Formation des enseignants : un rapport du Sénat remet en avant les prérecrutements en licence

Fabienne Guimont Publié le
Alors que les arrêtés sur la masterisation seront caduques fin juillet 2012, le Sénat a présenté un nouveau rapport sur le métier d’enseignant en souhaitant «redonner sens» à l’école.

«Souffrance ordinaire des enseignants», «crise du métier», «injonctions contradictoires empêchant de mener à bien leurs missions», «crise du recrutement des enseignants»… Le constat dressé par le rapport «Le métier d’enseignant au cœur d’une ambition émancipatrice» de la mission d’information du Sénat, présenté à la presse le 20 juin 2012, n’apporte pas de réelles nouveautés au tableau. Sont mises en cause la RGPP (révision générale des politiques publiques) et la succession de réformes «aboutissant à une prolifération des missions imparties à l’école et à un déplacement du cœur de métier».

Deux mesures d’urgence sont préconisées : la suspension des 14.000 postes prévue à la rentrée avec le vote d’un collectif budgétaire à voter dès cet été et un plan de recrutement pluriannuel. Mesure déjà reprise par Vincent Peillon avec la volonté de créer 60 000 postes dans l'Education d'ici 2017.

Des élèves «tous capables»

Les pistes proposées par le rapporteur Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice des Hauts-de-Seine (groupe communiste-radical et citoyen), prennent le contre-pied de la politique menée par le gouvernement précédent . Le rapport veut refonder l’école sur une Éducation nationale réaffirmée. «Il faut cesser de privilégier systématiquement la fonction de sélection de l’école pour remettre en avant celle d’éducation de tous les enfants», rappelle la sénatrice, qui entend fonder le renouveau de l’école sur «le principe du “tous capables”».

Des prérecrutements en licence


 À part quelques principes comme «le cadrage national fort», le maintien d’IUFM rénovés dans les universités chargées de suivre l’année en alternance à rétablir, la professionnalisation progressive en master, le rapport ne détaille pas une réforme de la masterisation.

En revanche, il demande au ministère d’ouvrir des prérecrutements dès la licence avec un concours national avant l’entrée en master enseignement pour ces élèves-enseignants qui repasseraient ensuite les concours de recrutement classiques. Ce prérecrutement s’adresserait prioritairement à des élèves de milieu modeste et d’abord en mathématiques et lettres modernes où les besoins sont aigus. Une proposition récurrente de la Commission culture et éducation du Sénat que les ministres de l’Éducation nationale successifs n’ont jamais fait aboutir, a précisé Marie-Christine Blandin, sa présidente.

Enfin, pour les auteurs du rapport, les épreuves du concours, situées en fin de M2, ne doivent évaluer que les compétences professionnelles après que les compétences disciplinaires auront été validées par l’obtention du master.

Autre préconisation : étendre à trois ans le bénéfice de l’admissibilité au concours.


strong>Lire le rapport de la mission d'information sur le métier enseignant.

La voie professionnelle : réforme critiquée et vivier enseignant en crise

Alors que le nombre de candidats au bac pro enregistre une hausse de près de 28% pour la première édition de cette formation dispensée désormais en trois ans au lieu de quatre, le rapport pointe les défauts de la réforme de la voie professionnelle .

Les élèves les plus en difficultés feraient les frais de cette réforme. Les rapporteurs craignent davantage de sorties sans qualification et un accroissement des inégalités territoriales et sociales parmi les élèves. Sont également pointés le risque de déprofessionnalisation de cet enseignement, l’incertitude sur les passerelles envisagées entre voies de la filière professionnelle et la complexité du dispositif de certification intermédiaire. «Le processus de certification au cours de l’année est parfaitement aléatoire, l’articulation avec les dispositifs d’accompagnement personnalisé et avec les périodes de formation en milieu professionnel est déficiente. Tout cela donne le sentiment de beaucoup d’énergie gaspillée vainement, sans que les élèves en profitent», considère le rapport.

La nouvelle attractivité de cette voie auprès d’élèves de moins de 15 ans, public jusqu’alors rarissime en BEP, pose aussi des problèmes d’organisation lors de leurs périodes de formation en entreprise notamment. Autre effet induit : une remise en question de l’identité professionnelle des enseignants fondée sur la réussite des élèves en difficulté. «Ils doivent désormais choisir entre pousser les meilleurs [en BTS notamment] ou aider les plus en difficulté», suggère le rapport.
 
Enfin, cette réforme se double d’un problème de recrutement des enseignants, accentué par l’élévation du recrutement requis par la masterisation pour une partie d’entre eux. Le nombre de candidats au concours CAPLP a diminué par deux et beaucoup de filières de formation ont été fermées dans les universités. Conséquence : l’emploi précaire sur les postes de PLP manquants affaiblit la qualité de l’enseignement dispensé.

Fabienne Guimont | Publié le