DEVINT : des élèves ingénieurs créateurs de logiciels pour déficients visuels

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Présenté aux Journées de l’innovation organisées par le ministère de l’Éducation nationale, les 28 et 29 mars 2012, le projet de l’EPU Polytech’Nice était le seul à impliquer à la fois des étudiants et des élèves d’âge scolaire. Tous les élèves ingénieurs de première année y participent à la création de logiciels pour des enfants déficients visuels. Et le projet crée du lien entre concepteurs et utilisateurs.

Ils sont “montés à Paris” pour l’occasion. Les 28 et 29 mars dernier, Pascale Benedetti, enseignante spécialisée, Jean-Paul Stromboni, maître de conférences à l’EPU Polytech’ Nice-Sophia et Romaric Pighetti, élève ingénieurs à Polytech’, sont venus de Nice pour exposer le projet DEVINT à l’UNESCO. DEVINT pour DEficients VIsuels et Nouvelles Technologies, est l’un des 29 projets sélectionnés cette année dans le cadre des Journées de l’innovation du ministère de l’Éducation nationale. “Notre projet a suscité l’enthousiasme de Claire Lovisi, rectrice de l’académie de Nice, présente lors de la 9e journée que nous avons consacrée à la déficience visuelle et aux nouvelles technologies en mai dernier. Il a fait partie de ceux que le CARDIE [conseiller académique recherche développement innovation expérimentation] de Nice a listé parmi les projets innovants envoyés à la direction générale de l’enseignement scolaire”, se réjouit Jean-Paul Stromboni. Une reconnaissance pour ce projet innovant, mais pas nouveau.

Au départ : Polytech’ accueille une élève aveugle

Tout a commencé il y a dix ans. “Nous avons accueilli pour la première fois une élève aveugle à l’école, et nous avons pris conscience des outils dont elle avait besoin et de la quasi absence de logiciels de jeux, notamment, adaptés à ce public”, se souvient Jean-Paul Stromboni. Depuis, Polytech’ organise chaque année, au mois de mai, une journée consacrée à la déficience visuelle et aux nouvelles technologies. Et l’ensemble des élèves de première année du département sciences informatiques de l’école se lancent dès le début d’année dans leur projet DEVINT, qui consiste à développer un jeu, une application, une synthèse vocale, ou tout autre moyen de rendre l’informatique plus accessible aux déficients visuels.

Une ouverture au handicap pour les futurs ingénieurs

Pour faire le lien entre créateurs et utilisateurs, le projet DEVINT s’est trouvé des partenaires : l’Institut Clément-Ader et l’École du Château à Nice, qui accueillent tous les deux des élèves déficients visuels. Une ouverture au handicap pour les futurs ingénieurs en informatique qui, pour la plupart, n’y avaient pas été sensibilisés avant. “Je n’avais aucune notion sur la déficience visuelle”, confirme Romaric Pighetti, actuellement en troisième année à Polytech’.
“Il ne suffit pas de fermer les yeux pour se mettre à la place d’un aveugle, poursuit Jean-Paul Stromboni, l’un des initiateurs du projet. Et ce n’est pas du tout pareil si vous êtes né ou si vous êtes devenu aveugle, ou encore si vous êtes malvoyant.” La notion de déficience visuelle recouvre en effet des réalités bien différentes. Des réalités que les concepteurs de logiciels se doivent de mieux connaître avant de penser des outils pour leur public.

Une conférence inaugurale sur la déficience visuelle

Les élèves ingénieurs ont désormais droit à une conférence inaugurale de Pascale Benedetti. Enseignante spécialisée à l’Institut Clément-Ader, elle s’occupe, depuis deux ans, du lien entre ces étudiants et les enfants déficients visuels, utilisateurs des logiciels créés pour eux dans le cadre du projet DEVINT. C’est à ce titre, elle intervient en début de projet devant les étudiants en première année à Polytech’. “Je leur présente ce que recouvre la notion de déficience visuelle, explique Pascale Benedetti. De nombreux déficients visuels ont un champ de vision réduit, un peu comme dans un canon de fusil ou un viseur, et pour eux, il ne sert à rien de dessiner une énorme étoile dans un logiciel de jeu pour malvoyant, par exemple.”

Une accessibilité transposable à d’autres problématiques

Comme l’enseignante spécialisée était auparavant formatrice dans l’informatique, elle explique également aux étudiants ce qu’il est possible de faire en termes d’interface. Et ce qu’il faut éviter. “Lorsqu’on a une vision floue, une interface surchargée ne convient pas du tout”, assure Pascale Benedetti. Et, comme souvent lorsque l’on se penche sur les questions d’accessibilité à telle ou telle situation de handicap, l’intérêt de ce qui est mis en œuvre peut dépasser le public cible. “Les interfaces simples des logiciels créés par les étudiants de Polytech’ pour des élèves déficients visuels peuvent également convenir à des élèves qui ont du mal à se concentrer”, illustre l’enseignante spécialisée. D’année en année, Pascale Benedetti contribue aussi à l’amélioration des logiciels proposés par les futurs ingénieurs. “Comme les élèves ont déjà utilisé de nombreux logiciels créés dans le cadre de ce projet, je fais également remonter leurs demandes d’améliorations et leurs envies lors de la conférence inaugurale”, poursuit Pascale Benedetti.

La rencontre avec les utilisateurs de logiciels

Romaric Pighetti se souvient avoir beaucoup appris au cours de cette conférence et également lors de sa rencontre avec les élèves de l’Institut Clément-Ader. “Avant, je ne savais pas du tout comment me présenter à une personne aveugle ou mal voyante. J’ai appris qu’il fallait créer un contact physique, en posant une main sur l’épaule par exemple”, précise l’étudiant. Et le projet DEVINT a également contribué à donner du sens à son travail d’ingénieur informaticien. “Grâce à la rencontre avec les utilisateurs, on prend conscience de l’utilité de ce que l’on fait. Ce travail sur des logiciels accessibles est même plus qu’utile, il est nécessaire”, conclut le jeune homme de 24 ans. Du coup, l’étudiant, qui a commencé à travailler sur ce projet en première année d’école d’ingénieurs, s’y investit toujours. “Deux heures par semaine sont prévues pour les projets DEVINT, mais la motivation des élèves est telle qu’ils s’investissent beaucoup plus. Entre nous, on appelle cela la ‘magie DEVINT’”, s’enthousiasme Jean-Paul Stromboni, Socrate de la pédagogie, qui “accouche les projets”.

Trouver de nouveaux partenaires

Outre la visite éclair et la poignée de main de Luc Chatel, ministre de l’éducation et de Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire, passés par le “boulevard des innovations” jeudi 29 mars, avant la remise du prix Edgar Morin dans une salle voisine, l’équipe du projet DEVINT a récolté quelques cartes de visites. “Le CARDIE de Marseille est venu nous voir sur le stand et va en parler dans son académie. Par ailleurs, un chargé d’inspection en Corse est intéressé par un partenariat avec une école du réseau Polytech’ à Corte”, annonce Jean-Paul Stromboni. Jeudi 29 mars, DEVINT n’a pas remporté de prix à l’issue des journées de l’innovation, mais les trois ambassadeurs du projet à Paris sont “redescendus eà Nice” avec, plus que jamais, l’envie de le faire partager au plus grand nombre.

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