Enseignement supérieur : la CDEFI veut « changer de terrain de jeu »

Sylvie Lecherbonnier Publié le
Avec le colloque « Engagement local, compétitivité globale », la CDEFI (Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs) a souhaité prendre de la hauteur et réfléchir à l’évolution de l’enseignement supérieur français. Une évolution qui doit plus que jamais, selon la Conférence, associée industriels, collectivités et organismes de recherche afin de faire émerger des « écosystèmes de croissance ». Compte-rendu des échanges.

Changer de terrain de jeu. Tel est le leitmotiv de la CDEFI  désormais. Paul Jacquet, le président de la Conférence, en a expliqué les raisons à l’occasion du colloque Défi 21 « Engagement local, compétitivité globale », qui s’est tenu les 23 et 24 juin 2010 à Paris.

« Nous avons pensé la réforme de notre enseignement supérieur en vase clos, entre universitaires, autour de notre vieux clivage universités-grandes écoles qui n’a plus beaucoup de sens vue de l’extérieur mais qui est si pratique quand on ne veut pas se poser la vraie question : celle du rôle que notre enseignement supérieur et notre recherche a à jouer dans le développement économique et social de la France. La réforme de notre enseignement supérieur ne peut plus se limiter à un projet universitaire mais doit être un projet de société. » Et d’ajouter : « cette attention toute particulière à rester entre nous a pourtant de lourdes conséquences. Elle nous a progressivement éloigné des attentes de la société. »

Faire venir des entreprises sur les campus

Une fois ce mea culpa lancé, reste à savoir comment « changer de terrain de jeu ». Pour Paul Jacquet, cette évolution passe par « assumer pleinement le rôle socio-économique de nos établissements. Ce mouvement sera forcément collectif. Et les universitaires et chercheurs que nous sommes auront à le conduire dans un partenariat toujours plus étroit avec les acteurs publics et privés locaux, nationaux et internationaux. »

Intervenant lors d’une table-ronde sur les grands établissements technologiques, Philippe Gillet, ancien directeur de cabinet de Valérie Pécresse aujourd’hui vice-président de l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne), ne peut qu’acquiescer : « à Lausanne, un tiers du campus est dédié à des entreprises privées. De fait, le site compte autant de chercheurs publics que privés. Tous ceux qui ont la responsabilité de porter la croissance se retrouvent. C’est l’effet cafeteria ! »

Des « Initiatives d’avenir » qui tombent à pic

La mise en place des « Initiatives d’avenir » offre « ce nouveau cadre de réforme qui nous manquait », assure Paul Jacquet. Une initiative gouvernementale qui va pousser les établissements d’enseignement supérieur à amplifier leurs démarches de regroupement. Paul Jacquet prévient : « il y aura autant de cas que de sites géographiques. Un principe devra présider : faire émerger les projets avant les structures. »

Là encore, Philippe Gillet va dans le sens du président de la CDEFI : « le message du grand emprunt est bien de créer un continuum fort entre recherche fondamentale et recherche appliquée, et de ce fait de rapprocher campus et pôles de compétitivité. » Pour le vice-président de l’EPFL, « ces stratégies de regroupements dépendent des hommes et de leur volonté de faire des choses. Les outils à mettre en place ne sont pas compliqués. Lausanne a bien réussi sa mutation en dix ans. »

Le défi de l'interdisciplinarité

Parmi les défis à relever, celui de faire naître des grands projets pluridisciplinaires semble le plus compliqué. « Il y a encore des frontières difficiles à franchir, entre ingénierie et médecine  ou entre ingénierie et droit par exemple », confie Cyrille van Effenterre, le président de ParisTech.

Quant à la CDEFI, elle va s’appliquer à elle-même cette volonté d’ouverture vers l’extérieur avec la création d’un comité d’orientation stratégique qui réunira directeurs d’écoles d’ingénieurs et industriels.

Sylvie Lecherbonnier | Publié le