Emmanuelle Sliman (professeur au Lycée autogéré de Paris) : "Pour nous, la baisse de la dotation horaire, c’est criminel !"

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
Emmanuelle Sliman (professeur au Lycée autogéré de Paris) : "Pour nous, la baisse de la dotation horaire, c’est criminel !"
Dominique Sliman // © 
Le Lycée autogéré de Paris (LAP) a reçu sa dotation horaire globale pour la rentrée 2011. Avec une diminution de 92 heures, équivalant à la suppression de quatre postes et demi, le LAP est menacé de fermeture. Explications d’Emmanuelle Sliman, professeur de lettres et théâtre dans cet établissement.

Vous attendiez-vous à une baisse importante de la dotation horaire globale du lycée autogéré ?

Nous avions reçu la semaine dernière un premier avis du rectorat nous annonçant une baisse de 92 heures, passant de 500 à 408 heures. Mais depuis plusieurs années on nous annonce une baisse dans un premier avis et la décision définitive ne la confirme pas, donc nous ne nous sommes pas inquiétés. Or, le 3 février 2011, la décision définitive est venue confirmer cette baisse qui correspond à une suppression de quatre postes et demi sur un total de 25 postes d’enseignant.

Pensez-vous qu’il s’agisse d’une volonté de fermer votre lycée expérimental ?

Nous n’estimons pas qu’il s’agisse d’une attaque ciblée contre nous. La baisse est générale dans l’Éducation nationale. La logique d’économie se traduit partout par l’augmentation des effectifs par classes. La règle est de mettre 35 élèves par classe en seconde. C’est très grave ailleurs aussi, mais pour nous c’est criminel. Officiellement, l’académie de Paris est assez fière de notre existence. Le rectorat a signé il y a deux mois une convention qui reconnaît officiellement le LAP, après près de trente ans d’existence [le LAP, comme les lycées expérimentaux de Saint-Nazaire, d’Hérouville-Saint-Clair et d’Oléron, existe depuis 1982. Le lycée d’Hérouville-Saint-Clair perd également deux postes, NDLR]. Cette convention inclut le recrutement par cooptation – c’est-à-dire que l’équipe recrute les enseignants hors du circuit des nominations –, le recrutement des élèves au volontariat hors carte scolaire et notre liberté pédagogique. Il y a donc un manque de cohérence criant. Nous pensons que le service qui gère les dotations a appliqué une logique mathématique. Encore une fois, nous ne sommes pas les seuls à en pâtir, mais les conséquences sont encore plus graves pour nous.

Le lycée autogéré compte 25 professeurs pour 250 élèves. Pourquoi ne pouvez-vous pas augmenter les effectifs des classes ?

La grande spécificité du LAP est le fonctionnement en autogestion. Professeurs et élèves se partagent les tâches administratives. Et notre fonctionnement pédagogique nécessite de petits effectifs. Nous, enseignants, consacrons 25 heures aux enseignements disciplinaires, à la gestion et à d’autres tâches liées à l’autogestion, au lieu de 18 heures d’enseignement pour un professeur certifié dans un lycée classique. Augmenter les effectifs, c’est nous demander d’arrêter de faire ce que l’on fait. À titre d’exemple, nous menons un travail particulier en seconde. C’est l’année du lycée qui laisse le plus de liberté pédagogique, puisqu’elle ne comporte pas d’épreuves du bac. Nous avons notamment un fonctionnement par thématiques et travaillons à deux enseignants de manière transdisciplinaire. L’expérimentation peut apparaître comme un luxe, mais, en même temps, elle est revendiquée comme un moyen d’aider des élèves.

Quelles démarches avez-vous entreprises pour que le rectorat revienne sur sa décision ?

Nous avons pris rendez-vous avec la secrétaire générale du rectorat, nous organisons une assemblée générale ouverte à tous. Nous avons également mis une pétition en ligne. Et nous participerons, comme nous l’avions prévu, à la journée nationale de grève au sujet de la diminution des horaires, qui aura lieu jeudi 10 février 2011. Par ailleurs, nous mobilisons également nos soutiens institutionnels et politiques.

Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le