Du chômage chez les infirmiers : la réforme des études en partie responsable

Virginie Bertereau Publié le
Phénomène nouveau dans le secteur paramédical : des infirmier(e)s ne trouvent pas d'emploi. Si les coupes budgétaires dans les établissements de santé sont en cause, le problème est aussi lié à la réforme des études de 2009.

Du chômage chez les infirmiers, une situation inédite. Depuis des années – et paradoxalement encore aujourd'hui – les besoins en personnels se font cruellement sentir. À l'origine de cette pénurie : une population française vieillissante qui nécessite des soins, la baisse du nombre de médecins et le départ massif à la retraite des baby-boomers.

Pourtant, depuis le mois de juillet 2012, de nombreuses remontées du terrain font état d'infirmier(e)s sans emploi, notamment des jeunes diplômés. Le 29 octobre 2012, une page "Infirmier(e)s au chômage" a même été ouverte sur Facebook. Les témoignages ont afflué. Idem sur les forums du site Infirmiers.com.

Deux promotions en une

Le phénomène est avant tout conjoncturel. Première explication : "2012 est une année un peu spéciale car deux promotions de jeunes diplômés sont arrivées sur le marché de l'emploi, à trois mois d'intervalle. La moitié (ceux qui n'ont pas vécu la réforme du cursus) est sortie après 3 ans et 3 mois d'études, l'autre moitié (ceux qui ont vécu la réforme) est sortie après 3 ans. Résultat : 44.000 jeunes diplômés ont cherché du travail quasiment en même temps au lieu des 22.000 habituels", analyse Stéphane Volleau, responsable communication et marketing chez Appel Médical, une entreprise de recrutement et de travail temporaire dans le milieu de la santé, membre du groupe Randstad France.

Restrictions budgétaires

Seconde explication : la crise économique et donc les coupes budgétaires. "Les remplacements se font moins ou sur une durée plus courte, notamment dans les CHU (centres hospitalo-universitaires) qui proposent des contrats de trois mois au lieu de six auparavant selon les budgets qu'on leur a accordés", indique un responsable d'une agence de recrutement et d'intérim spécialisée dans la santé en Bretagne.

"Les hôpitaux de Lorraine préfèrent recourir ponctuellement à des retraités ou payer des heures supplémentaires qu'embaucher des nouveaux infirmiers. Pour ma part, j'ai cherché un emploi pendant un mois avant d'être prise à la clinique Louis-Pasteur à Essey-lès-Nancy", témoigne Gaëlle Guérioune, infirmière diplômée en juillet 2012.

Une crise durable ?

A priori, "le marché va se remettre naturellement en début d'année 2013 puisqu'il n'y a pas eu de nouvelle promotion de diplômés en novembre. Il faudra attendre ce moment-là pour analyser la tendance", pronostique Stéphane Volleau. Une crise qui perdurerait irait à l'encontre des projections du ministère de la Santé (lequel n'a pas répondu à nos questions sur le sujet) sur l'évolution du nombre et de la densité des infirmiers en activité d'ici à 2030 (pdf).


Des régions plus ou moins touchées

Le grand Sud, Paris (Île-de-France) et d'une manière générale les métropoles semblent pour le moment épargnées par ce phénomène de chômage chez les infirmiers. Autrement dit, les zones plus densément peuplées en professionnels de santé... et en patients. La situation dans le Nord, notamment en Bretagne, est plus problématique. Le numerus clausus à l'entrée de formation (31.162 en 2012-2013) est pourtant censé être fixé selon les besoins de chaque région. Mais les mouvements des jeunes diplômés, libres de postuler là où ils le souhaitent, ne sont pas pris en compte.

Virginie Bertereau | Publié le