Coopération franco-allemande : le Centre Marc Bloch en sursis

De notre correspondante en Allemagne, Marie Luginsland Publié le
Le Centre Marc Bloch est un élément essentiel de la coopération franco-allemande au niveau universitaire. C’est pourquoi le désengagement annoncé du ministère des Affaires étrangères a suscité à la mi-décembre une levée de bouclier dans les milieux universitaires franco-allemands : plus de 3 000 signatures ont été recueillies en quinze jours sur la pétition de soutien, largement relayée par les médias. Parmi les signataires : la candidate sociale-démocrate à la présidence allemande de 2009, membre du conseil scientifique franco-allemand. Cette vague de solidarité a porté ses fruits : le Quai d’Orsay revoit à la baisse les coupes claires qu’il prévoyait dans le budget 2009 du centre de recherche franco-allemand de recherche en sciences sociales.

Aucune notification officielle n’est encore parvenue au CMB (Centre Marc Bloch) à Berlin, mais juste avant Noël, le département des Affaires Culturelles du Quai d’Orsay a fait savoir qu’il réviserait son intention de réduire de 50 % sa dotation annuelle (162 520 € en2007, soit 20,64% du budget global). C’est ce qu’annonce Daniel Schönpflug, directeur adjoint du Centre. « Nous n’avons aucune confirmation écrite mais il est sûr que la survie du centre est assurée », se réjouit-il.

Une unité de recherche associée du CNRS

Le Centre Marc Bloch Centre franco-allemand créé en 1992 et voué à la recherche en sciences sociales, en Allemagne et en France et étendue depuis à l’Europe centrale et orientale est soumis comme les autres centres du réseau culturel franco-allemand, à des réductions budgétaires. Outre ses publications, ce centre, unité de recherche associée du CNRS depuis 1996, accueille chaque année de nombreux doctorants. Il travaille par ailleurs en étroite collaboration avec une quinzaine d’institutions (centre de recherche, universités...) allemandes, françaises, polonaise, tchèque et hongroise.

Un maillon essentiel de la coopération franco-allemande

Pour Bernard de Montferrand, ambassadeur de France à Berlin, « l’existence du Centre Marc Bloch n’est en aucune façon menacée, le centre fournit un travail de haute qualité et coopère avec les meilleures institutions, contribuant ainsi par ses recherches à un dialogue scientifique significatif entre l’Allemagne et la France ». De fait, les interactions sont nombreuses entre le Centre Marc Bloch et l’enseignement supérieur (Strasbourg 2, l’E.H.E.S.S, l’I.E.P. de Paris, l’École normale supérieure Lettres et Sciences humaines de Lyon, les trois universités de Berlin et celle de Postdam). Par ailleurs, outre son équipe intégrée franco-allemande, le centre travaille avec des institutions et des équipes de recherche implantées dans différents pays d’Europe, notamment en Hongrie, en Pologne et en République Tchèque.

Un réseau universitaire en interaction

Parmi eux, à Paris, le Ciera (Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne) qui a relayé la pétition pour le maintien du Centre Marc Bloch. « Nous entretenons des échanges de chercheurs,  menons des programmes de recherche en commun et envoyons une dizaine de doctorants chaque année à Berlin », énonce Nathalie Faure, secrétaire générale du Ciera, institution d’intérêt publique elle aussi financée, conjointement par la France et l’Allemagne et dont sont membres onze universités. Elle souligne l’impact évident qu’aurait la fermeture du centre sur l’activité des autres institutions « nous agissons en complémentarité, si une pièce du domino fléchit, c’est l’édifice qui s’écroule ».

Les financements extérieurs dépendent en partie du financement public

C’est par ailleurs sans compter sur les retentissements d’un désengagement du ministère des affaires étrangères français sur les autres acteurs financiers du Centre Marc Bloch et plus particulièrement sur les financements extérieurs. « Les donateurs réagissent en fonction des subventions publiques qui nous sont allouées », précise Daniel Schönpflug. Il souligne qu’une soudaine frilosité serait regrettable alors que « les financements extérieurs augmentent d’année en année, les fondations étant encouragées en Allemagne par un environnement fiscal favorable ».

Une stratégie d’excellence allemande

L’Allemagne a d’ailleurs dans son ensemble réagi promptement à l’annonce du Quai d’Orsay. Gesine Schwan, candidate sociale-démocrate à la présidence allemande de 2009 et membre du conseil scientifique franco-allemand chargé de définir les orientations de la Recherche a été parmi les premières signataires de la pétition de soutien. « L’Allemagne poursuit un dialogue avec la France pour trouver une solution afin de maintenir la qualité de travail fourni par le Centre Marc Bloch », déclare Tiziana Zugaro, porte-parole du BMBF précisant qu’au cours de ces dernières années, le centre a pris définitivement une orientation franco-allemande. Le BMBF n’est toutefois pas prêt à compenser le désengagement français.

Même si l’implication de l’Allemagne se fait de plus en plus ressentir (voir répartition des dotations) comme le note Daniel Schönpflug : « L’Allemagne a en effet par la voie de son initiative d’excellence, marqué sa volonté d’internationaliser sa Recherche et le Centre Marc Bloch s’intègre parfaitement à cette stratégie de Recherche de haut niveau à l’international ».

* Ressources en dotation (2007) soit 787 446 € : ministère français de la Recherche 15,49 %, Ministère allemand de l’Education et de la Recherche-BMBF 34,92%, CNRS 3,16%, projet ANR (Agence nationale de la recherche) 2,53%, projet BMBF 13,87%.

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