Des étudiants stagiaires pour épauler les profs dans les académies déficitaires

Amélie Petitdemange Publié le
Des étudiants stagiaires pour épauler les profs dans les académies déficitaires
Des assistants d'éducation, sélectionnés à partir de la L2, seront présents aux côtés de professeurs dès la rentrée. Une mise en situation qui soulève des interrogations. // ©  REA/Ian HANNING
Dès la rentrée 2019, un contrat de "préprofessionnalisation" sera proposé aux étudiants de L2, L3 et M1 pour effectuer des stages dans des écoles et des collèges. Les syndicats s’inquiètent du suivi de ces stagiaires qui pourront se retrouver seuls face aux élèves.

La formation des futurs professeurs est en mutation. Dès la rentrée 2019, les étudiants pourront intégrer un parcours de "préprofessionnalisation" pour réaliser des stages dans les écoles et les lycées. Ce contrat d’assistant d’éducation (AEd), de trois ans, comprendra des stages d’observation et de pratique de la L2 au M1, à raison de 8 heures maximum par semaine.

"Jusqu’au concours, la formation est très théorique. Résultat, de nombreux professeurs stagiaires démissionnent après avoir réussi les concours", constate Max Brisson, rapporteur du projet de loi Pour une école de la confiance, adopté définitivement par le Sénat le 4 juillet dernier. Cette mesure permettrait ainsi "d’étaler la formation pratique" et d’instaurer un "contact progressif avec le métier".

Académies déficitaires

Le dispositif sera déployé dans les académies et les disciplines déficitaires : à Amiens, Créteil, Guyane, Lille, Limoges, Lyon, Reims, Rouen, Strasbourg et Versailles pour les écoles, et en allemand, anglais, lettres modernes et mathématiques, pour les collèges.

Des stages dès la licence pourraient fidéliser les étudiants pour qu’ils aillent jusqu’au bout de la formation.
(F. Popineau)

Les syndicats de professeurs et d’étudiants craignent par conséquent que les stagiaires soient utilisés pour remplacer les professeurs absents. "En théorie, je suis favorable à la préprofessionnalisation, il faut démocratiser le métier de professeur. Des stages dès la licence pourraient fidéliser les étudiants pour qu’ils aillent jusqu’au bout de la formation. Mais que vont-ils faire dans les écoles ? Il faudrait prévoir une grille d’observation précise pour les L2 et L3. Quant aux M1, on leur propose d’organiser des activités pédagogiques alors qu’ils n’ont ni débuté la formation ni obtenu le concours", regrette Francette Popineau, co-secrétaire générale du syndicat d’enseignants SNUipp-FSU.

La réforme pourrait ainsi être contre-productive en effrayant les étudiants jetés trop tôt dans le grand bain. Dès le M1, ils pourront se retrouver seuls face à leurs élèves. Pour Francette Popineau, "cela va attirer des étudiants momentanément, surtout pour la rémunération, mais finalement les mettre en difficulté et les détourner du métier".

"Au contraire, cela peut davantage séduire qu’être répulsif", assure le sénateur Max Brisson. "La réalité, c’est qu’actuellement on envoie ces étudiants en classe après très peu de pratique". Selon lui, imposer une grille d’observation aux stagiaires serait "la dernière des bêtises", le stage devant être adapté au contexte et au niveau de l’étudiant. "Le Parlement sera soucieux de la bonne application de cette mesure, assure le sénateur. L’objectif n’est pas de boucher les trous dans les académies en tension, ce n’est pas comme cela qu’on reconstruira l’attractivité du métier d’enseignant".

3.000 étudiants stagiaires par an

Alors que 1.500 étudiants seront recrutés pour la rentrée 2019, la sélection est une question épineuse. Les critères sont encore flous, mais les étudiants devront être inscrits dans des disciplines déficitaires et les boursiers seront prioritaires.

À terme, 3.000 étudiants entreront dans le dispositif chaque année. L’exécutif s’attellera ensuite à un deuxième chantier : la réforme du concours, qui devrait passer du M1 au M2 en 2022. Une proposition rejetée en bloc par les syndicats. Le SNUipp-FSU plaide au contraire pour un concours en L3, avant une formation de deux ans alliant théorie et pratique. Actuellement, la formation est théorique lors du M1, puis pratique en M2. "Notre proposition reviendrait donc à les payer lors des deux années de master, contre une seule actuellement", souligne Francette Popineau pour expliquer le refus de cette proposition par le gouvernement. Le déplacement de ce concours induira également des changements dans les épreuves et dans le contenu du master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation).

Amélie Petitdemange | Publié le