Réforme du bac : "avoir un socle solide pour mieux réussir dans le supérieur" (E. Geffray)

Thibaut Cojean Publié le
Réforme du bac : "avoir un socle solide pour mieux réussir dans le supérieur" (E. Geffray)
A la fin du premier trimestre de son application, le directeur général de l'enseignement scolaire fait le point sur la réforme du bac. // ©  Sam Edwards/Deepol/Plain Picture
Un trimestre après la mise en application de la réforme du bac, les formations du supérieur se préparent encore à l'arrivée de nouveaux profils d'étudiants, en 2021. Pour Edouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire, cette diversification favorisera la réussite des élèves, malgré l'abandon d'une spécialité entre la première et la terminale.

L’une des ambitions de la réforme du bac est de diversifier les profils de lycéens. Quelle incidence cela va avoir sur la poursuite d’études ?

La diversification des profils n’est pas une ambition de la réforme, mais plutôt la conséquence. La réforme permet à chaque lycéen de choisir le cursus qui lui correspond le mieux. C’est-à-dire de choisir des spécialités qui correspondent à ce qu'ils sont, à ce qu'ils aiment et à ce qu'ils ont envie de faire. Là où il y avait des jeunes qui faisaient S, ES ou L en voie générale et qui sortaient avec un parcours à l’image "uniforme", nous avons maintenant des jeunes qui auront des profils très différents et choisis. Ainsi le supérieur va recruter des étudiants plus diversifiés et qui auront pour chaque spécialité un niveau de connaissances et de compétences plus élevé que ce qui était le cas jusqu’à présent.

Edouard Geffray
Edouard Geffray © Photo fournie par le témoin

Vous parlez d’un niveau plus élevé, mais dans le cas des maths, est-ce que le niveau n’est pas trop difficile pour des élèves qui auraient auparavant choisi ES et donc des maths à un niveau plus abordable ?

Quand je dis que le niveau est plus important, c’est parce que chacun peut approfondir ses spécialités. Mais nous pouvons avoir des élèves qui considèrent que le niveau de certaines spécialités est trop élevé par rapport à ce à quoi ils s’attendaient. Dans ce cas il faut retenir deux choses.

Premièrement, on ne choisit pas une spécialité par sécurité en espérant "s’en sortir" quand même : le but est bien de répondre aux appétences de l’élève. Deuxièmement, on ne garde pas les trois spécialités en terminale. Donc si un lycée a une spécialité qui lui correspond moins en première, il pourra ne pas la prendre en terminale.

D’ailleurs, pourquoi abandonner une spécialité entre la première et la terminale ?

Nous ne pouvons pas demander à des élèves de terminale d’avoir 45 heures de cours par semaine. Donc si nous voulons un niveau assez poussé dans les spécialités, il faut pouvoir avoir un volume horaire suffisant.

Donc vous avez préféré approfondir deux spécialités plutôt qu’en couvrir trois ?

Nous venons d’un univers dans lequel les jeunes étaient obligés de tout garder. Celui qui n’aimait qu’une partie était tenu de suivre le tout. Aujourd’hui celui qui est attiré par cette partie peut la creuser. Et ce n’est pas rédhibitoire pour celui qui est attiré par le tout, puisque ce n’est pas parce qu’il n’a pas suivi une spécialité pendant un an qu’il ne peut pas ensuite la retrouver dans le supérieur. Le but est d’avoir un socle solide et la possibilité d’approfondir ce qu’on aime, pour mieux réussir ensuite dans le supérieur.

Votre question est posée sous la forme : "Que se passera-t-il s’il y a un manque ?", mais, par rapport au supérieur actuel, notre démarche est différente. Nous voulons que les lycéens s'intéressent à ce qu'ils ont envie d'approfondir. Et par ce mot nous voulons leur demander s'ils sont prêts à approfondir suffisamment une matière pour faire quatre heures en première et six heures en terminale avec l'objectif de réussir leur bac et préparer la suite ?

Je pense qu’il ne faut pas inquiéter les élèves et futurs étudiants en disant "attention, il va manquer quelque chose", car tout le monde sera dans la même situation, avec deux spécialités. Personne ne manquera de rien et les jeunes compléteront ensuite dans le supérieur. La réforme du lycée inscrit l’élève dans une continuité entre le lycée et les études supérieures.

Le but est d’avoir un socle solide et la possibilité d’approfondir ce qu’on aime, pour mieux réussir ensuite dans le supérieur.

Doit-on attendre des effets de la réforme sur les effectifs de bacheliers technologiques ? On voit par exemple que la filière STI2D a perdu des élèves...

Une nouvelle fois, ce n’est pas le but recherché, d’autant que la voie technologique est essentielle en termes d’études et de métiers préparés. La diversification du panel de possibilités a un effet de vases communicants, qui n’est probablement pas à sens unique et n’a pas vocation à l’être. On parle trop de la voie générale par rapport aux voies technologiques professionnelles. Il y a un effort à faire sur la communication, et pas seulement de la part du ministère, pour que chacun ait conscience de l’ensemble du panel.

Il semblerait aussi que des élèves, attirés par la spécialité biologie-écologie, se soient dirigés vers des lycées agricoles. Les jeunes sont demandeurs d’écologie aujourd’hui. Est-il envisagé d’insérer ce sujet dans les programmes du lycée général ?

Tous les programmes du lycée intègrent désormais les enjeux environnementaux et de développement durable. Cependant, concernant la perspective d'avoir d’une spécialité, il est trop tôt pour répondre, mais j’enregistre la question.

Doit-on s’attendre à un taux de réussite en baisse ou en hausse au bac 2021, ce qui impacterait le nombre d’étudiants ?

Ni l’un ni l’autre, il n’y a pas d’objectif numérique. D'ailleurs, nous ne parlons pas de chiffres mais de personnes. L’objectif est de porter tous les élèves à un niveau qui leur permette de passer le bac et de découvrir leur plein potentiel. Notre devoir est de les accompagner dans leurs réussites respectives.

Comment travaillez-vous avec le post-bac sur les attendus et l’accompagnement des élèves qui auront besoin de rattraper des cours ?

Ils n’auront pas de cours à rattraper car cela supposerait qu’ils ont une lacune, or ils n’en auront pas. Ce n’est pas une logique de rattrapage, mais d’élargissement des compétences.

La Dgesco et la Dgesip, à la demande des deux ministres, travaillent ensemble, avec la CPU, les CPGE, la CGE, l’ONISEP, etc. D’abord pour bien qualifier les attendus et notamment moderniser et densifier le site Horizons 2021 (le site a été mis à jour depuis la réalisation de cette interview, NDLR). Ensuite pour voir comment les formations du supérieur pourront conserver et élargir leur ouverture à des profils différents via des formations modulaires. C’est en cours de travail.

Les attendus seront connus en temps utile pour permettre aux élèves d’affiner leurs choix de spécialités, même si ce n’est pas la seule clé d’entrée. L’adaptation du supérieur regarde les établissements, mais ils ont 18 mois pour la mettre en œuvre.

La réforme a été mise en place de manière très rapide, au point que les professeurs ne sont toujours pas en mesure de donner les informations demandées par leurs élèves. Pourquoi avoir précipité le calendrier ?

Quand vous voyez que 60% des étudiants n’arrivent pas à faire une licence en trois ans ou que les jeunes rentrent parfois dans des filières pour des raisons sociales ou familiales, je ne pense pas qu’on ait précipité la réforme. D’autant plus quand on voit le degré d’appropriation par les élèves.

La moitié d’entre eux ont choisi des bouquets de spécialités qui ne correspondent pas aux anciennes sections dans la voie générale. Je veux bien qu’on dise qu’on le fera une ou deux générations plus tard, mais une génération c’est 800.000 jeunes et je suis content qu’on ait pu offrir tout cela à 800.000 personnes plus tôt.

Thibaut Cojean | Publié le