Cours en anglais : pourquoi universités et grandes écoles sont pour

Sandrine Chesnel Publié le
Cours en anglais : pourquoi universités et grandes écoles sont pour
Des étudiants étrangers à l'École des mines de Nantes // DR // ©  IMT Atlantique
L’article 2 du projet de loi pour l’enseignement supérieur et la recherche n’a pas fini de faire parler de lui. Il introduit la possibilité de dispenser davantage de cours en langue étrangère. L’Académie française et le SNESUP, notamment, ont dit leur opposition, quand la CPU et la CGE estiment qu’il faudrait aller plus loin pour attirer plus d’étudiants étrangers.

Pour les immortels, c'est non. Courant mars, les membres de l'Académie française ont accueilli fraîchement l'article 2 du projet de loi pour l'enseignement supérieur et de la recherche qui donne la possibilité de cours en langues étrangères dans les établissements d'enseignement supérieur. "Une décision qui inaugurerait de véritables franchises linguistiques dans les universités françaises", a tranché l'Académie.

Le 22 avril, c'est Jacques Attali qui s'attaquait à ce projet de loi sur son blog, estimant qu'on "ne peut pas imaginer une idée plus stupide, plus contre-productive, plus dangereuse et plus contraire à l'intérêt de la France". Quelques jours plus tard dans les colonnes du Point, Erik Orsenna, Bernard Pivot et Claude Hagège prenaient, à leur tour, la défense de la langue de Molière, le professeur au Collège de France Claude Hagège n'hésitant pas à mettre en avant "la vocation mondiale de notre langue". Et le 29 avril, c'était au tour du SNESUP (syndicat national de l'enseignement supérieur) de dire son opposition à cette disposition : "L'enseignement en langue étrangère serait un appauvrissement culturel, un facteur de difficultés accrues pour les étudiants francophones (...), et un facteur d'aggravation de la sélection sociale".

Les cours en anglais, déjà une réalité

L'enseignement dans une langue étrangère, le plus souvent en anglais, est pourtant déjà une réalité dans beaucoup d'établissements d'enseignement supérieur, notamment dans les grandes écoles. C'est le cas à l'ESSEC, qui accueille chaque année plus de 90 nationalités différentes : "Les deux tiers de nos étudiants étrangers ne parlent pas français quand ils arrivent chez nous, précise Pierre Tapie, le directeur de l'école de Cergy-Pontoise, et président de la CGE (Conférence des grandes écoles). Si nous ne garantissions pas des cours en anglais à ces étudiants, ils ne choisiraient tout simplement pas notre école". Pour le président de la CGE, la possibilité de proposer davantage de cours en anglais est une très bonne chose : "Il faut être pragmatique : le marché de l'enseignement supérieur est international, le nombre d'étudiants augmente très vite, et les pays qui sauront se doter de la capacité d'accueillir ces nouveaux entrants vont prendre une longueur d'avance sur les autres. Donnons-nous les moyens de les accueillir !".

Sur ce sujet, la CPU (conférence des présidents d'université) rejoint les positions de la CGE. Ainsi le 26 avril, l'Alliance nationale des sciences humaines et sociales (ATHENA), qui regroupe autour de la recherche en sciences sociales la CPU, le CNRS, l'INED (Institut national des études démographiques) et la Conférence des grandes écoles, publiait un communiqué affirmant son soutien à la mesure, et sa volonté que le ministère aille plus loin en obtenant des modifications de la loi Toubon, présentée comme "un frein à l'internationalisation de la recherche française en SHS".

La France doit avoir l'humilité de comprendre que la majorité du monde ne parle pas en français (P.Tapie)

Est-ce à dire qu'il faut désormais se faire à l'idée que le français doit s'effacer au profit de l'anglais ? "Bien sûr que non ! rétorque Pierre Tapie. Mais la France doit avoir l'humilité de comprendre que la majorité du monde ne parle pas en français. Si la France veut garder sa place dans la formation des élites mondiales, elle doit évoluer sur ce sujet. Au Moyen-Age, la langue des élites était le latin. Le latin d'aujourd'hui, c'est l'anglais. Nos établissements ne peuvent pas accueillir uniquement des francophones – il est plus intéressant pour eux de recevoir des non-francophones, qui après 1, 2 ou 3 semestres, se mettront tout naturellement au français, et deviendront francophiles".

Pour l'Alliance ATHENA, cette évolution doit s'accompagner d'un renforcement de l'enseignement du français langue étrangère. Et de souligner un dernier effet positif du développement des cours en anglais : l'amélioration du niveau en langue des étudiants français.

De son côté, Geneviève Fioraso se veut rassurante. Dans un entretien au Nouvel observateur, la ministre affirme que "moins de 1% seront concernés" par cette mesure : "il ne s’agira pas de rendre obligatoires les cursus en langue étrangère dans les universités, mais de les autoriser à le faire, dans un cadre bien précis, pour un public bien ciblé".

Suite des débats mi-mai à l'Assemblée nationale. Des discussions qui seront peut-être houleuses, mais assurément en français.

Sandrine Chesnel | Publié le