Emmanuel Zemmour (nouveau président de l’Unef) : "Il faut remettre l’université au service des étudiants"

Propos recueillis par Sophie Blitman Publié le
Emmanuel Zemmour (nouveau président de l’Unef) : "Il faut remettre l’université au service des étudiants"
Emmanuel Zemmour // © 
Etudiant en master d’économie à l’Ecole normale supérieure (ENS) et élu au CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche), Emmanuel Zemmour, 23 ans, a succédé à Jean-Baptiste Prévost à la tête de l’Unef, le 9 avril 2011, lors du 82e congrès du syndicat.Dans un discours d’ouverture très offensif, le nouveau président de l’Unef a dénoncé les choix politiques libéraux du gouvernement qui accentuent, selon lui, les inégalités sociales et laissent de côté les aspirations de la jeunesse. Emmanuel Zemmour entend ainsi "porter au cœur du débat public les attentes de l’ensemble de notre génération afin qu’on ne les contourne pas une fois encore sous le prétexte de rigueur".Trois dossiers lui semblent aujourd’hui prioritaires : l’emploi des jeunes d’une part, les questions universitaires et le droit aux études de l’autre, afin de permettre la démocratisation de l’enseignement supérieur.

L’emploi des jeunes fait actuellement l’objet de négociations entre le Medef et les syndicats. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Nous voulons déconstruire l’idée que le chômage est lié à une inadaptation des jeunes au marché du travail. Depuis des années, nous sommes enfermés dans des dispositifs d’insertion stigmatisants, comme les exonérations dont bénéficient les entreprises pour les bas salaires ou les contrats précaires : les jeunes sont les premiers à en souffrir, eux qui connaissent un déclassement et un chômage de précarité.

« Nous revendiquons tout d’abord la mise en place urgente d’une aide à la recherche du premier emploi »

C’est pourquoi nous revendiquons tout d’abord la mise en place urgente d’une aide à la recherche du premier emploi, une allocation qui serait touchée par tous les étudiants en recherche d’insertion professionnelle. Car ne pas avoir de revenu oblige les jeunes à accepter des stages, des CDD, et pousse au déclassement.
Nous voulons aussi conditionner les exonérations de cotisations sociales pour les entreprises à l’embauche de CDI. Enfin, nous appelons à la création d’emplois publics qualifiés, notamment dans le secteur de l’éducation, pour que l’Etat ne soit plus le premier licencieur de France !

Sur les questions universitaires, qui font évidemment aussi partie de vos préoccupations, quelles sont vos revendications ?

Effectivement. Nous avons acté lors de notre 82e congrès que l’Unef porterait la révolution dans l’université. Depuis 2007, la réforme de l’autonomie des universités, couplée à une politique de mise en concurrence entre établissements, aboutit à la décomposition de la politique universitaire en une somme de politiques d’établissements.
Les bons élèves de Valérie Pécresse sont ceux qui se concentrent sur les initiatives d’excellence, sur les masters et sur la recherche internationale, pas ceux qui font des étudiants, de tous les étudiants, la priorité de leur action. Il faut remettre l’université au service des étudiants, et notamment ceux de premiers cycles car c’est là où se joue la démocratisation de l’enseignement supérieur. En particulier, il faut renforcer le taux d’encadrement, multiplier les cours en petits groupes, et assurer un réel suivi scolaire pour les premières années.

Les universités mettent pourtant en œuvre des dispositifs de soutien, à commencer par le tutorat.

« Il faut donner la possibilité aux établissements d’avoir une réflexion sur la pédagogie à l’université »

Mais cela n’est jamais coordonné sur le plan national dans une politique de réussite globale. Ce sont des pansements au niveau local, avec la mise en place de quelques tuteurs à disposition des étudiants. Il y a un problème de cap donné à la politique de l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, il s’agit de faire en sorte que les étudiants brillants restent les plus brillants, on ne cherche pas à faire réussir tout le monde.
Il faut donc, plus que jamais, donner la possibilité aux établissements d’avoir une réflexion sur la pédagogie à l’université, en redonnant notamment du pouvoir aux CEVU (Conseils des études et de la vie universitaire, ndlr) qui sont aujourd’hui laissés de côté. Il y a une urgence à définir des mesures contraignantes pour pousser les présidents non pas seulement à faire des initiatives d’excellence mais à réfléchir aux modalités d’examen.

Que préconisez-vous ?

En particulier, nous pensons qu’il faut supprimer les notes éliminatoires, absolument anti-pédagogiques ! En outre, une maquette construite avec une discipline qui conditionne la réussite laisse peu de place à la pluridisciplinarité, ce qui est problématique, surtout en premier cycle. Pourquoi ne pas préférer des coefficients ?
D’autre part, nous prônons une compensation annuelle des notes, et non semestrielle, car en l’état actuel des choses, il n’y a aucune prime à la progression : un étudiant reste plombé par ses difficultés du premier semestre, ce qui rend l’échec artificiel.
Enfin, sur les maquettes en tant que telle, nous souhaitons une rationalisation de l’offre de formation en licence permettant davantage de lisibilité et donnant des garanties sur le contenu du diplôme.
Nous voulons des formations adossées à la recherche, pluridisciplinaires, afin notamment de faciliter la réorientation, et avec des éléments de contenu de préparation à l’insertion professionnelle. Car, dans le contexte actuel, il faut donner les mêmes outils à tous les étudiants pour limiter les inégalités d’insertion professionnelle.

Comment entendez-vous vous inscrire dans le débat de l’élection présidentielle ?

« La non-abstention des jeunes à l’élection présidentielle est conditionnée par la capacité des hommes politiques à proposer des réponses qui leur parlent »

L’un des enjeux de la présidentielle est la garantie d’un droit aux études pour tous les jeunes. Il y a aujourd’hui 2,3 millions d’étudiants en France, atteindre 3 millions est un objectif indispensable car la panne de l’ascenseur social passe aussi par l’université. C’est aussi une question de société car nous avons besoin de travailleurs qualifiés.
Nous revendiquons un statut social pour la jeunesse, avec une allocation d’autonomie calculée pour le jeune lui-même, pas selon les ressources de sa famille. Notre objectif jusqu’en 2012, c’est de ne pas en rester au constat du malaise des jeunes, mais de trouver des mesures concrètes. La non-abstention des jeunes à l’élection présidentielle est conditionnée par la capacité des hommes politiques à proposer des réponses qui leur parlent.

Propos recueillis par Sophie Blitman | Publié le