Classements des universités : le modèle allemand du CHE et ses contradicteurs

De notre correspondante en Allemagne, Marie Luginsland Publié le
Plébiscité sur la scène internationale, le CHE University Ranking , le plus célèbre des classements allemands en matière d’enseignement supérieur, rencontre la résistance des universités sur son propre sol et chez ses voisins transalpins. Suite de notre série sur les rankings et de la conférence EducPros «Palmarès et classements : comment faire avec et en tirer le meilleur profit» du 1er juin 2012.

Le Made in Germany s'exporte jusque dans les rangs de l'enseignement supérieur. Plus célèbre que les autres classements allemands souvent produits par les médias – Focus, Der Spiegel ou encore Wirtschaftswoche/Handelsblatt/Junge Karriere –, le classement CHE est établi par le centre éponyme (Center for Higher Education) (1) et publié dans l’hebdomadaire Die Zeit.

Plate-forme européenne

 

Les bases sont jetées pour une extension de la méthodologie CHE à d’autres pays dans le cadre de coopérations bilatérales. Déjà, elle a été retenue dans le cadre du projet pilote du U-Multirank européen, et le CHE répond avec ses partenaires européens, CHEPS et OST, à l’appel d’offres portant sur la phase opérationnelle. Comme le souligne Frank Ziegele, ces coopérations et les expériences des autres pays sont également bénéfiques au classement national allemand qu’elles permettent d’améliorer. Il attend beaucoup de cet enrichissement mutuel qui devrait, selon lui, déboucher sur une approche unique des comparatifs entre établissements européens.

Paradoxalement, ce sont justement ces comparatifs que rejettent de plus en plus d’universités allemandes. À l’heure où il brille à l'international, le CHE est tout simplement boudé par l’université de Cologne, la faculté de médecine de Iéna ou encore celle des sciences humaines de Siegen. Sans compter l’université de Vechta, celle de Lüneburg et, depuis 2008, la Fachhochschule de Ludwigshafen (équivalent IUT) qui boycottent le plus célèbre des rankings allemands. La liste des réfractaires ne cesse de s’allonger. «Les raisons sont individuelles et souvent très différentes», indique Britta Hoffmann-Kobert du CHE, ajoutant que «les signaux défavorables de couleur rouge ont été remplacés par des points bleus, jugés moins pénalisants, et les objections des unes et des autres permettent d’améliorer la méthodologie d’année en année».

Cohésion nationale

Cependant, la même méfiance se manifeste dans les pays germanophones, et notamment par strong>les établissements autrichiens dont seize filières figurent à l’édition CHE 2012. «Les rankings, que ce soit ceux du CHE, de Shanghai ou du Times, comparent ce qui n’est pas comparable : des universités privées prestigieuses avec des établissements financés par les deniers publics. Si tous les pays étaient jugés sur les mêmes bases, l’Autriche aurait des avantages indéniables», pointe Manfred Kadi, secrétaire général de l’Uniko, la conférence des présidents d’université autrichiens. Prises chaque année d’assaut par les étudiants allemands, les universités autrichiennes n’ont apparemment pas de problème de notoriété !

Même scepticisme en Suisse, autre petit pays cité quinze fois dans le classement CHE allemand, mais qui reste lui aussi très circonspect après une expérience avortée avec le CHE au début des années 2000. «Nous ne saurions obtenir un seul ranking dans un pays comme le nôtre où diverses composantes – linguistiques notamment – entrent en jeu et où les dimensions importantes ne seront pas nécessairement prises en compte», expose Raymond Werlen, secrétaire général adjoint de la CRUS (conférence des recteurs d’université suisses). Il craint par ailleurs qu’un classement ne mette en péril la cohésion qui règne au sein de la petite communauté académique du pays. Et de déclarer que les universités suisses jouissent d’une très bonne visibilité à l’international, ranking ou pas ranking !

(1) Émanation de la fondation Bertelsmann et de la Conférence des recteurs allemands (HRK).
 

Allemands et français dessinent leurs territoires de recherche


Présentée en mars 2012 à la CPU (Conférence des présidents d’université), la cartographie de la recherche réalisée par son homologue allemande, la HRK (Hochschulrektorenkonferenz), a retenu l’intérêt des responsables français qui en sont aux prémices d’une démarche similaire. D’où l’idée de conjuguer les deux initiatives sur le même modèle.

La cartographie allemande n’est cependant pas un simple état des lieux de la recherche universitaire, mais davantage un support interactif bâti à partir d’une banque de données réunissant 329 entrées provenant de 74 établissements. L’utilisateur a le choix entre une sélection régionale et une recherche par discipline ou domaine. «Nous avons demandé aux universités de limiter leur nombre de points forts à huit au maximum afin de pouvoir dégager leurs dominantes», précise Bernhard M. Lippert, le père du projet allemand. Pour l’heure, la démarche française n’est pas encore aussi aboutie que l’allemande et les deux cartographies restent bien distinctes. Il n’est cependant pas exclu qu’elles puissent être à terme fusionnées. La HRK vient d’ailleurs de déposer une demande auprès du ministère allemand de l’Enseignement et de la Recherche (BMBF) afin de pouvoir établir un transfert de méthodologie vers la France.

Hormis ce nouveau chantier, la HRK s’attaque désormais à la cartographie de la recherche dans les Fachhochschulen (équivalent des IUT). «Elle pourra agir en complémentarité de la première cartographie et permettra de mutualiser les atouts. Par exemple, on s’apercevra qu’une Fachhochshule spécialisée dans le matériel médical peut entrer en synergie avec une fac de médecine», évoque Bernhard M. Lippert.

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