Les EdTech, nouveau terrain de jeu des écoles de management françaises

Eva Mignot Publié le
Les EdTech, nouveau terrain de jeu des écoles de management françaises
Ed Job Tech sera le nom du nouvel accélérateur de l'EM Lyon dédié aux questions d'éducation et de formation. // ©  Stephane AUDRAS/REA
Transformer leurs missions et leur modèle économique : plusieurs écoles de commerce hexagonales – Neoma, GEM, l'EM Lyon – choisissent de miser sur les start-up EdTech. Tour d'horizon des initiatives déjà mises en place.

Après l’annonce du lancement de l’accélérateur de Neoma en février 2018, c’est au tour de l’EM Lyon de parier sur les start-up des technologies de l’éducation. Nom de code : Ed Job Tech. L’école de commerce lyonnaise vient d’investir dans un accélérateur dédié aux projets touchant aux questions d’éducation et de formation, mais aussi plus largement à l’employabilité, leur finalité.

"Ce dispositif va nous permettre d’accélérer la transformation de notre modèle. Les EdTech révolutionnent la pédagogie, aussi bien en termes de modularité que de performance et de transparence", justifie Michel Coster, professeur en entrepreneuriat et innovation et directeur de l’accélérateur.

Quant au choix de créer un accélérateur, c’est un moyen, à travers le lancement d’un "appel à projets de donner davantage de visibilité aux investissements réalisés, tandis que l’accompagnement de ces start-up concourra à leur pérennisation", poursuit-il. L’accélérateur devrait accueillir une dizaine de start-up dès la rentrée 2018. Les projets seront sélectionnés pendant l’été, après un premier examen sur dossier, puis un passage devant un jury pour les plus prometteurs.

Un accompagnement de six mois à un an

L’école a prévu un programme d’accompagnement de quatre modules se déroulant sur six mois. Le premier, le "use lab", sera dédié à l’étude des usages. Le second, le "tech lab", portera, comme son nom l’indique, sur les choix technologiques de la start-up. Le "business lab" accompagnera les entreprises dans la construction de leur business model et dans l’accès au marché et aux investisseurs. Enfin, le "talents lab" aux jeunes pousses donnera des clefs pour travailler leur leadership et réussir leur croissance.

Six mois supplémentaires pourront être consacrés au "follow-up", une phase de suivi et de test, réalisable sur l’un des campus à l’étranger de l’école, à Casablanca, Shanghai et bientôt peut-être en Inde, à Hyderabad. "C’est pour elles une rampe de lancement à l’international", assure Michel Coster. "Avec l’existence d’une preuve de concept et d’un potentiel de projet, l’ambition internationale des start-up est d’ailleurs un des critères de sélection pour l’entrée dans l’accélérateur", ajoute-t-il.

Une participation au capital des start-up

À terme, il s’agit d’utiliser ces solutions pour faire évoluer son modèle pédagogique, mais aussi d’obtenir un retour sur investissement.

En effet, l’intérêt de l’école rhodanienne pour les EdTech est aussi économique. Elle prévoit, à partir de l’automne 2018 et du début d’année 2019, de prendre une participation qui pourra atteindre jusqu’à 100.000 euros dans les entreprises "early-stage". Puis, dans un second temps, entre 500.000 et 2 millions d’euros, via un fonds d’investissement en cours de création auquel sera adossé l’accélérateur.

Il n’existait rien de semblable en France ni même en Europe : il y avait donc de la place pour créer un incubateur.
(D. Gallot)

À Neoma, un accélérateur davantage axé sur la pédagogie

Mais elle n’est pas la seule à s’intéresser au secteur. Avec une unité dédiée à la pédagogie innovante et des cours en réalité immersive, Neoma a très tôt parié sur l’éducation 2.0. Lorsque l’école a choisi de créer un accélérateur pour compléter son incubateur et améliorer le service étudiant, c’est donc vers les EdTech qu’elle s’est tournée.

"Quand nous avons fait notre étude de marché il y a un an et demi, nous avons repéré aux États-Unis 25 accélérateurs spécialisés dans ce domaine. Il n’existait rien de semblable en France ni même en Europe : il y avait donc de la place pour en créer un", raconte Denis Gallot, directeur du Startup Lab de Neoma.

Si Denis Gallot prévoit un recrutement national et international d’entreprises sur le court terme, l’école cherche aussi à pousser les étudiants eux-mêmes à lancer des projets, qui rejoindraient l’incubateur, puis l’accélérateur maison. "Nous allons organiser des hackathons et des start-up week-ends pendant lesquels nous allons leur demander de réfléchir sur des manières d’apprendre différemment" poursuit le directeur du Startup Lab.

Mais deux accélérateurs spécialisés ne risquent-ils pas de se cannibaliser alors sur un marché EdTech hexagonal finalement très réduit – 300 à 400 start-up seulement, selon les estimations de Neoma ? Pour Denis Gallot, la réponse est non. "90 % des technologies que l’on va utiliser dans cinq ans n’existent pas encore." L’innovation dans les EdTech devrait croître et le nombre de start-up dédiées avec.

Il n’y a pas encore de Facebook de la EdTech. Il y a une place à prendre.
(J.-C. Hauguel)

Deuxième saison du programme EdTech Factory à GEM

Si elle n’a pas choisi la forme de l’accélérateur, Grenoble École de management a aussi fait le pari des EdTech pour transformer son modèle pédagogique. Avec le programme EdTech Factory, les start-up sélectionnées testent leurs solutions au sein de l’établissement et de son réseau de partenaires, tout en bénéficiant d’un accompagnement par des experts "maison".

"Au bout de deux mois, soit nous décidons de renouveler la phase d’expérimentation, soit nous évoluons vers une forme de contractualisation et l’école devient un client, soit nous nous quittons bons amis", expose Jean-François Fiorina, directeur adjoint de GEM.

La première saison de la EdTech Factory vient de s’achever et un nouvel appel à candidatures a été lancé. De sa première expérience, l’école a déjà tiré plusieurs enseignements comme la nécessité de créer des équipes mixtes (école et start-up) pour travailler plus efficacement ou de faire preuve de patience avant d’obtenir des résultats probants.

"Il n’existe pas encore de Facebook de la EdTech. Il y a une place à prendre", déclare Jean-Christophe Hauguel, coordinateur du groupe de travail "innovations pédagogiques au sein du Chapitre des écoles de management de la CGE (Conférence des grandes écoles). Et les écoles de commerce comptent bien trouver leur nouveau Mark Zuckerberg de l’éducation au sein de leurs pépinières.

Eva Mignot | Publié le