
L’annonce d’un retour dans les campus seulement en février 2021 pour les étudiants des universités françaises est un nouveau coup dur. Les présidents et personnels des universités ont rapidement dénoncé le "deux poids, deux mesures" de cette décision.
Le spectre d'une crise étudiante
En effet, les lycées et établissements de l’enseignement supérieur liés - comme les prépas et les BTS - pourront rouvrir dès le 20 janvier 2021, si les indicateurs sanitaires sont positifs. Déjà, lors de l’annonce du deuxième confinement, les universités avaient fait part de leur mécontentement sur le passage en total distanciel pour ses étudiants, alors que les établissements de l’enseignement supérieur dépendant des lycées, comme les classes préparatoires ou les BTS, pouvaient continuer quasi normalement.
Pour Jean Chambaz, président de Sorbonne Université, "les étudiants ont déjà trop payé ces derniers mois". Il fait partie des dix présidents d’université à avoir signé la lettre de l’Udice, l’association d’universités de recherche françaises, alertant sur une crise étudiante. Les inquiétudes portent avant tout sur la santé mentale des étudiants. Avant le deuxième confinement, fin octobre, les universités avaient anticipé pour renforcer l’offre des services de santé. "La plupart des sollicitations sont d’ordre psychologique et psychiatrique", informe Olivier Laboux, vice-président de la Conférence des présidents d’université.
Pour les dix présidents d’université de l’appel de l’Udice, il s’agit "d’une véritable bombe à retardement sociale et humaine". Les établissements, comme Sorbonne Université, ont beau avoir multiplié les mesures pour équiper les étudiants en matériel informatique, en connexion et augmenter l’écoute préventive, cela ne remplace pas les cours en présentiel et les relations sociales.
"C’est très difficile de se concentrer dans une chambre, sans relations sociales et d’enchaîner plusieurs heures de cours en visioconférence", insiste Jean Chambaz. "C’est encore plus difficile pour les primo-étudiants. Ils ont connu le confinement en terminale, puis le choc de l’arrivée à l’université, et n’ont pas eu le temps d’acquérir suffisamment d’autonomie et de méthode de travail qu’ils étaient déjà renvoyés chez eux. Je crains un décrochage massif des premières années".
Ouvrir les établissements dès janvier avec une jauge
Du côté de l’Udice comme de la CPU, on note également l’incohérence de réouvrir les universités début février alors que le second semestre aura déjà commencé. Pour éviter les changements de règles en cours de route, alors que les étudiants, déjà très perturbés, attaquent la période des examens, les universités demandent dans l’ensemble, la possibilité d’accueillir les étudiants dès le mois de janvier. "Nous demandons la réouverture des établissements avec 50% des élèves, et surtout les plus fragiles, dès début janvier, et un accueil en présentiel à 100% début février" détaille le président de Sorbonne Université.
De plus, les universités ont déjà prouvé leurs capacités à s’adapter et à accueillir la moitié de leurs élèves avant leurs fermetures, à l’automne. Ces modalités permettraient une règle claire pour tous les étudiants dès la fin de leurs examens. Ces derniers doivent d’ailleurs se passer en grande majorité en présentiel, recommande la CPU. "C’est un moment clé pour les étudiants après un long travail solitaire", insiste Olivier Laboux.
Stigmatisation des étudiants
Le sentiment qui domine à l’Udice est celui d’une stigmatisation des étudiants et d’une grande injustice pour ceux de l’université. S’ils ont été désignés responsables de nombreuses transmissions, ces dernières n’ont pas plus eu lieu au sein des universités qu’ailleurs dans la société, et n’ont d’ailleurs pas recensés de clusters.
"Dans les dispositions actuelles, les universités rouvriraient après les lieux de culte, après les restaurants, les bars… Il n’y a aucune justification sanitaire", s'emporte Jean Chambaz. Pour tenter d’enrayer la crise chez les étudiants, le gouvernement a en parallèle annoncé une série de mesures que salue la CPU. "Les 20.000 emplois étudiants, le doublement de l’aide d’urgence versée, ou encore l’accompagnement spécifique pour la recherche d’un premier emploi sont de bonnes mesures" indique Olivier Laboux. Mais sans socialisation et un retour en présentiel le plus tôt possible, elles ne suffiront sans doute pas à empêcher le décrochage massif et la précarisation des étudiants.