La fusion des deux universités de Rennes est-elle encore possible ?

Camille Stromboni Publié le
La fusion des deux universités de Rennes est-elle encore possible ?
Université Rennes 1 - BU de droit, économie et gestion © UR1 – Dircom – Gaëlle Le Page -oct 2012 // ©  UR1
Avis de tempête dans les facs rennaises. À la suite des dissensions autour du projet de fusion, la gouvernance de l'université Rennes 2 a démissionné. À la tête de sa consœur Rennes 1, Guy Cathelineau reconnaît que ces départs compromettent la fusion prévue pour 2016, mais espère une sortie de crise. Tout en restant ferme dans son opposition à toute parité dans la gouvernance de la future université de Rennes.

undefinedL’université Rennes 2 est en crise, avec la démission de l’ensemble de la gouvernance de l’établissement. Quelle est votre réaction ?

Je suis vraiment désolé de la tournure qu’ont pris les événements. Je tiens à rappeler que Jean-Émile Gombert [président de l’université Rennes 2] a énormément œuvré pour l'université, et également au niveau national à la tête de l’alliance Athéna qui coordonne les forces de recherche en SHS (sciences humaines et sociales). Apprendre qu’il démissionne, c’est très dur, aussi à titre personnel.

Nous avons mené un travail commun avec les deux équipes de direction, pas seulement entre les deux présidents. Ce sont des milliers d’heures de travail pour mettre sur pied la nouvelle université. On entre dans une phase très difficile, d’autant plus que nous avons de nombreux projets ensemble.

La Comue [communauté d’universités et établissements] bien sûr, mais aussi l’Idex [Initiative d’excellence], et surtout notre contrat quinquennal [2017-2021]. Nous l’avons préparé ensemble et nous devons déposer le projet stratégique en octobre.

La fusion entre Rennes 1 et Rennes 2 vous paraît-elle encore à l’ordre du jour ?

Évidemment, ces événements obèrent le processus de fusion, le compromettent. Mais cela ne veut pas dire qu’il est forcément au point mort. Nous allons voir ce que fera la future équipe de Rennes 2. Notre porte reste grande ouverte.

Les dissensions à Rennes 2 se sont cristallisées sur la demande d'une parité entre vos deux établissements dans les conseils centraux de la future université unique. Ce que Rennes 1 refuse. Êtes-vous prêt à faire évoluer cette position ?

Notre conception est claire :  l’université de Rennes ne sera pas la somme de Rennes 1 et de Rennes 2, mais un nouvel établissement, où toutes les disciplines doivent trouver leur place.

Il faut tout d’abord rappeler que nous avons signé une charte, avec Rennes 2, où est inscrit ce principe d’une représentation garantissant le poids relatif de nos secteurs disciplinaires dans la gouvernance.

Ensuite, une parité Rennes 1-Rennes 2 n’est pas possible. Ce n’est pas légal, cela ne respecte pas le jeu démocratique. Les conditions d’élections et de représentativité universitaires, c’est dans la loi, c’est le Code de l’éducation.

Il faut enfin rappeler un chiffre : Rennes 1 compte près de 1.500 enseignants-chercheurs, dans trois secteurs disciplinaires, Rennes 2 en réunit 500.

Une parité Rennes 1-Rennes 2 n’est pas possible.

Ce désaccord a donc peu de chances de trouver une issue favorable…

Nous devons discuter des mesures nécessaires pour donner confiance à nos collègues. Mais une élection démocratique doit être une élection démocratique.

Nous avons des outils pour avancer, comme le regroupement de composantes, afin d'assurer au mieux la préservation des SHS, au niveau financier et en ce qui concerne les ressources humaines.

C’est normal que l’on discute, il faut du dialogue. Mais, pour cela, Rennes 2 doit venir discuter... Ce n’était plus le cas depuis quelques semaines. Même si ces démissions sont très soudaines : la dernière réunion de nos deux directions date seulement du 9 janvier. Certains démissionnaires y étaient présents !

Que va-t-il se passer dans les mois qui viennent ?

Cela va être compliqué de travailler ensemble alors qu’il n’y a plus de gouvernance à Rennes 2. Rien n’est remis en cause pour l’Université Bretagne Loire, en cours de mise en place, ni pour l’Idex.

Nous allons continuer à Rennes 1 la réflexion des groupes de travail sur le contrat quinquennal, en espérant que les collègues de Rennes 2 reviendront y participer dès que possible, probablement en mai.

Il est clair que la date de fusion au 1er janvier 2016 avait une très forte cohérence avec l’ensemble de ces projets. Pour l’avenir, outre cette élection en contexte de crise à Rennes 2, il y aura chez nous les élections des conseils centraux l’an prochain. Cela signifie, quoi qu’il arrive, que le processus de fusion connaîtra désormais des conditions beaucoup moins stables que jusqu'à présent.

Et la future Université Bretagne Loire ?
Le coup d’arrêt porté à la fusion des universités Rennes 1 et Rennes 2 aura-t-il des conséquences sur la construction de l’Université Bretagne Loire ? La Comue unissant les facs de deux régions doit naître au 1er janvier 2016.

"Bien sûr, cette fusion est un élément structurant du territoire, reconnaît Pascal Olivard, à la tête de l’UEB (Université européenne de Bretagne). Mais la dynamique est clairement enclenchée pour l’Université Bretagne Loire. Rennes 1 et Rennes 2 ont toujours été chacune associées aux travaux et cela va continuer. Les deux universités sont en outre explicitement mentionnées comme membres dans nos statuts. Les mesures transitoires, qui prévoient l’éventuelle fusion, seront simplement ajustées si besoin."

Côté planning, les votes des conseils d’administration de chaque établissement membre sur les statuts, en cours de finalisation, sont prévus entre mi-février et mi-avril 2015. "Il est probable que Rennes 2 se prononcera plutôt en mai, envisage Pascal Olivard, le temps qu’une nouvelle gouvernance soit élue. Cela est compatible avec un passage en Cneser [Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche] avant l’été. Nous restons donc sur la création de cette université au 1er janvier 2016."
Aller plus loin
- La réaction du ministère dans Ouest-France

- La résolution votée par le conseil d'administration de Rennes 1, le 15 janvier 2015
- La biographie EducPros de Jean-Émile Gombert (Rennes 2)
- La biographie EducPros de Guy Cathelineau (Rennes 1)

-  Fusions des universités. Rennes 2 vit une situation de crise  (Ouest-France)
-  Université Rennes 2. Vingt démissions : le conseil d'administration dissous (Ouest-France)

Camille Stromboni | Publié le