Crise des vocations d'enseignants : le casse-tête de Vincent Peillon

Fabienne Guimont et Isabelle Maradan Publié le
En pleine crise des vocations d’enseignants, le ministère de l’Education nationale a prévu de recruter 280 postes supplémentaires dans les collèges et lycées pour la rentrée 2012. Constatant le manque de lauréats aux Capes, Vincent Peillon compte désormais sur les admissibles collés à l'agrégation pour tenir ses objectifs.

Le dernier coup de pub , à 1,35 million d’euros, incitant les étudiants à s’engager sur les métiers de l’enseignement n’aura pas suffit (voir aussi Une campagne de recrutement des profs : est-ce que ça marche ? ). Si les résultats d’admission au concours de recrutement des professeurs des écoles ne sont pas encore connus, ceux des concours du Capes permettent de donner la tendance : les lauréats n’ont pas été assez nombreux par rapport au nombre de postes ouverts. A la rentrée, 706 postes d’enseignants du second degré, soit 15%, ne seront pas pourvus par concours (voir les statistiques du ministère de l’Education nationale).

Une légère amélioration comparée à l’an dernier, où 20% des postes étaient vacants. Reste que les manques dans certaines disciplines sont criants. Un tiers des postes ne sont pas pourvus par concours en mathématiques (-298 enseignants), 56% en lettre classiques (-95 enseignants), 20% en allemand (-46 enseignants), 17% en anglais (-131 enseignants), et 7% en lettres modernes (-53 enseignants)…


Postes d’enseignants : pallier n’est pas combler

Solution d’urgence pour la rentrée prochaine, Vincent Peillon a promis de recruter 280 enseignants certifiés dans 4 matières pour compenser en partie les 637 postes non pourvus aux CAPES de mathématiques, d’anglais, de lettres et d’EPS. Pour y parvenir, des admissibles non reçus à l’agrégation seront certifiés, selon des critères votés par les jurys du concours, comme le prévoitle décret relatif au statut particulier des professeurs certifiés , les viviers aux CAPES ayant été épuisés. Cela sera-t-il suffisant ?

131 postes sont restés vacants en anglais où il est envisagé de recruter 70 enseignants supplémentaires à la rentrée en puisant dans le vivier des 160 admissibles à l’agrégation d’anglais. Soit près d'un admissible restant sur deux.

En mathématiques non plus le compte n’y sera pas. Les 90 postes attendus en plus pour la rentrée ne combleront pas les 300 lauréats manquant à l’appel au Capes. Et dans cette discipline, le jury serait obligé de mettre plus d’un tiers des admissibles à l’agrégation de mathématiques sur une liste supplémentaire pour atteindre cet objectif.

En lettres, le déficit est de 148 postes à l’issue des résultats du Capes. Les postes supplémentaires offerts à 60 des 170 admissibles à l’agrégation ne pourront le compenser.

Autre difficulté, les candidats déjà admis ou collés au Capes et ceux qui souhaitent décrocher l’agrégation externe l’an prochain, sont à déduire du vivier des "certifiables" via la liste supplémentaire à l'agrégation. Une cellule a été mise en place au ministère afin de contacter par "ordre de mérite" les candidats qui se verront proposer un poste de professeur certifié.

Seule l’EPS s'en sort sans recourir aux admissibles à l'agrégation. Le nombre d'admissibles au Capes ayant permis d'ouvrir une liste complémentaire équivalente aux 60 postes envisagés.


L’attractivité du métier : le problème de fond



« La désaffection du métier d’enseignant s’installe durablement. Au-delà du déficit des viviers en master [conséquence de la mastérisation, Ndlr] sur la plupart des disciplines proposées au Capes, c’est bien la question de fond de l’attractivité du métier qui est posée. Il est perçu comme anxiogène et difficile. Il est de surcroît mal payé », relève le dernier communiqué du Se-Unsa.

Pré-recrutements, revalorisation salariale, accompagnement dans le métier, révision de la mastérisation… Les solutions de fond envisagées passent, pour beaucoup d’observateurs, par la concertation sur la refondation de l’Ecole républicaine ouverte le 5 juillet 2012.  

Sur son blog, Claude Lelièvre dresse la liste des possibles : « La « démastérisation » est improbable. Une forte augmentation des salaires aussi (du moins dans l’immédiat) compte tenu de l’état des finances publiques. Reste  à « refonder » de l’espoir dans le fonctionnement du système scolaire dans le cadre de « la refondation de l’Ecole républicaine » (en apportant notamment des réponses aux conditions de travail, à la formation professionnelle des enseignants, à la perception que l’on peut avoir de leur métier), et à «pré-empter » un nombre supérieur de candidats par un système d’aide aux étudiants optant pour les métiers de l’enseignement ».


Cinq ans pour trouver 60 000 "nouveaux Hussards Noirs"



Un pré-recrutement en licence sur lequel François Hollande s’est déjà prononcé favorablement et que le dernier rapport du Sénat reprend aussi. Les pré-recrutements ne sont pas une solution nouvelle mais pourraient permettre au ministre de l’Education nationale de trouver les « nouveaux Hussards Noirs de la République » qu’il cherche. D’autant que l’objectif reste de créer 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation au cours du quinquennat.

Dans les années 1970 et 1990, des élèves-professeurs étaient rémunérés pendant leur formation contre un engagement minimum à exercer le métier pendant 5 ou 10 ans. Au moment où la plupart d’entre eux partent en retraite, Vincent Peillon réinventera-t-il les Ipésiens (élèves-professeurs des Instituts préparatoires à l’enseignement du second degré) ? Dans l’immédiat, le ministre laisse dix jours de plus aux candidats pour s’inscrire aux concours de l’enseignement. Des vocations supplémentaires d’ici au 19 juillet 2012 ?     

Enseignants stagiaires : une année transitoire en 2012

Début juillet, une circulaire a défini de nouveaux dispositifs d’accompagnement des stagiaires et jeunes profs pour la rentrée 2012 (lire le Bulletin officiel ).
Les jeunes professeurs des écoles stagiaires seront accompagnés par un enseignant expérimenté au cours des six premières semaines de l’année. Leur service sera aménagé pour faciliter cette prise en main de la classe en binôme avec ce tuteur. Par ailleurs, des maîtres formateurs les suivront tout au long de l’année dans le cadre de formations ou lors de visites dans les classes.

Dans le secondaire, les jeunes enseignants auront un service allégé de 3 heures de cours pour leur permettre de suivre une journée de formation par semaine pendant toute la première année d’exercice.

Des aménagements à la marge. La révision de la mastérisation ne devrait intervenir qu’à la rentrée 2013 avec notamment la création de nouvelles « écoles du professorat et de l’éducation ».

En savoir plus

Lire les billets de Claude Lelièvre :
Concours du CAPES externe: la crise de recrutement confirmée
Capes : la crise du recrutement s’aggrave
La mystérieuse crise du recrutement des enseignants

Fabienne Guimont et Isabelle Maradan | Publié le