez-vous a été programmé la semaine dernière dans un calendrier qui s’accélère. Les discussions s’étaient en effet arrêtées fin 2007 avec la réforme des bourses. C’est Nicolas Sarkozy qui a repris opportunément langue avec les organisations étudiantes le 23 janvier 2009, au lendemain de la première coordination nationale des universités lançant le mouvement des enseignants-chercheurs. 47 millions d’euros supplémentaires destinés au logement étudiant avaient alors été annoncés dans le cadre du plan de relance.  

Valérie Pécresse s’entoure  

Nommé haut-commissaire à la Jeunesse après les manifestations des lycéens contre la réforme du lycée, Martin Hirsch aura en charge d’orchestrer cette deuxième phase de rencontres avec les organisations étudiantes et avec la Conférence des présidents d’université (CPU). Valérie Pécresse, après avoir nommée une médiatrice pour désamorcer la mobilisation des enseignants-chercheurs sur le décret modifiant leur statut, s’entoure cette fois pour répondre à la mobilisation des étudiants.

Les organisations étudiantes soutenues sur les campus  

De leur côté, les organisations étudiantes vont se présenter en position de force. « La date de cette rencontre a été fixée la semaine dernière. Ils accélèrent le timing pour calmer les étudiants », analyse-t-on à l’Unef. Le principal syndicat étudiant compte bien pousser son avantage sur ses revendications alors qu’il programme plus d’une vingtaine d’AG sur les campus auxquelles la Fage appelle aussi à participer.

Selon l’Unef, les étudiants font grève dans 45 universités et plus de 70 universités sont mobilisées à des degrés divers avec des grèves d’enseignants-chercheurs. Le mouvement semble bien lancé d’autant que les vacances des étudiants parisiens sont terminées comme dans certaines universités de province. Le syndicat étudiant compte poursuivre la mobilisation même en cas de retrait du projet de décret de 84. Ses revendications dépassent largement celui du statut des enseignants-chercheurs et ceux stricto sensu du chantier vie étudiante.  

L’Unef : égalité entre universités et aides sociales aux étudiants

Il entend d’une part reprendre les discussions sur les critères de la performance dans l’allocation des moyens aux universités pour évoquer les inégalités créées entre elles. D’autre part, il veut rendosser son cheval de bataille sur la précarité et les aides sociales aux étudiants.

« Nos revendications seront axées sur la mise en place d’un plan pluriannuel du financement de l’aide sociale », indique Marion Oderba, responsable des questions sociales au bureau national. L’instauration de l’échelon zéro et l’accroissement du nombre de boursiers restent insuffisants pour l’Unef qui demande « des mesures pour le pouvoir d’achat » telles la création d’un dixième mois de bourse ou encore la mise en place d’une aide financière à la recherche du premier emploi pour les jeunes diplômés au chômage. Le spectre de la crise économique et sociale sera en arrière plan des discussions.  

Fage : des bourses pour les paramédicaux et un accès élargi à la culture

Dans ce premier tour de table de consultation sur la vie étudiante, la Fage compte elle ouvrir une palette de dossiers comme les bourses aux étudiants paramédicaux, l’accès à la culture, l’accessibilité des étudiants handicapés aux savoirs, la réforme du Crous, la politique de santé étudiante.

La fédération souhaite redonner toute sa place à la culture sur les campus avec « des espaces dédiés et des moyens donnés aux étudiants pour la création artistique », détaille sa présidente Claire Guichet. « Les universités doivent vivre aussi le soir et le week-end avec des étudiants logeant sur place et ayant accès à une vie culturelle intense », poursuit-elle. La Fage recommande, par exemple, l’ouverture d’un cinéma sur chaque campus.  

UNI : plus de résidences universitaires  

L’organisation étudiante de droite, l’UNI, s’oppose à la mobilisation depuis le début.  D’après ses dires, Nicolas Sarkozy a demandé aux représentants étudiants que le chantier de la vie étudiante « ne se limite pas à la question de l’aide sociale, mais soit ambitieux en matière de logement et d’accès à la culture et au sport ». Message reçu pour le syndicat majoritaire de droite qui fera justement du logement son cheval de bataille.

« Malgré les moyens mis en œuvre par les CROUS, seuls 15 à 30 % des étudiants selon les villes bénéficient d’une place en résidence universitaire, explique Rémi Martial, délégué national de l’UNI. Il faut que les universités puissent construire et gérer des résidences, en passant par des partenariats public-privé par exemple. » L’UNI préconise aussi un transfert des compétences en matière de logement aux collectivités territoriales.   

PDE et Cé : statut de l’élu étudiant et ressources des étudiants

PDE (Promotion et défense des étudiants) place, quant à elle, la politique étudiante au coeur de ses revendications. « Il n’est pas normal qu’un élu étudiant soit sanctionné s’il loupe un TD pour assister à un conseil », souligne le président du mouvement, Grégory Golf. La création d’un statut de l’élu étudiant permettrait de renforcer l’implication des étudiants dans la vie des campus et d’augmenter le taux de participation aux élections.

La Confédération étudiante (Cé) de son côté vise des revendications plus terre à terre pour les étudiants, fondées sur les résultats de sa dernière enquête réalisée ces trois derniers mois, auprès de 70 000 étudiants interrogés dans 54 universités. « Nous allons interpeller la ministre de l’Enseignement supérieur, mais également Martin Hirsch et des élus locaux, sur les attentes concrètes des étudiants, prévient le président de la Cé, Baki Youssoufou.

Ces derniers ne contestent pas les réformes engagées à long terme, mais se posent des questions sur leur quotidien. L’un d’entre eux m’expliquait qu’il voulait bien étudier dans une université renommée pour sa recherche et ses enseignements, mais... qu’il voulait aussi manger. » De quoi attirer l’attention de Martin Hirsch, toujours en charge du haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Des députés UMP proposent une "bourse d’autonomie"

Douze députés UMP dont Benoist Apparu (Marne) ont publié une tribune dans le Monde du 11 février 2009 demandant de verser une « bourse d’autonomie […] aux jeunes de 18 à 24 ans sous conditions de ressources et financée par le regroupement des aides existantes (APL, bourses étudiantes, dispositif d’insertion, demi-part fiscale…) ». En contrepartie, ils demandent que les étudiants notamment fassent la preuve de leur assiduité et de réussite aux examens. Une proposition qui reprend une des revendications historiques de l’Unef d'allocation d'autonomie.

« A une angoisse générationnelle, il nous faut une réponse globale », écrivent les députés UMP qui reconnaissent que « la droite française entretient depuis toujours des relations complexes et conflictuelle avec la jeunesse ». Une proposition que les députés souhaitent verser à « la réflexion de Martin Hirsch ».

Fabienne Guimont et Céline Manceau | Publié le