Écoles d’ingénieurs : doubles diplômes, un réel atout pour les recruteurs ?

Delphine Dauvergne Publié le
Écoles d’ingénieurs : doubles diplômes, un réel atout pour les recruteurs ?
Remise des diplômes de l'Esilv, en 2013. // ©  Esilv
Les écoles d’ingénieurs offrent de plus en plus à leurs élèves la possibilité d'obtenir un double diplôme pour répondre à la demande des entreprises. Si ces profils bénéficient souvent d'une meilleure insertion professionnelle – déjà très bonne pour les jeunes ingénieurs –, ils ont surtout des progressions de carrière plus rapides.

Aujourd'hui, 34% des ingénieurs possèdent un deuxième diplôme de niveau égal ou supérieur au master, selon l'enquête 2014 d'IESF (Ingénieurs et scientifiques de France). Une tendance qui devrait se poursuivre, car désormais plus de la moitié des écoles d'ingénieurs proposent des doubles diplômes à leurs élèves.

"Les écoles se préoccupent de plus en plus du projet de professionnalisation des jeunes en élargissant leur palette de formations", estime Étienne Craye, coprésident de la commission formation et société de la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs). Selon le directeur de l'Esigelec, le double diplôme permet aux élèves de "montrer de la maturation et de la motivation pour une spécialité, c'est un atout auprès des recruteurs".

Le double diplôme le plus courant ? Ingénieur-manager. 90% des écoles qui proposent le double sésame ont choisi de s'allier avec une école de commerce car elles ont compris que les entreprises étaient très friandes de ces profils.

Un label de "motivation"

Pour Valérie Ader, administratrice de Syntec Conseil Management, "les doubles diplômés ingénieurs-managers démontrent déjà par ce choix qu'ils s'intéressent à ces métiers, c'est une sorte de label qui prouve leur intérêt et leur motivation". Selon cette représentante du syndicat professionnel pour les activités de conseil en management, ces profils permettent aussi de "donner une richesse aux équipes, certains membres ayant une vision plus large du monde de l'entreprise".

Les ingénieurs évoluent dans un environnement souvent très hétérogène et peuvent être amenés à travailler avec des commerciaux, des architectes ou encore des économistes. "Une double compétence les aidera pour leur immersion, car ils sont à l'interface de plusieurs métiers", argumente Étienne Craye. Ils s'adaptent ainsi plus facilement dans des univers où le travail collaboratif est très présent.

Plus de compétences, salaire plus élevé ?

"Un ingénieur-manager a une plus grande ouverture d'esprit. Il est plus rapidement opérationnel sur certains sujets. Son salaire est donc chez nous de 10 à 20% plus élevé que celui des autres jeunes diplômés, car il progresse plus vite dans l'entreprise", justifie Pierre-Alexis Durand, directeur général de Nexton Consulting, un cabinet de conseil en systèmes d'information.

Le double diplôme est cependant loin de procurer partout un meilleur salaire à l'embauche. Ce n'est pas le cas chez Eurovia, filiale de Vinci. "Au-delà du diplôme, les aptitudes personnelles prennent une place importante dans nos recrutements. Un bon relationnel et le sens des responsabilités sont des qualités importantes dans nos métiers", insiste Émilie Dondain, responsable du développement RH en France.

Ainsi, les doubles diplômés "ne bénéficient pourtant pas d'une meilleure insertion professionnelle, mais plutôt de meilleures conditions d'emploi (statut de cadre, CDI, salaire...)", affirme Pierre Lamblin, directeur du département études et recherche de l'Apec. Mais ce double sésame permet d'évoluer plus rapidement au sein de l'entreprise, d'obtenir plus de responsabilités et les augmentations qui vont avec. Ainsi, selon l'enquête 2014 de l'IESF, le salaire médian d'un double diplômé ingénieur-manager, tous âges confondus, est de 75.000 €, contre 55.200 € en moyenne. Mais celui d'un double diplômé de deux écoles d'ingénieurs n'est supérieur que de 100 € au salaire d'un ingénieur ayant un seul diplôme.

"un bagage supplémentaire réfléchi"

Pour Vincent Mattei, responsable recrutement et mobilité France de Thales, "ce bagage complémentaire était auparavant surtout apporté par le biais de la formation en interne". Désormais, les entreprises pourront faire quelques économies en embauchant des jeunes déjà formés au management.

Si les écoles répondent aux besoins des entreprises en matière de double compétence, les recruteurs interrogés partagent tous l'avis de Vincent Mattei : "Il ne faut pas que ces doubles diplômes deviennent une norme, il faut qu'ils restent un complément, un bagage supplémentaire réfléchi ; on embauchera toujours des ingénieurs et des managers." Bien accueillis par les entreprises, les doubles diplômés, aux compétences enrichies, ne se voient pas pour autant dérouler le tapis rouge.

Delphine Dauvergne | Publié le