Comment les grandes écoles se préparent à accueillir de nouveaux profils de lycéens

Thibaut Cojean Publié le
Comment les grandes écoles se préparent à accueillir de nouveaux profils de lycéens
Les grandes écoles anticipent l'arrivée d'étudiants au profil diversifié à la suite de la réforme du baccalauréat. // ©  Nicolas TAVERNIER/ REA
Avec la réforme du bac, les futurs étudiants auront des profils plus variés, même s’ils resteront majoritairement scientifiques. Un changement vu comme une aubaine par les écoles de commerce et d’ingénieurs, qui devront toutefois s’adapter à ce nouveau public.

Deux mois après la rentrée au lycée, on connaît le nombre d’élèves de première inscrits dans chacune des spécialités mises en place avec la réforme du bac. Une note d’information de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), le service statistique du ministère de l’Education nationale, fait en effet le décompte précis des trois spécialités choisies par chacun des 346.000 élèves de première générale.

Le lycée scientifique reconstitué, mais des profils plus diversifiés

Le résultat est sans appel : les maths dominent toujours la partie. D’une manière générale, les sciences sont largement plébiscitées, et un peu plus d’un élève sur trois a reproduit un schéma correspondant à l’ancienne première S : maths et physique-chimie, enrichi de la science et vie de la Terre (SVT) (28,3% des élèves), numérique et sciences informatiques (NSI) (4,2%) ou sciences de l’ingénieur (SI) (4,2%).

On va avoir des profils beaucoup plus diversifiés, on le prend de manière positive (D. Manceau).

La note de la Depp montre toutefois que les élèves ont su se montrer créatifs, et les combinaisons entre les maths et une ou plusieurs spécialités non scientifiques (sciences économiques et sociales (SES) ; histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP) ; langue, littératures et cultures étrangères et régionales (LLCER) ; humanité, littérature et philosophie (HLP) sont finalement assez courantes.

"On va avoir des profils beaucoup plus diversifiés, on le prend de manière positive", se réjouit Delphine Manceau, vice-présidente de la commission Amont à la conférence des grandes écoles (CGE), et directrice générale de Neoma Business School. Parmi les nouveaux publics anticipés, "une hausse des profils littéraires, qui sont des profils intéressants".

Refonte des programmes en prépa EC

En effet, bien que les maths soient toujours la matière la plus suivie, elle regroupe moins de lycéens qu’avant. Résultat : les élèves correspondant à l'ancienne ES pourront désormais intégrer une prépa littéraire sans avoir fait de maths depuis la seconde. A leur entrée en école de commerce, cela ferait quatre ans sans maths contre deux sur ce type de profils actuellement. "Dans ce cas, une remise à niveau sera nécessaire", juge Delphine Manceau.

Cela restera toutefois la voie minoritaire. La majorité des élèves passera en effet soit par une prépa économique et commerciale, pour laquelle "il faudra avoir fait des maths, avec SES ou HGGSP", estime la dirigeante. Pour le recrutement post-prépa, "les grands principes sont établis" par les groupes de travail menés avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, assure Delphine Manceau, qui ne s’avance pas sur une date de publication, puisque rien ne presse.

Pour les prépas en revanche, "on est en train de travailler sur une refonte suite à la réforme". Si les prépas ECT (économique et sociale, option technologique) ne bougeront pas, les prépas ECS (économique et sociale, option scientifique) et ECE (économique et sociale, option technologique) seront combinées, et ce sera aux élèves de choisir leurs matières. Ils auront notamment le choix entre deux types de mathématiques, dont les niveaux seront les mêmes, mais qui "auront des composantes des thèmes distincts".

Enfin, concernant le recrutement post-bac, "les grandes catégories d’épreuves ne changeront pas et les questions seront à la portée de tous les candidats, quelles que soient les spécialités choisies", prévient Delphine Manceau. La CGE s’attend tout de même à des entretiens "un peu plus réfléchis, puisque les élèves auront développé une maturité et un projet au lycée". De ce côté, elle rappelle que le changement principal sera l’intégration de Parcoursup pour toutes les écoles et tous les concours en 2021.

Pas de révolution chez les ingénieurs

"Du côté des écoles d’ingénieurs, on restera sur des profils assez classiques", estime Emmanuel Perrin, directeur de Polytech Lyon et animateur du groupe de travail sur la réforme du bac et les premiers cycles du supérieur à la Cdefi, la Conférence des directeurs d'écoles françaises d'ingénieurs. Malgré tout, la réforme du bac fait disparaître, en terminale, la triplette du bac S : maths, physique-chimie et SVT. Désormais, dans la grande majorité des cas, les élèves auront suivi les maths et une autre spécialité scientifique, qui variera selon les élèves.

Du côté des écoles d’ingénieurs, on restera sur des profils assez classiques. (E. Perrin)

"Il faudra que les écoles adaptent leurs programmes, reconnaît Emmanuel Perrin. Cela se fera au cas par cas, selon la diversité des publics et la taille des écoles." Une adaptation qui ne s’arrêtera pas forcément à la remise à niveau : "Certains réseaux d’écoles pourraient aller vers une refonte assez profonde des programmes."

Principaux critères : les maths et la capacité à réussir

Mais avant cela, "les concours post-bac vont déterminer les spécialités à suivre au lycée, cela sera annoncé bientôt". Pour l’instant, une majorité d’écoles préconise une combinaison de trois spécialités scientifiques en première : maths, physique-chimie et une autre non déterminante. Un schéma déjà suivi, donc, par 36% des élèves.

Pour autant, "on ne refusera pas forcément un étudiant qui n’a pas fait maths et physique-chimie. La grande question sur les attendus sera de savoir si l’étudiant a les capacités de réussir", résume celui qui est aussi directeur de Polytech Lyon. Les résultats de cette réflexion, actuellement en cours, seront fournis "début 2021".

Reste la question de la place donnée aux bacheliers technologiques. Entre la réforme du bac et celle des IUT, certaines voix craignent de voir le niveau baisser en IUT, ce qui donnerait moins de chances aux bacheliers STI2D d’intégrer une école d’ingénieurs. "Le risque existe, reconnaît Emmanuel Perrin, mais ce n’est pas sûr du tout, car les écoles ont un vrai besoin de diversité et sauront réagir."

Thibaut Cojean | Publié le