Elisabeth Borne : "L’université sera au cœur de l’action de notre gouvernement"

Oriane Raffin Publié le
Elisabeth Borne : "L’université sera au cœur de l’action de notre gouvernement"
Elisabeth Borne devant les députés lors de sa déclaration de politique générale le 6 juillet 2022. // ©  Eric TSCHAEN/REA
A l’occasion de sa déclaration de politique générale, devant l’Assemblée nationale, la Première ministre Élisabeth Borne a présenté les grandes orientations du gouvernement - notamment sur l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche. Restant cependant floue sur les modalités précises de leur déploiement.

Passage traditionnel pour tout nouveau chef du gouvernement, Elisabeth Borne a présenté sa politique générale, mercredi 6 juillet 2022, devant les députés fraîchement élus. L’occasion d’affirmer les priorités des ministres pour les mois à venir. Un discours dans lequel l’enseignement supérieur et l’éducation ont trouvé une belle place.

"Nous avons été surpris, dans le bon sens, par le nombre d’annonces concernant la jeunesse, l’enseignement supérieur et la recherche, se félicite Imane Ouelhadj, présidente de l’Unef. Ce n’est pas commun et cela montre que nous avons notre place dans les politiques publiques. Même s’il y a un gros bémol avec beaucoup de flou ou de déclarations qui ne correspondent pas aux attentes des étudiants." Détails, domaine par domaine, des annonces, avec les réactions d’acteurs du secteur.

Enseignement supérieur : "les moyens de ses ambitions"

"L’avenir de notre jeunesse [...] passe par un enseignement supérieur et une recherche avec les moyens de ses ambitions. L’université sera donc au cœur de l’action de notre gouvernement", a promis la Première ministre devant les députés. Alors qu’Elisabeth Borne a défendu la possibilité de choisir son orientation et de diriger les étudiants vers des cursus menant à des métiers, Imane Ouelhadj rappelle qu'à "l’université, ce ne sont pas des formations qui répondent aux besoins des entreprises, mais ce sont des lieux d’émancipation". Dénonçant une logique du chiffre de la part du gouvernement d'une part et le maintien de Parcoursup pour sélectionner les étudiants à l’entrée des formations d'autre part.

A l’université, ce ne sont pas des formations qui répondent aux besoins des entreprises, mais ce sont des lieux d’émancipation. (I. Ouelhadj, Unef)

Dans la priorité du gouvernement de répondre à l’urgence du pouvoir d’achat, Elisabeth Borne a également évoqué la perspective de "revaloriser les bourses sur critères sociaux" (dont la hausse de 4% a été annoncée dès le jeudi 7 juillet), restant toutefois très vague sur la réforme globale annoncée notamment par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau.

Education nationale : une "refondation" de l’école avec un "nouveau pacte"

Volonté d’effacer des esprits les cinq années de Jean-Michel Blanquer, durant lesquelles les enseignants du primaire et du secondaire se sont sentis délaissés ? Dans son discours, Elisabeth Borne a affirmé qu’il fallait "offrir aux enseignants la reconnaissance et la place qu’ils méritent", n’hésitant pas à les qualifier de "cœurs battants de la République", alors que la profession traverse une crise de vocation sans précédent, avec un manque de candidats dans de nombreuses matières. "On ne va pas réparer les cinq années Blanquer en entendant qu’on est formidables, même si c’est toujours agréable à entendre", tranche Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU.

La Première ministre l’a affirmé : "notre école, c'est celle qui conforte les savoirs fondamentaux : lire, compter, écrire, respecter autrui" tout en défendant "l’égalité des chances" et permettant "à chacun de choisir son avenir". "C’est une déclaration sans surprise, tempère Sophie Vénétitay. Elisabeth Borne a traité longuement la question de l’éducation, mais dans la lignée de la feuille de route d’Emmanuel Macron, même si on tire la sonnette d’alarme". Son syndicat s’inquiète notamment que les hausses de rémunération promises - et attendues par la profession - ne soient conditionnées par une hausse du travail. Et surtout tardent encore à arriver.

On ne va pas réparer les cinq années Blanquer en entendant qu’on est formidables, même si c’est toujours agréable à entendre. (S. Vénétitay, SNES-FSU)

Autre point de vigilance pour les syndicats : "l’expérimentation marseillaise", vantée par les chefs de l’Etat et du gouvernement, et la volonté de déployer ces projets innovants. Avec la crainte qu’ils ne concernent que quelques établissements. "C’est la vitrine de ce qu’il faudrait faire partout, note Guislaine David, co-secrétaire du SNUIPP-FSU. Des projets, il y en a dans toutes les écoles, mais elles manquent de moyens. Si on fait des contrats différents d’une école à l’autre, on va mettre les écoles en concurrence !"

Enfin, autre annonce de la Première ministre : l’élargissement du pass Culture, qui permet actuellement aux 15-18 ans de disposer d’un budget pour acheter des produits culturels, à l’ensemble des jeunes, dès la 6e.

Enseignement pro : "Nous élargirons au lycée professionnel, le succès de l’apprentissage"

Avec l’objectif affiché de viser le plein emploi, Elisabeth Borne s’est félicitée des "réformes de fond" menées pendant cinq ans, notamment autour de l’apprentissage, élargi à plus de 700.000 jeunes en 2021 ou encore du plan "1 jeune, 1 solution" et du Contrat d’engagement Jeune. "Nous élargirons au lycée professionnel, le succès de l’apprentissage", promet la Première ministre.

"L’alternance peut être une piste intéressante, souligne Jean-Marc Nicolas, secrétaire général de la CGT-FERC. Mais il ne faut pas que cela devienne une façon de financer l’enseignement privé avec des formations à 5.000 euros par an, financées par les employeurs, eux-mêmes subventionnés par l’Etat…"

Recherche : "Revaloriser et simplifier le métier de chercheur"

Enfin, Elisabeth Borne est revenue sur la recherche, parlant d’investir "massivement sur les secteurs d’avenir comme l’alimentation, l’énergie, le spatial, les bio-médicaments ou l’électronique". Elle affirme la volonté de bâtir des "filières d’excellence française et européenne", grâce, notamment aux 50 milliards d’euros de France 2030. Elle a promis également des investissements "dans nos sites universitaires et nos organismes de recherche", et affirmé la volonté du gouvernement de continuer" à "revaloriser et simplifier le métier de chercheur". La Première ministre a cité, au passage, le mathématicien Hugo Duminil-Copin, qui a obtenu la médaille Fields et "fait la fierté de toute notre recherche".

Mais pour l'Unef, "on reste sur une vision de la Macronie, qui se concentre sur les sciences dures, au détriment des sciences humaines, qui restent sans réponse". Imane Ouelhadj rappelle d'ailleurs qu’énormément de doctorants "se trouvent dans des situations très précaires".

Du côté de la CGT-FERC, Jean-Marc Nicolas s’inquiète des orientations qui vont être prises en matière d’investissements. "Le patrimoine de l’enseignement supérieur est très abîmé. On craint que la décision prise soit de donner les bâtiments aux établissements et qu’ils se débrouillent… cela nous inquiète, surtout vue l’ampleur des enjeux - notamment environnementaux, avec des bâtiments qui sont souvent de véritables passoires thermiques". Comme ses homologues d’autres syndicats, il "attend de voir", face à un discours qui donne finalement peu de détails sur les modalités et les choix.

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