Devenir avocat : une reconversion professionnelle ouverte aux universitaires

Propos recueillis par Sophie de Tarlé Publié le
Devenir avocat : une reconversion professionnelle ouverte aux universitaires
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Luc Lauzet, responsable du service de l’exercice professionnel de l’ordre des avocats de Paris, regrette que si peu d’universitaires ne demandent à prêter serment pour devenir avocat. À peine une demande par an en moyenne. Les maîtres de conférences, les maîtres assistants et les chargés de cours sont pourtant dispensés de la formation à la profession d'avocat (mais pas de la maîtrise de droit). Il détaille pour Educpros les procédures actuelles.

Dominique de Villepin et Rachida Dati ont pu prêter serment sans avoir fait d’études d’avocat. Ont-ils bénéficié de passe-droits ?

Absolument pas. Ils ont bénéficié de procédures dérogatoires prévues par la loi. Pour Dominique de Villepin, il s’agit des dispositions de l’article 98 alinéa 4 du décret du 27 novembre 1991 qui permettent aux fonctionnaires de catégorie A titulaires d’une maîtrise en droit ou de l’ancienne licence en droit de devenir avocat. Et, pour Rachida Dati, les dispositions de l’article 97 alinéa 3 du décret précité qui permet aux magistrats de l’ordre judiciaire de s’inscrire au barreau en étant dispensés de la condition de diplôme prévue par la loi (maîtrise de droit) et sans avoir suivi la formation du CAPA (certificat d'aptitude à la profession d'avocat). En effet, certains professionnels peuvent, sur justifications de leur diplôme et/ou de leur pratique professionnelle, de huit ou cinq ans selon les cas, être dispensés du CAPA. Les demandes d’inscription d’hommes politiques sont rares.

Le flux principal provient des juristes d’entreprise. Certains ont perdu leur travail et le font par nécessité. Ils pensent qu’en devenant avocat, et donc en se mettant à leur compte, ils pourront ainsi gagner leur vie. D’autres, et c’est la plus grande majorité, y ont recours après avoir acquis une expérience au sein de services juridiques, expérience qu’ils apportent à un cabinet qu’ils intègrent. Il y a également des cadres des services des impôts en retraite qui souhaitent créer leur activité en devenant avocat fiscaliste.

En revanche, nous n’avons qu’une demande par an environ émanant de professeurs d’université. Ils sont assez frileux, pourtant ils peuvent tout à fait rester enseignant et développer une activité d’avocat en parallèle. La crise ne favorise sans doute pas les demandes.

« Il est dommage que si peu d’universitaires demandent à prêter serment pour devenir avocat »

Nous rejetons en moyenne une demande sur quatre, ce qui n’est pas énorme. Ainsi, sur 21.500 avocats du barreau de Paris, une centaine sont inscrits chaque année sur la base des dispositions dérogatoires. Mais c’est normal, devenir avocat demande certains sacrifices, c’est un investissement. Ainsi, on ne peut pas devenir avocat, qui est une profession indépendante, et diriger une société commerciale, et l’on doit être mis en congé de son statut de fonctionnaire, hormis les enseignants, qui sont autorisés à poursuivre parallèlement l'exercice de leur profession. C’est un pari sur l’avenir.

Quelles professions peuvent demander à devenir avocat ?

Certaines professions sont dispensées de la condition de diplôme (maîtrise de droit) et de la formation théorique et pratique du CAPA. Il s’agit des magistrats et des membres et anciens membres du Conseil d'État et des membres et anciens membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; des magistrats et anciens magistrats de la Cour des comptes, des chambres régionales des comptes et des chambres territoriales des comptes de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie ; des magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire et des professeurs d'université chargés d'un enseignement juridique ; des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation ; des avoués près les cours d'appel ; des anciens avocats inscrits à un barreau français et des anciens conseils juridiques.

Sont dispensés de la formation à la profession d'avocat – mais pas de la maîtrise de droit – les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, les anciens syndics et administrateurs judiciaires, les conseils en propriété, les maîtres de conférences, les maîtres assistants et les chargés de cours, s'ils sont titulaires du diplôme de docteur en droit, en sciences économiques ou en gestion ; les juristes d'entreprise ; les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A ; les juristes de cabinets d’avocats, les juristes des organisations syndicales… Je rappelle qu’il s’agit de conditions d’accès dérogatoires, le conseil de l’Ordre examinant chaque dossier pour vérifier si les conditions de diplômes, l’expérience professionnelle, de moralité et les futures conditions d’exercice sont réunies.

Quelle est la procédure à suivre ?

C’est très simple. Il faut en faire la demande auprès du barreau auprès duquel on veut exercer, pour Paris en remplissant un dossier téléchargeable directement sur le site du barreau, www.avocatparis.org. Ensuite, une fois que le candidat a rempli le dossier et envoyé les justificatifs (diplômes, fiches de paye, certificats de travail, casier judiciaire…), si l’avis est favorable, nous rendons notre réponse dans les deux mois qui suivent le dépôt du dossier.

Références : articles 97 et 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Propos recueillis par Sophie de Tarlé | Publié le