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Contre le RN ou pour la démocratie, les acteurs de l'enseignement prennent position en pesant leurs mots

Malika Butzbach Publié le
Contre le RN ou pour la démocratie, les acteurs de l'enseignement prennent position en pesant leurs mots
Les organisations syndicales des personnels de l'Education nationale appellent à faire barrage contre le RN. // ©  Bernard CANONNE/REA
Si, du côté de l'Éducation nationale, des cadres fonctionnaires ont d'ores et déjà fait part de leur refus d'obéir en cas de gouvernement composé par un Premier ministre Rassemblement national, la condamnation est plus prudente du côté des acteurs de l'enseignement supérieur. Universités et étudiants appellent à une participation massive aux élections législatives. Dans les deux secteurs, une large intersyndicale se mobilise, mais avec quelques absents.

De Kylian Mbappé à Squeezie, les réactions à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale et aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet, n'en finissent pas d'inonder les médias. Mais dans l'enseignement scolaire et supérieur, les prises de positions sont plus rares, sans toutefois être inexistantes.

Très peu utilisent les mots qui fâchent. Les termes "Rassemblement national" ou "extrême droite" sont rarement évoqués. "Peut-être par peur d'attiser les braises, de mal s'exprimer ou de mal se faire comprendre", souffle un enseignant-chercheur en sciences politiques en IEP, qui souhaite témoigner anonymement. "D'autant qu'avec les événements internationaux récents, les établissements d'enseignement supérieur ont souvent été montrés du doigt par les politiques et les médias..."

Refus d'obéir et appel à "une participation massive"

Chose rare, voire inédite, ce sont des cadres de l'Éducation nationale qui se sont mobilisés. Le 14 juin, une quarantaine d'inspecteurs et de personnels de direction signaient une pétition en ligne, intitulée "Cadres de l'Éducation Nationale pour la République".

Si le Rassemblement national (RN) arrive au pouvoir à la suite des élections législatives anticipées, "en conscience et en responsabilité, nous n'obéirons pas", écrivent-ils noir sur blanc. "Aucun d'entre nous n'appliquera de mesures qui contreviendraient aux valeurs de la République. Nous ne serons pas les exécuteurs d'une politique contraire aux principes qui fondent notre attachement au service public d'éducation."

Dans un communiqué publié le 13 juin, France Universités appelle à "la participation la plus large aux prochaines élections législatives". Dans un texte mesuré, les présidents d'universités rappellent que "c'est en disant 'non' quand les circonstances le requièrent que l'université peut être pour ses étudiantes et ses étudiants l'école d'une démocratie exigeante et en même temps son rempart".

Si le message est clair, il n'est pas aussi explicite que pour la dernière présidentielle. Durant l'entre-deux tours des élections présidentielles de 2022, France Universités avait appelé "à combattre l'extrémisme que porte la candidature de Marine Le Pen".

L'éducation et l'enseignement, "premières victimes" ?

Quelques acteurs soulignent aussi l'enjeu de l'éducation et de l'enseignement supérieur dans un potentiel gouvernement mené par un Premier ministre issu du RN. Les élus du réseau français des villes éducatrices, qui "refusent le projet du RN", estiment lors d'une conférence de presse le 14 juin que "l'École de la République et l'ensemble des politiques éducatives seraient les premières victimes" en cas d'arrivée au pouvoir de l'extrême droite. Dans un rapport moral, les membres du réseau plaident pour un "sursaut démocratique et social".

Du côté de la recherche, l'Académie des Sciences s'est également fendu d'un communiqué le 18 juin, appelant "à la vigilance quant au respect des valeurs essentielles en démocratie". L'institution évoque l'extrême droite sans la nommer, soulignant que "le repli sur soi, prôné par certains, nuirait gravement à la recherche scientifique".

Certains acteurs vont jusqu'à contredire leur obligation de neutralité. C'est le cas de la Ligue de l'enseignement qui affirme, le 19 juin, que faire barrage à l'extrême droite est "un combat inconditionnel". Si "les statuts de la Ligue lui interdisent tout positionnement partisan. Nous refusons cependant l'amalgame, consistant à parler de 'deux extrêmes', et mettant dos à dos RN et forces progressistes réunies."

Des étudiants mettent leurs établissements face à leur responsabilités

Dans certains cas, ce sont les étudiants qui ont mis les dirigeants de leurs établissements face à leurs responsabilités.

C'est notamment le cas du BNEI (Bureau national des élèves ingénieurs) qui, avec d'autres élus étudiants d'association d'élèves-ingénieurs, ont adressé une lettre ouverte aux directrices et directeurs de leurs écoles. "Il est plus que jamais nécessaire que les écoles offrent une place au débat, politisé ou non, écrivent-ils. La remise en question, au cœur du raisonnement scientifique, ne doit pas s'arrêter aux portes du débat public. Ce travail devra se poursuivre au-delà des élections législatives, car les défis qui se profilent sont des plus complexes."

Surtout, ces associations étudiantes souhaitent "prendre leurs responsabilités" face au taux d'abstention qui atteint 53% chez les 18-24 ans. "Nous n'avons pas fait assez", reconnaissent les signataires. Un appel qui n'est pas sans rappeler celui de plusieurs vice-présidents étudiants d'université. "Utilisons notre voix, le 30 juin et le 7 juillet prochain […] Allons ensemble aux urnes, votons, c'est notre devoir et notre responsabilité de montrer que nous sommes là, et nous ne nous tairons pas", insistent-ils.

Une intersyndicale large, mais incomplète

Comme souvent, ce sont les organisations syndicales qui s'expriment le plus vivement. Une large intersyndicale (FSU, CFDT, Unsa, CGT et Sud) a dénoncé la "vision réactionnaire et antirépublicaine de l'école" que porte l'extrême droite.

Dans un communiqué publié le 11 juin, les syndicats estiment que "la mise en œuvre de son programme aurait des effets terribles et ne permettrait pas de résoudre les fragilités actuelles du système éducatif". "Xénophobe et raciste, l'extrême droite est un danger pour l'École publique, pour nos élèves, nos collègues et pour la démocratie", écrivent-ils.

Le même jour, les syndicats de l'enseignement supérieur signaient également un communiqué commun appelant à "empêcher l'extrême droite de parvenir au gouvernement". "Son programme pour l'ESR, c'est la préférence nationale pour les étudiants et les personnels, la mise au pas réactionnaire en matière pédagogique, la répression de toute contestation, la priorité à l'apprentissage et aux cadeaux fiscaux aux entreprises, le soutien aux formations privées, des 'bourses au mérite'…", listent les syndicats de la FSU, CFDT, Unsa, CGT et Sud.

Plusieurs organisations étudiantes, notamment la Fage, l'Union Étudiante, l'Unef, la FSE et Solidaires étudiant-e-s, sont également signataires.

Toutefois, cette intersyndicale de l'enseignement supérieur et scolaire, si large soit-elle, présente quelques absents. En premier lieu, les syndicats de Force Ouvrière, mais également celui du Snalc, dans l'Éducation nationale, qui n'ont pas signé les communiqués communs.

Malika Butzbach | Publié le