Ma thèse en 180 secondes : comment les établissements ont entraîné leurs champions

Marie-Anne Nourry Publié le
Ma thèse en 180 secondes : comment les établissements ont entraîné leurs champions
Finale Champagne-Ardenne @ Ma thèse en 180 secondes // ©  Ma thèse en 180 secondes
Présenter son sujet de thèse en moins de trois minutes : c'est le casse-tête imaginé par le concours international "Ma thèse en 180 secondes" pour les doctorants. À l'approche de la finale française qui se tiendra à Lyon le 10 juin 2014, retour sur les stratégies des universités et des écoles pour préparer leurs poulains.

Après une première édition remarquée à l'université de Lorraine en 2013, une cinquantaine d'universités et écoles françaises ont décidé de se lancer dans l'aventure "Ma thèse en 180 secondes" pour l'édition 2014, sous la houlette de la CPU (Conférence des présidents d'université) et du CNRS. Comment les établissements ont-ils préparé leurs champions pour ce stand-up scientifique ?

Les comédiens entrent en scène

Représentation oblige, les coachs des établissements - le plus souvent les responsables de la communication scientifique - ont sollicité des comédiens. "Faire appel à des professionnels du théâtre a amené les candidats à se remettre en question, explique Nicolas Beck, responsable de l'équipe de culture scientifique de l'université de Lorraine. Ils ont appris à laisser un blanc après une phrase importante pour attirer l'attention ou encore à regarder leur auditoire dans les yeux. Ce qui est évident quand on travaille dans la communication ne l'est pas forcément quand on fait de la recherche."

À l'UEB (université européenne de Bretagne), Julien le Bonheur, responsable de la communication scientifique de Rennes 1, a travaillé avec un comédien d'improvisation, Laurent Mazé. "Le charisme ou l'enthousiasme, la capacité à transmettre la passion, c'est capital, et ça s'incarne par la voix, le corps, détaille-t-il. L'approche théâtrale aide à ménager le suspense, sans heurter le rythme de progression."

Face à un public, le contenu du discours ne représente que 5 % de la performance (M. Pouget)

L'université de Toulouse a également mis en place un binôme composé de Matthieu Pouget, comédien et docteur de l'université de Toulouse, et d'une spécialiste de la médiation scientifique, Julie Poirier. "Face à un public, le contenu du discours ne représente que 5 % de la performance. Pour l'accompagner, il faut un contenant en adéquation", souligne le comédien.

la formation des doctorants avant tout

"Nous avons vu une nette progression avec les doctorants les plus réservés, se réjouit Nicolas Beck. Si ceux qui ont des facilités à l'oral ont spontanément tenté leur chance, certains moins à l'aise avec l'exercice ont également voulu se lancer un défi".

"Le concours est anecdotique, souligne le représentant lorrain. Le but est la formation des doctorants". Les établissements ont le plus souvent mis en place dans ce cadre entre une et deux journées de coaching.

Pour placer directement les candidats face à un auditoire profane, ils ont pris le parti de mélanger les disciplines dans les groupes. "Il s'agit de vulgarisation scientifique donc l'idée était d'avoir l'œil le plus neuf possible sur le sujet", argue Alexia Benichou, fondatrice de l'agence de communication scientifique Agent Majeur, qui a formé les doctorants du campus Paris-Saclay.  

Benjamin Vest, lauréat Ile-de-France @ Ma thèse en 180 secondes
Benjamin Vest (Campus Paris-Saclay), lauréat Ile-de-France @ Ma thèse en 180 secondes


Côté coût, les établissements ont opéré des choix pour s'en tenir à des budgets raisonnables. Appel à une agence ou à un comédien, création de visuels de communication en interne ou à l'extérieur, réalisation des vidéos par un prestataire ou un partenaire... les formules ont été diverses.

L'UEB, par exemple, l'a intégré dans le cadre des Doctoriales, ce qui lui a permis de "réduire considérablement le budget". Elle a également bénéficié d'un partenariat média avec Docteo, qui a réalisé les vidéos. L'université de Toulouse, qui a fait appel à un prestataire extérieur pour la vidéo, en a eu pour 3.000 euros. Quant à l'intervention d'un comédien lors de la formation des doctorants, cela a représenté pour l'institution environ 750 € la journée.

Le recrutement des candidats

Si les universités qui ont reçu un petit nombre de candidatures ont pu offrir la formation complète à l'ensemble des doctorants, ceux qui ont rencontré plus de succès ont dû opérer une présélection et proposer un coaching approfondi uniquement aux auteurs des meilleures présentations.

En Bretagne, la participation au concours était obligatoire pour la centaine de doctorants inscrits aux Doctoriales, qui ont tous suivi une formation de trois heures. À l'issue de cette formation, huit groupes de 12 doctorants ont été établis. Ils se sont écoutés les uns les autres et ont choisi leur représentant, qui a été coaché une demi-journée supplémentaire avant la finale régionale.

L'instant et l'énergie qu'on y met peuvent tout changer (A. Benichou)

Le campus Paris-Saclay, qui avait reçu 130 candidatures, a opéré, quant à lui, une présélection des doctorants à partir d'un fichier audio de trois minutes. "Dans un premier temps, nous avons dispensé une formation d'une demi-journée à l'ensemble des candidats, explique la fondatrice d'Agent Majeur, l'objectif étant de leur transmettre une méthode, des trucs et astuces pour communiquer clairement et réussir à tenir le discours en trois minutes."

Suite à cette étape, les doctorants de Paris-Saclay ont enregistré un premier jet de leur discours sur un fichier audio, et le campus a sélectionné les 20 meilleurs, qui ont reçu une journée de formation supplémentaire.

"Le doctorant qui a remporté la finale francilienne n'avait obtenu 'que' le deuxième prix lors de la sélection à Saclay, note Alexia Benichou, signe que l'instant et l'énergie qu'on y met peuvent tout changer." Avis aux 15 candidats qui se préparent pour la finale nationale du 10 juin 2014 : les jeux sont ouverts !

Un démarrage en douceur
Beaucoup d'universités et d'établissements ont reçu cette année un nombre de candidatures très inférieur à l'objectif qu'ils s'étaient fixé. 25 inscriptions confirmées à l'université de Lorraine ou encore seulement 15 à l'université de Toulouse.

"C'était sur une première et l'événement est arrivé tard, nous n'en avions donc pas fait la publicité dans les écoles doctorales", relativise-t-on dans la ville rose. Avec un total de 4.300 doctorants et une publicité qui démarrera dès la rentrée 2014, la Comue toulousaine espère enregistrer un meilleur score l'année prochaine. Tout comme les autres institutions.

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