Si les médailles sont individuelles, l'héritage des Jeux olympiques et paralympiques est lui collectif, estime Sylvie Retailleau, ministre démissionnaire de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
En conclusion d'une conférence sur l'héritage des Jeux en matière d'action de l'État au service des étudiants, élèves et sportifs, organisée le 4 septembre au Club France (Paris la Villette), la ministre déclare ainsi que "ce fut un travail d'équipe, au sein des ministères jusqu'aux terrains des établissements scolaires et du supérieur, mais aussi aux terrains des clubs et des fédérations sportives."
Le rôle de l'école pour ancrer la pratique du sport
Les directions des trois ministères ont dressé la liste des dispositifs que laissent les Jeux, notamment à travers le label Génération 2024. Si quasiment 60% des Français pratiquent des activités sportives et physiques régulières, "il y a un décrochage chez les jeunes avec une baisse de cinq points entre 2018 et 2023, constate Fabienne Bourdais, directrice des sports. De même, il y a des décrochages, entre 14 et 15 ans, puis entre 18 et 20 ans, sur les licences."
Face à ce constat, "l'école doit montrer l'exemple pour rendre la pratique sportive régulière et accessible", affirme Caroline Pascal. La nouvelle directrice générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) cite notamment le dispositif des 30 minutes d'activité physique quotidienne (APQ) mis en place dans les écoles, mais aussi le rôle de l'EPS avec la mise en place des deux heures de sport supplémentaires dans le cadre de l'accueil prolongé 8h-18h pour les collèges d'éducation prioritaire. "Des dispositifs qui font appel à d'autres acteurs, notamment les clubs sportifs et les collectivités locales."
Concernant le lycée, malgré l'enseignement de spécialité éducation physique, pratiques et culture sportives (EPPCS) en voie générale et l'unité facultative en voie professionnelle, "on constate un décrochage chez les élèves", estime Régine Battois-Locatelli, inspectrice d'académie - inspectrice pédagogique régionale (IA-IPR) EPS de l'académie de Grenoble. Et propose plutôt d'ajouter "une heure d'EPS supplémentaire."
Pour les étudiants, un modèle à repenser
La question de l'héritage des Jeux se pose également pour les étudiants, lesquels ont remporté 31 des 64 médailles françaises, souligne Olivier Ginez. Le directeur général de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip) évoque notamment la filière sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), "très attractive avec ses 68.000 étudiants et avec des taux d'insertion de 88% en licence et 93% en master".
Cependant, ajoute-t-il, les ministères certificateurs doivent "penser à la correspondance de nos diplômes, notamment sur la question des blocs de compétences, afin de valoriser les passerelles."
Dans les universités, outre l'accompagnement des sportifs de haut niveau, se pose aussi la question de la pratique sportive. "C'est un fait : nos étudiants ne font pas assez de sport", tranche Stéphane Braconnier, président de l'Université Paris-Panthéon-Assas et auteur du rapport Le sport : une ambition pour l'université.
"Les universités ont des injonctions contradictoires : on leur demande de plus en plus d'heures, que ce soit pour l'individualisation des parcours, la sensibilisation à la transition écologique… Or, ces emplois du temps chargés ont un impact sur la pratique sportive de nos jeunes", constate-t-il.
Celui qui est également vice-président de France Universités propose de changer de modèle afin d'aller vers plus de souplesse. "Proposer des salles de fitness en accès libre, mettre un panier de basket, tout cela amène la pratique sportive à nos étudiants. Le modèle avec des cours et des créneaux dédiés, ça ne marche plus."
Les chercheurs derrière les athlètes pour la médaille
C'est sans doute dans la recherche que les traces des Jeux sont les plus visibles. En premier lieu avec la mise en place du programme prioritaire de recherche "Sport de Très Haute Performance", lancé en 2020 avec une enveloppe de 20 millions d'euros dans le cadre France 2030.
"Douze projets ont été retenus, dans l'objectif de permettre aux athlètes olympiques et paralympiques français d'atteindre la plus haute performance dès les Jeux de 2024, grâce aux résultats des recherches", indique Claire Giry, directrice générale de la recherche et de l'innovation (DGRI).
Les résultats sont là, en témoigne la médaille d'or d'Alexis Hanquinquant. Le champion paralympique de paratriathlon a été accompagné par le programme Neptunes pour la nage. "Il y a un intérêt de la recherche scientifique pour grappiller les quelques millièmes de secondes qui font la différence sur le podium", sourit-il.
À ses côtés, Ludovic Seifert, enseignant-chercheur du laboratoire CETAPS, souligne la dimension pluridisciplinaire : "Le programme mobilise des chercheurs à la fois des sciences cognitives et des sciences du mouvement". Dans ces projets-là, les chercheurs ne se concentrent plus sur les publications, l'objectif est celui du sportif : la médaille.
"En tant que recherche appliquée, il faut répondre aux questions de l'athlète et de son entraîneur. Et il y a un travail à mener sur le temps long, mais aussi sur le temps court", précise Christophe Clanet, responsable du programme de recherche THPCA, qui a accompagné Alexis Hanquinquant sur le cyclisme. "L'optimum, les sportifs ne nous ont pas attendus pour le trouver. Mais nos recherches scientifiques le confirment et cela les rassurent. On a beaucoup observé cela au sein des projets."
L'enjeu est désormais de transmettre ces méthodologies et ces outils aux fédérations afin que celles-ci s'en emparent à leur tour.