Échec de l'Idex de Montpellier : ambiance explosive entre les universités

Camille Stromboni Publié le
Échec de l'Idex de Montpellier : ambiance explosive entre les universités
Le fossé se creuse entre les universités du Languedoc-Roussillon, qui s'opposent sur la stratégie à suivre dans la compétition de l'Initiative d'excellence. // ©  UM2
Après le nouvel échec de l’Idex de Montpellier, l’heure est au règlement de comptes entre les universités du Languedoc-Roussillon, qui restent en total désaccord sur la stratégie à mener.

Rien ne va plus à Montpellier. L’Idex portée par l’université de Montpellier fait partie des quatre projets retoqués par le jury de l’Initiative d’excellence, le 22 janvier 2016.

Un troisième échec pour décrocher les "millions" des Investissements d'avenir dont la résonance est toujours plus douloureuse : les tensions entre les universités du site ne cessent de croître.

Montpellier 3 au banc des accusés

Du côté de Philippe Augé, président de l’université de Montpellier, qui a repris en main le dossier à la place de la Comue (Communauté d’universités et établissements) après le succès à la présélection d’avril 2015, l’analyse de l’échec est double. "Le jury n’a peut-être pas perçu l’importance des nouveaux secteurs mis en avant", juge-t-il.

Mais l’universitaire accuse surtout sa consœur Montpellier 3. "Nous avons eu des questions [lors de l’audition de sélection] qui pointaient clairement vers l'absence des 'humanités', décrit-il. Et, à travers ces questions, le fait qu'il y ait une seconde université sur le site de Montpellier qui soit restée hors de la dynamique de fusion." La fusion intervenue sur le site montpelliérain le 1er janvier 2015 a eu lieu entre Montpellier 1 et 2, sans la troisième université du territoire, qui n'a pas souhaité y participer.

"Je reste persuadé que si l'université Paul-Valéry Montpellier 3 avait rejoint la bannière unique 'Université de Montpellier', cela aurait constitué un élément majeur en faveur de la visibilité et du rayonnement du site", poursuit-il.

l'hégémonie du mastodonte montpelliérain en question

Une attaque contre laquelle l’établissement de sciences humaines et sociales se défend avec véhémence. "Cela suffit de remettre la faute sur les autres, c’est trop fort, s’énerve Anne Fraïsse, présidente de Paul-Valéry. L’université de Montpellier a décidé, dans l’entre-deux-tours, de nous exclure du projet d'Idex. Elle a sorti Nîmes et Perpignan, ainsi que la Comue (Communauté d’universités et établissements) Languedoc-Roussillon, porteuse du projet qui avait pour la première fois été retenu par le jury. Et maintenant, on voudrait nous expliquer que c’est à cause de nous si cette stratégie aboutit à un échec !"

Université Paul Valéry Montpellier 3 - ©C.Stromboni - avril 2014 (4)

"Faire de Montpellier 3 le bouc émissaire... La ficelle est trop grosse et malhonnête, renchérit Fabrice Lorente, à la tête de l’université de Perpignan. Nous avons prévenu l'université de Montpellier depuis le début : ils font fausse route depuis qu'ils ont décidé de sortir trois des quatre universités du territoire. Ils ont justifié ce putsch en nous affirmant qu'il y avait un problème de gouvernance avec la Comue, ce nouvel échec prouve que leur stratégie n’est pas la bonne."

"Ils doivent maintenant en tirer les conséquences, et arrêter de n'en faire qu'à leur tête de manière hégémonique, ajoute le président de Perpignan. Il faut tourner la page. Nous sommes évidemment volontaires pour revenir autour de la table, derrière la Comue." Contacté par EducPros, Emmanuel Roux, président de l'université de Nîmes et administrateur provisoire de la Comue Languedoc-Roussillon Universités, n'a pas donné suite.

Une situation bloquée

Une hypothèse qui semble cependant plus qu'improbable. L'université de Montpellier défend toujours le même périmètre pour repartir dans la nouvelle et dernière vague de sélection de la compétition.

"Le fait que le projet ait été porté par l’université de Montpellier, associée à un consortium de 19 partenaires (établissements et organismes de recherche) dans le cadre d’une gouvernance intégrée, n’a pas suscité de questions de la part du jury, balaie le président montpelliérain. C’est une solution qui semble acceptée comme un principe acquis de bonne gouvernance du projet."

Et d'ajouter : "Le consortium a vocation à rester dans sa composition actuelle et le portage du projet à être assuré par l'université de Montpellier".

Quant à savoir dans quelle catégorie y retourner – Idex ou Isite – la réflexion est en cours entre partenaires et la décision n’est pas encore prise, précise Philippe Augé. Le jury avait en effet recommandé au projet montpelliérain de prétendre à un Isite plutôt qu’à un Idex, en avril dernier. Recommandation que n’a pas suivie le candidat.

Mais désormais, Philippe Augé penche pour repartir avec "des projets d’Isite sur quelques grands domaines d’excellence bien identifiés". "C'est l'option qui me semble la plus crédible pour le site quand on sait que dans cette nouvelle vague de sélection Idex, il va y avoir des poids lourds qui seront à nouveau dans le jeu comme Lyon et Lille", explique-il.

L’État doit désormais jouer son rôle et inciter fortement l'université de Montpellier à revenir à un projet collectif.
(F. Lorente)

Le site en péril

"L’université de Montpellier persiste et signe, dans cette configuration restreinte. On va vers un nouvel échec annoncé. Même pour un Isite, ce n'est pas sûr qu'ils y arrivent", juge Anne Fraïsse.

"L’État doit désormais jouer son rôle et inciter fortement l'université de Montpellier à revenir à un projet collectif, réagit Fabrice Lorente. En arrêtant le double discours : on est encouragé à se fédérer pour le contrat de site et la construction des Comue, mais pour l'Idex, l'État est d'un silence assourdissant. On a même pu entendre que ce choix de Montpellier d'y aller seul n'était pas un si mauvais choix, que ça pourrait être un pari gagnant..."

Pour Anne Fraïsse, au-delà de l'Idex, qui n'est pas forcément une question fondamentale, c’est la politique du site qui est en jeu. "Le plus urgent est de sortir de cette impasse, estime-t-elle. Sachant que nous appartenons désormais à une grande région [Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon], avec un autre site important, Toulouse, où la Comue fonctionne !"

Le regard se tourne aussi vers Toulouse pour le président de Perpignan. "Nous travaillons de plus en plus ensemble, avec un respect mutuel et beaucoup de facilités, c’est une bouffée d’oxygène, reconnaît-il. Si l’état d’esprit montpelliérain ne change pas, nous allons mettre notre énergie ailleurs."

L'Université de Lille, second Idex malheureux
Le pôle lillois accuse lui aussi difficilement le coup de l'échec à l'Idex 2016. Mais très différemment : si aucune dissension n'apparaît entre les acteurs pour l'instant, c'est l'incompréhension qui domine face aux premiers retours du jury.

Lire notre interview : Échec de l'Université de Lille à l'Idex : "J’attends que l'on m’explique"

Camille Stromboni | Publié le