L'enseignement supérieur monte dans le train de la Station F

Cécile Peltier Publié le
L'enseignement supérieur monte dans le train de la Station F
L'ancienne halle Freyssinet abritera 1.000 start-up sur 34.000 mètres carrés. // ©  Hamilton / R.E.A
Le "plus grand campus de start-up au monde" a ouvert ses portes le 3 juillet 2017, à Paris. Parmi les 3.000 entrepreneurs hébergés, les incubés d'HEC, de l'Edhec, de l'IFM ou des Pépites d’Île-de-France qui voient dans ce concentré de "Silicon Valley" une chance de gagner en efficacité et en visibilité.

Alors que la France s'apprête à partir en vacances, pour les incubés de la Station F, ce début du mois de juillet prend des airs de rentrée des classes. Quelques jours après l'inauguration en grande pompe, le 29 juin 2017, de ce nouveau temple de l'entrepreneuriat made in France en présence du président de la République, Emmanuel Macron, les 200 premiers startupers sur les 3.000 attendus, ont posé le 3 juillet leurs cartons dans le 13e arrondissement de la capitale. 

Le nouvel espace que son créateur, Xavier Niel, a l'habitude de présenter comme "le plus gros campus de start-up au monde" avec ses 1.000 start-up, réunit 26 programmes d'accompagnement, portés par des acteurs publics et privés. Parmi eux, des géants du numérique (Facebook, Microsoft, Vente privée...), des spécialistes de l'entrepreneuriat, mais aussi plusieurs établissements d'enseignement supérieur, dont une majorité de grandes écoles : HEC, l'Edhec, l'IFM (Institut français de la mode), Télécom ParisTech...

Tous ces établissements ont été sélectionnés parmi de nombreux candidats pour leur expérience en matière d'entrepreneuriat et leur ambition internationale, assurent les responsables de la Station F. Et aussi, imagine-t-on, pour leur complémentarité et la puissance de leur marque...

Gagner en taille critique et en productivité

HEC Incubateur compte ainsi parmi l'un des tout premiers partenaires. "Fin 2015, nous avons pris contact avec l'équipe de la Station. Roxanne Varza, qui venait d'être nommée directrice du lieu, est venue me voir pour savoir si cela nous intéressait d'intégrer l'espace", se souvient Antoine Leprêtre, responsable de l'incubateur d'HEC.

Le luxueux bâtiment de 34.000 mètres carrés, connu jusqu'alors sous le nom de "halle Freyssinet", dessiné par l'agence Wilmotte & Associés, n'a guère eu de mal à convaincre la business school de déménager. "Le projet de la Station F correspondait parfaitement à nos besoins : nous voulions gagner en taille critique et bénéficier d'un véritable écosystème", rappelle Antoine Leprêtre.

Installée jusqu'ici dans une pépinière de la CCI (Chambre de commerce et d'industrie), dans le 20e arrondissement de Paris, HEC Incubateur dispose désormais d'un espace de 700 m2 au cœur de la halle, triplant au passage le nombre de m2 et le nombre de start-up incubées. Le nombre d'experts mobilisés augmentera lui aussi. Mais le changement d'échelle se ressent sur le coût de la prestation : désormais, les start-up incubées devront débourser 200 euros par mois (contre 50 euros avant) par poste de travail. Sur cette somme, 195 euros payent la location des locaux, 5 euros financent l'expertise.

Le projet de la Station F correspondait parfaitement à nos besoins : nous voulions gagner en taille critique et bénéficier d'un véritable écosystème.
(A. Leprêtre)

Cette facture, plutôt salée, n'a visiblement pas découragé les candidats à l'incubation, dont le nombre a bondi. "C'est un coût non négligeable pour une entreprise comme la nôtre, mais des locaux à Paris sont toujours onéreux et l'espace est bien pensé. On espère l'amortir en gain de productivité !" témoigne Dimitri des Cognets, étudiant à Neoma business school et cofondateur d'Up2school, un groupe de médias spécialisé dans l'actualité des grandes écoles.

Les projets, sélectionnés avec soin, doivent être portés par des anciens HEC, compter dans leurs rangs au moins une personne à temps plein et faire preuve d'une certaine ambition. "Un projet de création de restaurant ne nous intéresse pas, une chaîne de restaurants, si !" résume Antoine Leprêtre, qui milite également pour une diversité des porteurs.

"Un écosystème complémentaire du nôtre"

Autre heureuse élue, l'Edhec, qui comprend déjà deux incubateurs, à Lille et à Nice. L'école de commerce se contentera d'une quarantaine de postes à la Station. "C'est adapté à nos besoins et nous permet au total de passer de 110 à 150 places d'incubation", souligne Jean-Michel Ledru, directeur d'Edhec Young Entrepreneurs (EYE). Ce service 100 % gratuit est réservé aux lauréats EYE en phase d'accélération et/ou de levée de fonds et aux entrepreneurs issus du MSc Entrepreneurship & Innovation de l'établissement. "Quand on va à la Station F, il faut aller vite et fort", ajoute-t-il.

Sylvie Ebel, la directrice générale adjointe de l'IFM (Institut français de la mode), situé à 500 mètres de la Station F, a vu également dans le nouvel incubateur XXL, une occasion à ne pas manquer. "Dès que nous avons entendu parler du projet, nous nous sommes dit que ce serait intéressant de se retrouver dans un écosystème aussi complet et très complémentaire du nôtre, plus sectoriel, confie-t-elle. La taille du lieu, la diversité des acteurs le rendent différent d'un incubateur classique. "Contrairement à HEC ou à l'Edhec, l'école de mode a choisi de s'associer à l'incubateur privé, Creative Valley, et à Télécom ParisTech, pour monter l'espace ADN (art, design et numérique).

PAYANT - Station F

Faire rayonner le statut d'auto-entrepreneur

Même si elles n'associent pas directement leur nom à l'un des 26 programmes, les universités ne sont pas en reste. À la Station F, elles sont représentées à travers les 40 étudiants-entrepreneurs du programme "Schoolab", issus des huit Pépites franciliennes. Pour monter ce projet d'accélération de six mois, Pépite France a pu compter sur le soutien financier de la Région Île-de-France et le savoir-faire de Schoolab, accélérateur de projets parisien, pour approcher la Station.

Parmi les porteurs de projets, on compte des élèves ou des diplômés de grandes écoles, mais aussi des étudiants en médecine ou en communication.
(G. de Pous)

"Nous apportons une mixité des profils. Parmi les porteurs de projets, on compte des élèves ou des diplômés de grandes écoles, ou encore des étudiants en médecine ou en communication", note Guilain de Pous, responsable de l'entrepreneuriat chez Schoolab.

Profiter des conseils et du réseau de grandes entreprises

Si les start-up ont bien compris l'intérêt des lieux, les grands groupes également. Au-delà de son programme dédié aux start-up travaillant sur l'intelligence artificielle, le géant de l'informatique Microsoft a ainsi décidé d'y installer une équipe permanente, pour répondre aux questions des incubés et animer la communauté.

Un soutien et des contacts précieux pour les jeunes pousses, dont l'entreprise espère, à travers cette démarche, faire de futures clientes. Ce programme est aussi un moyen pour elle d'accroître ses liens avec des start-up dont ses clients du CAC 40 ont besoin pour transformer leurs organisations. "Nous aimerions que ces grands groupes viennent sur le campus pour travailler avec les start-up", détaille Cécilia Gouby, CEO Microsoft en résidence à la Station F.

Mais ces Facebook, Vente privée et autres Ubisoft pourraient également devenir de potentiels clients pour les jeunes pousses de la Station F. Et, pourquoi pas, des partenaires en matière de codéveloppement ou de financement. "De quoi contribuer à donner de la crédibilité à nos start-up", estime Jean-Pierre Boissin, coordinateur national du programme Pepite.

Un guichet unique

Au sein de la Station, tout a été pensé pour maximiser les échanges entre acteurs. Gigantesques open spaces, ouverture 24 h sur 24, salles de réunion, fablab... Des services administratifs s'y sont également installés (bureau de poste, banque, BPI France, Cnil), tout comme de nombreux business angels et des fonds d'investissement (Daphni, Kima Ventures, etc.). "On devrait presque pouvoir aller à la Station et créer son entreprise sans en sortir", récapitule en souriant Jean-Michel Ledru, directeur d'Edhec Young Entrepreneurs.

Une organisation qui devrait faire gagner un temps précieux aux start-up et démocratiser l'accès aux financements. "Il est toujours compliqué pour les business angels d'aller sur un lieu, de prendre des rendez-vous. Ici, ils auront accès directement à des centaines de projets, cela ira beaucoup plus vite", espère Jean-Pierre Boissin.

Les start-up pourront également profiter gratuitement des nombreuses conférences organisées dans les espaces événementiels. À lui seul, Microsoft annonce 200 événements par an.

La promesse d'un "rayonnement international"

Au-delà des services offerts, une adresse à la Station F offre aux écoles et aux universités une jolie carte de visite, pour attirer start-up et partenaires. HEC, qui compte sur ce nouvel espace pour élargir son réseau de mentors et d'experts, en mesure déjà l'impact : "Nous avons pas mal de demandes d'alumni qui pourront coacher nos start-up", se réjouit Antoine Leprêtre. De leur côté, les fondateurs d'Up2School y voient un plus en matière de recrutement : "En tant que start-up, nous cherchons des profils pouvant être intéressés par ce type d'environnement", estime Dimitri des Cognets.

Alors que le lieu se positionne comme une porte d'entrée sur l'Europe pour les start-up du monde entier, en être est enfin la promesse d'un "rayonnement international", salue Antoine Leprêtre. Le projet suscite déjà la convoitise des partenaires académiques d'HEC, qui devraient accueillir certains de leurs projets. De quoi faire vivre la station F de Munich à Londres, en passant par New York.

Cécile Peltier | Publié le