L’interrogation de la base de données du Groupe l’Etudiant, qui recense tous les établissements d’enseignement supérieur publics et privés (soit près de 4 900), nous a permis de repérer, à quelques jours de la Journée de la femme du 8 mars, les directrices d’écoles, d’IUT ou de lycées. Elles représenteraient près de 30 % des directeurs. Dans le détail, on les retrouve essentiellement dans des établissements qui forment à des professions féminisées : écoles d’art ou instituts de formation en soins infirmiers (environ 81 % de femmes les dirigent). Seules dix femmes sont à la tête d’un IUT (qui sont près de 110).
Dans les lycées ayant des classes prépas et/ou des STS, on recense environ 25 % de femmes, sachant qu’elles sont plus nombreuses à diriger un établissement ayant des STS qu’un établissement avec des prépas. Autant de compétences qui plaident en faveur des celles qui « trop souvent s’autocensurent, conscientes avant tout des difficultés qu’elles vont rencontrer », remarque Josette Travert.
30 % des écoles sont dirigées par des femmes
« En vingt ans, j’ai connu seulement trois directrices d’école de commerce, indique Christiane Tincelin, qui se compte dans le lot en qualité, à l’époque, de directrice de l’ESC du Havre. Aujourd’hui, aucune n’est à la tête d’une des 34 écoles de commerce de la Conférence des grandes écoles (CGE), même si certaines occupent des postes à responsabilité. Ce regrettable palmarès ne donne pas une bonne image de nos établissements », déplore- t-elle. Les écoles d’ingénieurs ne peuvent que faire mieux avec… huit directrices sur un total de 220 écoles d’ingénieurs habilitées par la Commission des titres d’ingénieurs (CTI) – un chiffre qui monte à 13 si l’on ajoute les 49 formations d’ingénieurs en partenariat.
Du coup, les femmes sont quasi absentes des instances représentatives de ces établissements. À la CGE, deux sont au bureau (dont une se retrouve également à la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs – CDEFI) et à la Conférence des présidents d’université (CPU), trois présidentes – sur un total de dix pour 86 universités – font partie de la commission permanente. « Cependant aucune n’est vice-présidente », relève Florence Benoît-Rhomer, présidente de l’université Strasbourg 3, déplorant l’absence de parité à ce niveau de responsabilité. Comme ses consoeurs, elle constate que ces aréopages très masculins apprécient de travailler aux côtés des femmes, mais à l’heure des nominations, elles n’existent plus.
Des marches de plus en plus inaccessibles
« Les écoles de commerce sont généralement rattachées à des CCI où les élus sont avant tout des hommes qui désignent d’autres hommes », confirme Christiane Tincelin, aujourd’hui directrice déléguée de l’École de management de Normandie. Dans les écoles d’ingénieurs, les candidates sont peu nombreuses et dans les universités, « la reconnaissance des pairs, indispensable pour être élue présidente, n’est pas toujours évidente à obtenir pour une femme, qui se montre aussi moins sensible que les hommes aux honneurs du pouvoir », admet Florence Benoît-Rhomer.
« Dans mon université, on dénombre 28 % de femmes à la direction d’une composante, 20 % à la tête d’une équipe de recherche et 14 % président une commission de spécialités, commente Josette Travert, qui assume un deuxième mandat à la présidence de l’université de Caen. Elles accusent un retard de carrière car le regard porté sur la répartition des tâches entre les hommes et les femmes ne change pas. »
« Par deux fois, je suis passée devant un jury pour passer du statut de maître de conférences à celui de professeur des universités, sans succès, détaille Nadia Butterlin, directrice de l’ISIFC depuis vingt mois. Les motifs ne sont pas donnés, mais je déplore que la parité ne soit pas respectée. Je n’ai jamais été confrontée à une femme membre de jury. Par ailleurs, un des critères de sélection est le nombre de publications. J’ai eu trois enfants, j’ai donc forcément moins de publications à faire valoir que mes confrères. »
Rares et précieuses
Comme dans le privé, la maternité revient comme un obstacle. « La présidence d’université est un métier passionnant mais physiquement très éprouvant. Je suis sollicitée de toute part. Heureusement que je suis solidement épaulée à la fois sur le plan de la vie privée et professionnellement », souligne Florence Rohmer. « Depuis que je suis à la tête de l’ISIFC, je vois beaucoup moins mes enfants »,ajoute Nadia Butterlin qui, malgré tout, se représentera en juillet prochain.
Marie-Christine Creton accomplit, elle, son deuxième mandat à l’INSA Strasbourg. « La fonction est usante, confirme-t-elle, mais… elle convient bien aux femmes. » Celles qui sautent le pas révèlent au quotidien des appétences indéniables pour le poste. Florence Rohmer, qui s’est entourée d’une équipe restreinte comptant trois femmes et deux hommes, apprécie la manière « dont les femmes gèrent les situations par la concertation ». « Une femme est capable de faire dix choses à la fois, elle sait aussi négocier et faire preuve d’autorité par la persuasion plutôt qu’en tapant du poing sur la table », développe Marie-Christine Creton.