Egalité des chances : défense et illustration de la « méthode Essec »

Jessica Gourdon Publié le

Sur les politiques d’égalité des chances dans les grandes écoles, il existe aujourd’hui deux religions. L’une a pour maître Richard Descoings, créateur des « conventions ZEP » (2001). Son credo : la diversification des voies d’accès pour s’adapter aux publics moins favorisés. Parmi ses apôtres, figurent les actions de l'ESCP Europe , ou encore le dispositif Passerelle Ascenseur Social pour six ESC.  

L’autre religion est née en 2002 dans le giron de l’Essec. Elle vise au contraire à aider des jeunes défavorisés à mieux se préparer aux études supérieures, tandis que les concours restent les mêmes pour tous. Ce concept baptisé « une grande école, pourquoi pas moi » a très vite essaimé, au point que 80 grandes écoles s’en revendiquent. Le ministère de l’Enseignement supérieur a même créé en 2008 un label dérivé de ces actions (les Cordées de la réussite) assorti de financements.

Du tutorat labellisé « une grande école pourquoi pas moi »

C’est de cette obédience que se revendique le livre « Une grande école, pourquoi pas moi ? », co-écrit par un journaliste (Fabrice Hervieu-Wane), et deux « Essec », la responsable du pôle égalité des chances Chantal Dardelet et le professeur Thierry Sibieude. L’ouvrage revient sur la philosophie et les résultats de ce programme de tutorat (160 élèves suivis chaque année par l’Essec), agrémenté de portraits d’étudiants. Les statistiques témoignent de vraies réussites : 100% des jeunes suivis ont décroché un diplôme du supérieur, et 92% ont visé un bac +5.

Le livre ne manque pas, au passage, de tacler la méthode Descoings : son concours « ZEP » « rompt l’égalité de traitement » des candidats et comporterait, selon les auteurs, un « risque d’étiquetage » des diplômés passés par cette filière. Cette voie ne concernerait aussi que de très bons lycéens qui s'en seraient sortis de toute façon, alors que l'Essec cible des élèves moyens.

Aucun étudiant entré à l'Essec

Reste un constat : aucun étudiant du programme « pourquoi pas moi » qui a souhaité faire des études de gestion n’a réussi à intégrer l’Essec. Preuve, une fois encore, que l'accès au « haut de la pyramide » reste très socialement élitiste, comme l’avait aussi montré le flop de la prépa ENA pour les boursiers .

Toutefois, si les sacro-saints concours doivent, selon les auteurs, rester les mêmes pour tous, leurs contenus pourraient être « ajustés » pour diminuer les biais sociaux. Quelques pistes sont évoquées (introduction des TIPE pour les prépas commerciales, d'épreuves de langues maternelles comme l’arabe et le chinois). Mais Fabrice Hervieu le reconnaît : « cela mettra sans doute du temps à changer ».

Une grande école, pourquoi pas moi ? Le droit au mérite. Par Chantal Dardelet, Fabrice Hervieu-Wane et Thierry Sibieude, Armand Colin, 20 €, en vente ici .

Sciences po : 6 IEP de région ont un programme similaire avec 20 %  de réussite au concours

Sur le même modèle que le programme "Pourquoi pas moi", le dispositif IEPEI apporte un accompagnement à des lycéens défavorisés vers le concours de 6 IEP (Aix, Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg et Toulouse) et vers l'enseignement supérieur. Avec une différence : un pourcentage important de participants réussit à intégrer ensuite l'un 6 instituts (20 % d’entre eux en 2010).

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