L'université de Sherbrooke a fait du développement durable un outil de transformation

Propos recueillis par Sandrine Chesnel, notre envoyée spéciale à Sherbrooke Publié le
L'université de Sherbrooke a fait du développement durable un outil de transformation
Le vice-recteur au DD // © 
L'université de Sherbrooke est la seule université québécoise à avoir créé, en 2007, un poste de vice-recteur en charge du développement durable. Alain Webster, vice-recteur au développement durable et aux relations gouvernementales, revient sur l'engagement particulier de cette université des cantons de l'Est. Cet engagement a des répercutions concrètes sur la vie étudiante ou le mode de transport des salariés. Ces modèles de développement durable sont également porteurs auprès des entreprises. Dernier volet de notre série sur l'enseignement supérieur québécois.

Pourquoi l'université de Sherbrooke a-t-elle décidé de s'engager en faveur du développement durable ?
Depuis 2006, une loi du gouvernement du Québec oblige tous les organismes publics à s'engager dans le développement durable. Cette loi ne s'applique pas aux universités puisque nous sommes autonomes, mais à Sherbrooke , nous avons pensé que c'était l'occasion de réfléchir à la façon dont nous pouvions nous engager dans cette voie, tout en donnant une « couleur » à notre université. Désormais, notre couleur à Sherbrooke, c'est le vert ! Mais cet engagement va bien au-delà de notre réputation : nous sommes des gestionnaires qui ont le souci de bien dépenser leurs crédits de fonctionnement, et se préoccuper de développement durable, c'est aussi réfléchir à comment mieux dépenser son argent.

Par quels actes cet engagement se traduit-il ?
Un exemple concret : depuis 2000, nous avons connu une forte croissance du nombre d'étudiants accueillis (+ 3 à 5 % par an), pour arriver à 17.100 cette année. En conséquence, nos parkings ont commencé à se congestionner, et le nombre de demandes d'hébergement sur place a beaucoup augmenté [l'université de Sherbrooke est située en périphérie de la ville, NDLR]. Nous avons donc décidé de nous attaquer au problème de la mobilité des étudiants, mais plutôt que d'agrandir les parkings de l'université, nous avons choisi de permettre le libre accès des étudiants au réseau de transports en commun de la ville de Sherbrooke. Certes, cela nous coûte 1,3 million de dollars canadiens par an, mais, en échange, nous n'avons pas eu à construire de nouveaux parkings ou de nouveaux logements. Par ailleurs, les étudiants sont devenus beaucoup plus mobiles, ce qui profite aussi aux commerçants de la ville.

Vos actions en matière de développement durable portent donc principalement sur l'amélioration des conditions d'accès au campus et son aménagement...
En septembre 2008, les étudiants pouvant bénéficier du service de transports en commun gratuit, nous avons remplacé un parking de 200 places, dont celle du recteur, par un espace vert avec un système de récupération des eaux de pluie. Ce qui était un parking est devenu un lieu de vie où les étudiants s'installent, discutent.

Vous avez aussi encouragé vos salariés à prendre le bus, entre Montréal et Sherbrooke, en leur remboursant le trajet et en négociant un accès au wifi dans leur bus.
Le remboursement du trajet en voiture nous coûtait 140 dollars. Nous avons préféré négocier avec l'entreprise de transport afin qu'elle nous facture directement le coût du voyage. En échange de cette augmentation du nombre de voyageurs sur ses lignes, nous avons demandé au transporteur d'installer le wifi dans ses bus : désormais, plutôt que de passer 1 heure et demie au volant entre Sherbrooke et Montréal, nos salariés peuvent se reposer, discuter, surfer, etc. Les frais engagés sont moins élevés pour nous et en plus nous contribuons ainsi à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Quand on parle de développement durable, les gens pensent aux grands enjeux planétaires liés au changement climatique, mais le développement durable, c'est aussi comment améliorer le bien-être des individus, comment mieux vivre dans un milieu de vie plus agréable.

Y a-t-il des implications dans les parcours de formation des étudiants ?
Nous avons fait le pari de former des jeunes gens qui ont des connaissances en développement durable. L'idée est de former des « écocitoyens », des étudiants qui ne passeront pas toute l'année universitaire sur cette problématique, mais qui auront une connaissance minimale des enjeux de développement durable, et ce quel que soit leur domaine de formation.

Comment financez-vous ces projets ?
Nous avons augmenté le tarif de stationnement à l'année sur le campus, qui est passé de 175 à 250 dollars canadiens. Nous sommes aussi très attentifs au gaspillage d'énergie et, depuis janvier 2009, nous n'utilisons plus que du papier recyclé, et l'entreprise qui nous fournit est aussi celle qui recycle nos papiers usagers. Ensuite, nous avons conclu que ces projets étaient autant de dépenses qui pouvaient s'inscrire dans notre budget de fonctionnement alloué par le gouvernement du Québec, et qui s'élève à 300 millions de dollars par an. Enfin, nous pouvons aussi compter sur les donations : notre nouvel espace vert a été financé par un donateur, pour un million de dollars - ces modèles de développement durable sont porteurs auprès des entreprises.

Propos recueillis par Sandrine Chesnel, notre envoyée spéciale à Sherbrooke | Publié le