Classement des facs de médecine : la contre-enquête de l'UPMC

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L’UPMC publie le 20 janvier 2010 son classement des facultés de médecine que nous nous sommes procuré en avant-première. Cette contre-enquête répond à « l’étude comparative » réalisée à l'automne 2009 par l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur). Une étude qui avait fait grand bruit, d’une part parce qu’elle contenait des erreurs, d’autre part parce qu’elle ne concluait pas à une relation évidente entre le nombre d’enseignants et les résultats des étudiants à l’ECN (examen classant national). De quoi fournir au gouvernement un argument pour supprimer des moyens…

Jamais les analyses comparatives – pour ne pas dire « classements » – des facultés de médecine n’auront été aussi nombreuses… et décriées. Mercredi 20 janvier 2010, c’est au tour de l’UPMC (université Pierre-et-Marie-Curie) de publier sur son site Internet sa propre étude, qui nous a été délivrée en avant-première . Celle-ci se base sur le pourcentage de candidats classés dans le premier quart à l’ECN (examen classant national) ou « pourcentage d’excellence » et dans le dernier quart (« indice d’échec ») ainsi que le rang médian normalisé. Et produit un indice global qui mêle les trois critères. Cette étude n’est pas parfaite* mais elle a le mérite de prendre en compte les derniers résultats à l’ECN (chiffres 2009), d’analyser la période 2005-2009 (ce qui atténue les « effets promo ») et de ne pas se contenter de mettre en avant les facs « élitistes » (celles qui classent le plus de candidats en tête). L’UPMC tire ainsi les leçons des erreurs de l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) dont le propre comparatif avait fait des vagues en octobre 2009.

Quand l’AERES fait « bouger les choses »

Tout a commencé en effet avec l’enquête 2006-2008 effectuée pour la première fois par la très officielle agence et publiée dans la Presse Médicale et Le Monde le 14 octobre 2009. Une enquête fondée à la fois sur les performances des facs de médecine en formation et en recherche. « Ce travail préliminaire, commencé il y a deux ans, s’inscrivait dans un projet plus vaste. Notre objectif était de réaliser une première analyse sur les résultats des facultés de médecine reposant sur des indicateurs reconnus et faire réagir tout le monde. Ne pas fustiger mais faire bouger les choses. Nous avons travaillé avec la commission santé de la CPU (Conférence des présidents d’université) et les doyens des facultés », raconte Jean-François Dhainaut, président de l’AERES, ancien président de l'université Paris-Descartes , grande rivale de l’UPMC.

L’UPMC reléguée derrière Clermont-Ferrand, Tours et Nantes

Dans un premier temps, l’agence conclut que la relation entre le nombre d’enseignants et les résultats à l’ECN (examen classant national) est plutôt lâche. Beaucoup plus qu’en recherche. Les résultats – pour la formation – présentés sous forme de cartographie mettent en avant Clermont-Ferrand , Nantes , Tours ou Angers . Des facs moins bien loties question encadrement qui devancent largement Pierre-et-Marie-Curie, rivalisent avec le mastodonte Paris-Descartes (qui obtient néanmoins la place de leader), Marseille ou Grenoble . Shocking ! « Ces conclusions auraient très bien pu servir au gouvernement d’argument pour ne pas remplacer les postes de professeurs universitaires - praticiens hospitaliers des enseignants partant à la retraite », lance Jean-Jacques Rouby, vice-doyen de la faculté de médecine de l'UPMC. Doyens et associations étudiantes décrient l’enquête. Certains chiffres (notamment quatre établissements ex-aequo sur le pourcentage d’étudiants classés dans les 1000 premiers à l’ECN sur la période 2006-2008) étonnent…

Une simple erreur de date… ou plus ?

L’AERES refait alors ses calculs. « Nous avons commis une seule erreur : dans le calcul de la moyenne des résultats aux ECN pour les trois années 2006, 2007 et 2008, nous avons compté deux fois les résultats de 2008 en omettant ceux de 2007. Nous avons immédiatement corrigé. Paris 6 est remonté en deuxième place », se justifie Jean-François Dhainaut. Pour d’autres observateurs, l’erreur de date n’explique pas à elle seule les résultats. « Les changements de conclusions traduisent des problèmes de méthode. Nous ignorons si le ministère est intervenu, si les conclusions étaient déjà écrites à l’avance. Pour nous, ce n’est pas une étude sur laquelle il faut s’attarder, a fortiori parce que l'examen classant national n'a pas de vertu pédagogique », déclare la présidente de l’ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France) . « L’AERES n’a pas fait (ou publié) de statistiques. Elle s’est basée sur une simple analyse visuelle de tableaux. En gros, elle a tiré des conclusions aussi simples que « on peut attraper un cancer du poumon sans fumer donc fumer ne donne pas le cancer du poumon » », affirme pour sa part Benoît Elleboode, ancien président de l’ISNIH (Inter syndicat national des internes des hôpitaux) et médecin de santé publique qui a fait sa thèse sur l’ECN 2008.

« Nous nous sommes battus pour faire reconnaître la corrélation entre le nombre d’enseignants et les résultats de la formation. Ce qui comptait pour nous, c’était de rétablir les faits et de livrer les bonnes conclusions. Sur ce point, l’AERES a été très réactive. Après ce qui s’est passé à l’agence… », laisse en suspens Jean-Jacques Rouby. De son côté, le ministère de l’Enseignement supérieur assure qu’il n’est pas intervenu au cours de l’enquête. « Les résultats sur le taux d’encadrement nous ont même étonnés », y déclare-t-on.

Trois enquêtes qualitatives de l’AERES pour 2010

Malgré « l’affaire », l’AERES poursuit son vaste projet d’enquêtes sur les facs de médecine. En partenariat avec les associations étudiantes et les universités, l’agence a lancé trois études, qualitatives, en 2009. La première porte sur la préparation à l’ECN proposée par les facultés sur la base de questionnaires envoyés auprès des étudiants et des doyens puis analysés. « A priori, les formules qui marchent le mieux sont celles où les candidats sont préparés sur le long terme », révèle Jean-François Dhainaut. La deuxième enquête porte sur la vie étudiante et les conditions de travail des étudiants. Enfin, la troisième étudie les modalités pédagogiques des enseignements d'une part, celles des stages d'autre part. Ces trois enquêtes devraient être publiées vers juin 2010. Autant dire qu’elles sont très attendues.   
 

*Par exemple, les classements s’appuient sur les rangs des candidats et non sur leurs notes. Or, à l’ECN, tout se joue au millième de point. Par ailleurs, les résultats des sites de la Pitié-Salpêtrière et de Saint-Antoine, qui ont entamé la fusion de leurs enseignements à partir de 2005, apparaissent sous le nom commun de Paris 6 (contrairement aux autres facs) alors que la première promo commune ne passera l’ECN qu’en 2011.

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Le point sur les chances de réussite université par université en PCEM1 et à l'ECN

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