Communication auprès des lycéens : la chasse aux étudiants

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C’est le nerf de la guerre… Sans étudiants, rien ne sert d’avoir de bons enseignants, d’excellents partenariats ou des locaux flambant neufs. Écoles et universités sont les premières à en être convaincues, et chacune d'elles déploie des leviers et des arguments qui lui sont propres pour aller chercher les lycéens. Quitte parfois à changer de stratégie pour faire mouche.

Pourquoi un étudiant choisit-il un établissement plutôt qu’un autre ? Qu’a-t-il de plus ? Toutes les universités et les écoles sont confrontées à ces questions. La formation en elle-même, et surtout ses spécificités, sont les premiers arguments mis en avant. Et pour cause. « L’INSA de Lyon est vraiment pleine d’atouts, mais méconnue, regrette Natacha Boisse, ancienne directrice de la communication de l’école. Qui sait qu’il est également possible, dans une école d’ingénieurs, de pratiquer le sport à haut niveau, la danse, le théâtre, ou d’étudier le management ? »

Les formations : des atouts à décliner

Pour communiquer sur ces atouts, l’INSA de Lyon a lancé, à l’automne 2010, la campagne « Offrez-vous une part d’avenir » . Cinq vidéos virales sur Internet, avec pour thèmes le club d’explorations spatiales, la filière sport de haut niveau ou encore la recherche en matière de nanotechnologies. Si le fond du message sur la formation reste plutôt classique, l’école a misé sur l’originalité de la forme. « Nous avons voulu nous adresser aux jeunes avec leurs mots et leurs codes, explique Natacha Boisse. Nous avons donc choisi Internet et les réseaux sociaux pour la diffusion. Quant au contenu des vidéos, l’idée était d’utiliser l’humour et un ton “jeune”. » Un comité de pilotage a donc été mis en place avec des étudiants, un cahier des charges défini et un prestataire choisi. Résultat, des clips d’une ou deux minutes dans lesquels des acteurs incarnant des étudiants de l’INSA tentent de mettre en orbite une canette de soda ou escaladent à mains nues une façade d’immeuble pour régler l’antenne de télévision.

« L’objectif était avant tout de nous faire connaître, en bien. Et les retours que nous avons eus sont extrêmement positifs. En revanche, pour chiffrer les bénéfices, c’est impossible, d’autant plus que nous sommes intégrés dans un groupe d’écoles [le groupe INSA] », indique Natacha Boisse.

Des secteurs qui s’offrent un lifting

Autre levier d’action : plutôt qu’une école, c’est parfois le blason de tout un secteur qu’il faut redorer, tel celui des sciences. La Fondation de la Maison de la chimie s’est attelée à cette tâche en s’appuyant sur un serious game, « Projet M2C » : une intrigue policière dans laquelle le joueur enquête dans le monde de l’industrie chimique à la suite de la disparition de son père. De la molécule au produit aval destiné au client, l’utilisateur découvre tous les métiers (R&D, production ou marketing), ainsi que les différents secteurs d’application de la chimie. Avec « Objectif Sciences », huit universités franciliennes (1) ont choisi la BD pour promouvoir les études scientifiques : trois lycéens en terminale scientifique, Amel, Marion et Julien, partent à la rencontre de cinq scientifiques (une astrophysicienne, un créateur d’entreprise, une formulatrice en cosmétique, un ingénieur en gestion des pollutions et un responsable marketing), tous issus des filières universitaires.

Débouchés professionnels : l’effet « pairs » joue à plein

Les établissements mettent également en avant les débouchés de leurs formations pour séduire les futurs étudiants et leurs parents. Et, pour convaincre des potentialités des formations, les anciens sont souvent amenés à témoigner. L’université Paris-Est-Créteil (UPEC) a donné la parole à ses anciens avec sa campagne « J’ai fait l’UPEC » .

« Jusqu’à présent, les campagnes de communication avaient plutôt été orientées sur les inscriptions et les formations proposées, relève François Tavernier, directeur de cabinet et responsable de la communication. L’idée était à la fois de développer la notoriété de l’université et son attractivité, mais aussi de valoriser les parcours de nos anciens. Les douze diplômés choisis pour les portraits illustrent la qualité de nos formations et la diversité des métiers auxquels préparent nos douze composantes. » Une urbaniste, un médecin, une avocate, un responsable de domaine informatique… avec le souci de ne pas sélectionner les parcours exceptionnels, mais uniquement ceux en lien avec le cursus. Concrètement, la campagne s’est déroulée du 26 avril au 11 mai 2011 et s’est déclinée sur trois types de supports : 120.000 « cart’com » mises à disposition dans les lieux de vie « jeunes », douze insertions dans la presse quotidienne gratuite et des oriflammes dans le métro et les RER. Une présence massive, dont le coût d'environ 56.000 € représente la totalité du budget annuel prévu pour les insertions publicitaires.

« Jusque-là, nos insertions publicitaires étaient dispersées et sans réel impact, reconnaît-il. Cette campagne a remporté un vif succès auprès de nos équipes, étudiants et partenaires, et nous a permis de nouer des liens avec les anciens. » Pour autant, personne à l’UPEC ne se risque à chiffrer l’impact sur les effectifs étudiants.

Créer une relation de confiance


Le conseil, l’accompagnement des premiers pas des futurs étudiants dans l’univers de l’université comptent parmi les moyens pour encourager les lycéens hésitants à franchir le pas. « Notre objectif est de leur faire comprendre que nous sommes là pour les guider, les conseiller, expose Marie Blain, conseillère université-lycées de l’université de Nantes. Pour les lycéens, la fac est un autre monde, effrayant… À nous de les rassurer. » Et cela passe par un accompagnement en amont. « Nous avons créé un dispositif de conseil en ligne pour le choix de la L1. Dès le mois de novembre de la terminale, en fonction des résultats et du travail fourni, on peut obtenir une réponse personnalisée sur les chances d’admission et de réussite dans telle ou telle filière. Attention, ce n’est pas un simple oui ou non. Par exemple, à un élève brillant, non seulement nous allons dire qu’il a toutes les chances de réussir, mais, en plus, nous l’orienterons vers nos cursus d’excellence. À un élève moyen, nous allons lui parler de nos dispositifs d’encadrement », détaille Marie Blain.

À l’université de La Rochelle, en dehors des accueils de classes sur le campus et d’un DVD d’explication de la vie à la fac, ce sont des permanences tchats qui sont organisées tous les mercredis entre 12 et 14 heures : par le système de visioconférence Skype, lycéens et parents peuvent s’adresser à une conseillère d’orientation. « C’est un grand saut dans l’inconnu pour eux, rapporte Anne Aubert, vice-présidente réussite et insertion professionnelle. Nous devons les rassurer, leur faire savoir qu’ils ne sont pas lâchés dans la nature. Et, même s’il est difficile de quantifier les résultats de nos actions, depuis trois ans, nos effectifs augmentent entre 4 et 9% chaque année. »

Quand la communication mise sur le plaisir

À côté de ces leviers d’attractivité traditionnels auprès des lycéens – formations, intérêts du secteur, débouchés potentiels, accompagnement… –, certains établissements en ajoutent de beaucoup moins « institutionnels ». Avec un pari : si finalement la communication la plus efficace se déroulait ailleurs ? « Ce qui intéresse les jeunes, ce sont les soirées, le sport, le cinéma et Facebook, assure David Bouvier, directeur du développement de l’ESC Chambéry-Savoie. Il faut donc aller les chercher sur ces terrains. Depuis longtemps déjà, nous organisons des manifestations sportives comme des “contests” de ski ou des concours d’apnée auxquels nous convions des champions. Cette année, nous lançons le Business School Festival, un festival de musique électronique avec de grands DJ. Entre le plan communication, la salle, les DJ, les animations à l’entrée, nous disposons d’un budget d’environ 10.000 €. Nous envisageons également d’organiser une soirée spéciale lycéens dans un cinéma avec des projections adaptées. Ces efforts sont nécessaires, les temps sont durs en matière de recrutement. Malgré tout notre travail, nos effectifs restent stables, je n’imagine pas ce que ce serait sans… »

Le cinéma, c’est aussi la référence qu’a choisie l’université d’Avignon sur son site choisiravignon.fr : pour « la saison 2 », les vidéos (réalisées par les étudiants) de promotion de l’établissement s’inspirent de bandes-annonces de films. Par exemple, celle vantant l’instauration du contrôle continu dans toutes les filières a repris les grandes lignes de plusieurs films d’horreur, tels que Scream, Saw ou Destination finale (détourné en « Évaluation finale »).

Dans un autre style, l’université de Bretagne-Sud est même allée jusqu’à vendre son cadre touristique. C’est ainsi que, début septembre 2011, une petite annonce pas comme les autres est parue dans le journal Libération : « Venez étudier […] sur un campus moderne d’une ville de bord de mer bien pourvue en logements abordables. » « C’est une première, annonce Sylvie Ragil, responsable de l’UFR sciences et sciences de l’ingénieur, à l’origine de cette initiative. Nous visions une diffusion nationale avec, en tête, principalement les étudiants de la région parisienne qui n’ont pas forcément trouvé de place – en master par exemple – ni de logement décent. C’est pour cela que nous avons insisté sur le cadre de vie, pour leur faire savoir que notre environnement est bien plus convivial et les appartements beaucoup moins chers. C’était avant tout un test, sans objectif particulier. Mais, bien sûr, plus nous avons d’inscrits, plus nous sommes contents. »

Point commun entre toutes ces campagnes, il reste très difficile d’en quantifier les bénéfices. Les établissements en sont bien conscients et, plutôt que des résultats concrets rapides, beaucoup misent sur une amélioration durable de leur image.

(1) Université de Cergy-Pontoise, université d’Évry-Val-d’Essonne, université de Marne-la-Vallée, université de Versailles-Saint-Quentin, université Paris-Sud 11, université Paris-Diderot-Paris 7, université Paris-Nord, université Pierre-et-Marie Curie.

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