Cyrille van Effenterre (président de ParisTech) : "Les huit écoles qui seront à Saclay vont aller vers une intégration renforcée"

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier Publié le
Cyrille van Effenterre (président de ParisTech) : "Les huit écoles qui seront à Saclay vont aller vers une intégration renforcée"
Cyrille Van Effenterre // © 
Le dernier conseil d’administration de ParisTech a entériné les nouvelles orientations du PRES (pôle de recherche et d’enseignement supérieur) : les huit écoles (1) présentes à terme sur le campus de Saclay iront vers une "intégration renforcée". Dans un entretien à EducPros, le président de ParisTech, Cyrille van Effenterre , détaille sa nouvelle stratégie, alors que le campus de Saclay se retrouve dans la tourmente avec sa non-sélection dans la première vague des Idex (Initiatives d’excellence) et la démission de Paul Vialle , président de la Fondation de coopération scientifique du campus Saclay. Des évolutions qui pourraient encore faire bouger les lignes. Pour le moment, ParisTech attend les recommandations du jury des Idex et "n’exclut pas de se porter candidat" pour le second round des Idex.

Il y a un an, vous mettiez au point la "Vision 2020" de ParisTech. Ce document est-il toujours d’actualité ?

« La politique de site s’impose de plus en plus dans la tête de tout le monde, le gouvernement comme nos partenaires académiques et industriels »

Il y a peu de choses que nous enlèverions à ce document, mais le paysage a changé depuis l’élaboration de la "Vision 2020". Tout d’abord, la politique de site s’impose de plus en plus dans la tête de tout le monde, le gouvernement comme nos partenaires académiques et industriels. La décision de Nicolas Sarkozy de déménager en totalité cinq écoles de ParisTech de la capitale vers Saclay , annoncée en septembre 2010, a accéléré ces évolutions. Le bâtiment de l’ENSTA [École nationale supérieure de techniques avancées] est déjà en train de sortir de terre. Le financement de l’ENSAE [École nationale de la statistique et de l'administration économique] est bouclé. AgroParisTech, les écoles des mines et des télécoms s’organisent pour rejoindre le plateau. Plus globalement, toutes les écoles de ParisTech ont eu ou vont connaître des évolutions institutionnelles : naissance de l’Institut Mines-Télécom, création du GENES [Groupe des écoles nationales d’économie et de statistiques], constitution du Groupe ENSTA .

Quant aux relations avec nos partenaires, le grand emprunt a également suscité de nombreuses collaborations qui ont conforté les réseaux scientifiques. Une dynamique extraordinairement vertueuse à Saclay, mais aussi à Marne-la-Vallée et à Paris intra-muros. ParisTech doit s’adapter à ce nouveau contexte et passer à une deuxième étape.

Quelle sera cette deuxième étape ?

La "Vision 2020" se concentre désormais sur Palaiseau-Jouy, qui regroupera à terme les trois quarts des écoles et les quatre cinquièmes des élèves, et sera le cœur de ParisTech. Notre priorité numéro un désormais est de constituer ce pôle. Les huit écoles qui sont ou seront sur le plateau de Saclay vont se rapprocher institutionnellement autour d’une gouvernance renforcée. Une décision prise à l’unanimité lors du conseil d’administration du 22 février 2011.

Comment se traduira cette plus grande intégration ?


« Les écoles de ParisTech comptent aujourd’hui 600 étudiants en master. L’objectif est de doubler ce chiffre »

La construction d’une graduate school – et sûrement d’un graduate building dédié à Saclay – sera un outil d’intégration majeur des établissements. Si les formations d’ingénieurs resteront l’apanage des écoles, la graduate school sera le creuset de production de masters et de doctorats tournés vers l’international. Les écoles de ParisTech comptent aujourd’hui 600 étudiants en master. L’objectif est de doubler ce chiffre. Nous resterons en revanche sur 2.000 doctorants, en misant davantage sur des projets interdisciplinaires. Nous aimerions que cette graduate school bénéficie d’un directeur, de moyens propres et de compétences déléguées en termes de recrutement d’étudiants.

Et d’un point de vue institutionnel ?

« Le statu quo n’est plus possible. Jusqu’à présent, très peu de compétences ont été déléguées au PRES »

Nous ne sommes pas dans une logique de fusion, mais d’intégration. Chaque établissement possède son statut et nous ne toucherons pas à la multi-tutelle. Nous avons des idées et nous voulons aller vite, mais le cadre d’évolution juridique doit faire l’objet d’une décision gouvernementale. Pour bien faire, il faudrait qu’elle intervienne d’ici à la fin 2011. Le statu quo n’est plus possible. Jusqu’à présent, très peu de compétences ont été déléguées au PRES. Pour preuve, le budget consolidé de toutes les écoles de ParisTech doit représenter de l’ordre d’un milliard d’euros. Le PRES, lui, fonctionne avec un budget consolidé de trois à cinq millions d’euros.

Avec cette nouvelle stratégie, le scénario d’une marginalisation des quatre écoles qui ne déménagent pas à Saclay se confirme…

« Les établissements qui ne seront pas sur le plateau ont tout intérêt à ce que Palaiseau-Jouy soit un pôle efficace fort avec des moyens mieux valorisés »

On ne peut pas parler de marginalisation. La décision d’une plus grande intégration des huit écoles a été prise à l’unanimité des douze. Ce qui veut dire que les quatre écoles qui ne seront pas sur le plateau de Saclay ont adopté cette stratégie. Personne n’a intérêt à acculer Chimie ParisTech ou l’ESPCI à choisir entre Paris Sciences et Lettres et ParisTech. C’est la même chose pour Arts et Métiers ParisTech ou l’École des ponts. Les politiques de sites sont, il est vrai, de plus en plus structurantes, mais ce n’est pas une raison pour se tirer une balle dans le pied. Les synergies renforcées à Palaiseau-Jouy profiteront aux établissements qui ne seront pas sur le plateau. Imaginons, par exemple, qu’un service international commun se monte à Palaiseau et s’occupe des recrutements d’étudiants étrangers. Il n’y a aucune raison pour que l’École des ponts n’en profite pas. Les établissements qui ne seront pas sur le plateau ont tout intérêt à ce que Palaiseau-Jouy soit un pôle efficace fort avec des moyens mieux valorisés. C’est le sens de leur vote.

Deux PRES sur le campus de Saclay, UniverSud et ParisTech, est-ce que cela ne fait pas un PRES de trop ?

La situation sur le campus de Saclay n’est pas stabilisée et elle évoluera au fur et à mesure que les établissements arriveront sur place. À titre personnel, je pense que la FCS (Fondation de coopération scientifique) doit devenir une sorte de syndicat du monde académique au sein d’un cluster plus large qui donne toute sa place aux industriels. D’autres disent que Saclay doit devenir une université confédérale. Avec 21 partenaires, cette idée semble très difficile à concrétiser. Je crois davantage à une intégration par partie où chaque pôle, et ParisTech en est un, parle d’une seule voix.

* Trois écoles sont déjà sur le campus : HEC, Polytechnique, Institut d’optique. Cinq doivent y déménager : AgroParisTech, ENSAE, ENSTA, Mines ParisTech et Télécom ParisTech.

Fiche d’identité du PRES ParisTech

• 19.600 étudiants.
• 2.900 doctorants.
• 2.700 enseignants-chercheurs.
• 125 laboratoires.
• 450 accords de coopération à l’international.
• Les 12 grandes écoles d’ingénieurs et de management de ParisTech : AgroParisTech , Arts et Métiers ParisTech , Chimie ParisTech , École des Ponts ParisTech , École polytechnique , ENSAE ParisTech , ENSTA ParisTech , ESPCI ParisTech , HEC Paris , Institut d'optique Graduate School , MINES ParisTech , Télécom ParisTech .
• Date de création du PRES : 21 mars 2007.
• Statut : EPCS (établissement public de coopération scientifique).
• Président : Cyrille van Effenterre, reconduit pour un second mandat en février 2011.
• Dotation du Plan campus : 850 millions d’euros.
• Grand emprunt : un milliard d’euros dédié, 14 Equipex et 14 Labex.

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Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier | Publié le