Directrices ou présidentes : où sont les femmes ?

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Directrices ou présidentes : où sont les femmes ?
(ping.news/flickr) // © 
Les établissements du supérieur sont très proches des entreprises… en ce qui concerne la représentation des femmes à des postes à responsabilité. Aucune ne tient les rênes d’une grande école de commerce,  celles qui dirigent une école d’ingénieurs sont une poignée, et dans les universités, elles représentent 11,6 %  des présidents. Au sein des écoles ou des facs, on se  reconnaît, on se choisit, on s’élit entre hommes !

L’interrogation de la base de données du Groupe l’Etudiant,  qui recense tous les établissements d’enseignement supérieur publics et privés (soit près de 4 900), nous a  permis de repérer, à quelques jours de la Journée de la  femme du 8 mars, les directrices d’écoles, d’IUT ou de  lycées. Elles représenteraient près de 30 % des directeurs. Dans le détail, on les retrouve essentiellement  dans des établissements qui forment à des professions  féminisées : écoles d’art ou instituts de formation en soins infirmiers (environ 81 % de femmes les dirigent).  Seules dix femmes sont à la tête d’un IUT (qui sont près de 110).

Dans les lycées ayant des classes prépas et/ou des STS, on recense environ 25 % de femmes, sachant  qu’elles sont plus nombreuses à diriger un établissement  ayant des STS qu’un établissement avec des prépas. Autant de compétences qui plaident en faveur des  celles qui « trop souvent s’autocensurent, conscientes  avant tout des difficultés qu’elles vont rencontrer »,  remarque Josette Travert.

30 % des écoles sont dirigées par des femmes

« En vingt ans, j’ai  connu seulement trois directrices d’école de commerce, indique Christiane Tincelin, qui se compte  dans le lot en qualité, à l’époque, de directrice de l’ESC du Havre. Aujourd’hui, aucune n’est à la tête d’une des  34 écoles de commerce de la Conférence des grandes  écoles (CGE), même si certaines occupent des postes à responsabilité. Ce regrettable palmarès ne donne pas une bonne image de nos établissements », déplore- t-elle. Les écoles d’ingénieurs ne peuvent que faire  mieux avec… huit directrices sur un total de 220 écoles d’ingénieurs habilitées par la Commission des  titres d’ingénieurs (CTI) – un chiffre qui monte à 13  si l’on ajoute les 49 formations d’ingénieurs en partenariat.

Du coup, les femmes sont quasi absentes  des instances représentatives de ces établissements.  À la CGE, deux sont au bureau (dont une se retrouve  également à la Conférence des directeurs des écoles  françaises d’ingénieurs – CDEFI) et à la Conférence  des présidents d’université (CPU), trois présidentes   – sur un total de dix pour 86 universités – font partie de la commission permanente. « Cependant aucune  n’est vice-présidente », relève Florence Benoît-Rhomer,  présidente de l’université Strasbourg 3, déplorant  l’absence de parité à ce niveau de responsabilité. Comme ses consoeurs, elle constate que ces aréopages très masculins apprécient de travailler aux  côtés des femmes, mais à l’heure des nominations,  elles n’existent plus.

Des marches de plus en plus inaccessibles

« Les écoles  de commerce sont généralement rattachées à des CCI où les élus sont avant tout des hommes qui désignent d’autres hommes », confirme Christiane Tincelin, aujourd’hui directrice déléguée de l’École de management de Normandie. Dans les écoles d’ingénieurs, les candidates sont peu nombreuses et dans les  universités, « la reconnaissance des pairs, indispensable pour être élue présidente, n’est pas toujours évidente à obtenir pour une femme, qui se montre aussi moins sensible que les hommes aux honneurs du pouvoir », admet Florence Benoît-Rhomer.

« Dans mon université, on dénombre 28 % de femmes à la direction d’une composante, 20 % à la tête d’une équipe de recherche et 14 % président une commission de  spécialités, commente Josette Travert, qui assume   un deuxième mandat à la présidence de l’université  de Caen. Elles accusent un retard de carrière car le regard porté sur la répartition des tâches entre les  hommes et les femmes ne change pas. »

« Par deux  fois, je suis passée devant un jury pour passer du statut de maître de conférences à celui de professeur  des universités, sans succès, détaille Nadia Butterlin, directrice de l’ISIFC depuis vingt mois. Les motifs  ne sont pas donnés, mais je déplore que la parité ne  soit pas respectée. Je n’ai jamais été confrontée à une  femme membre de jury. Par ailleurs, un des critères  de sélection est le nombre de publications. J’ai eu trois  enfants, j’ai donc forcément moins de publications à  faire valoir que mes confrères. »  

Rares et précieuses

Comme dans le privé, la maternité revient comme un obstacle. « La présidence  d’université est un métier passionnant mais physiquement très éprouvant. Je suis sollicitée de toute part.  Heureusement que je suis solidement épaulée à la fois sur le plan de la vie privée et professionnellement », souligne Florence Rohmer. « Depuis que je suis à la tête  de l’ISIFC, je vois beaucoup moins mes enfants »,ajoute Nadia Butterlin qui, malgré tout, se représentera en juillet prochain.

Marie-Christine Creton accomplit, elle, son deuxième mandat à l’INSA Strasbourg. « La  fonction est usante, confirme-t-elle, mais… elle convient  bien aux femmes. » Celles qui sautent le pas révèlent  au quotidien des appétences indéniables pour le poste.  Florence Rohmer, qui s’est entourée d’une équipe restreinte comptant trois femmes  et deux hommes, apprécie la manière « dont les femmes gèrent les situations par la concertation ».  « Une femme est capable de faire dix  choses à la fois, elle sait aussi négocier et faire preuve d’autorité par la  persuasion plutôt  qu’en tapant du  poing sur la table », développe Marie-Christine Creton.

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