
Les modes évoluent, même pour les noms d'universités. Finis les noms de personnalités emblématiques locales, à l'image de l'ancienne université Stendhal à Grenoble (38), devenue université Grenoble Alpes - même si la tradition subsiste encore, à l'image de la nouvelle université Marie et Louis Pasteur à Besançon (25).
Depuis une dizaine d'années, au fil des regroupements, les établissements préfèrent marquer leur ancrage territorial - plus facile à identifier au niveau national, voire international.
À l'heure du regroupement universitaire, en Lorraine, l'université Henri Poincaré et l'université Paul Verlaine, entre autres, ont ainsi effacé leurs hommages aux personnalités historiques locales, avec la naissance de l'université de Lorraine.
"En 2012, à l'époque du regroupement, l'enjeu territorial était plus fort que le reste", se souvient Hélène Lesourd, directrice de cabinet de l'université de Lorraine. "Il fallait un facteur commun assez explicite dans cette période de création et de fusion, pour embarquer tout le monde." Et à l'époque, la région administrative Lorraine existait encore : un rattachement clair, qui offrait peu de prise aux traditionnelles rivalités entre Nancy et Metz.
Un enjeu de visibilité internationale
Plus au sud, en Savoie et en Haute-Savoie, l'actuelle université Savoie Mont-Blanc s'est d'abord appelée "université de Chambéry", en 1979. "Mais à l'époque, on utilisait le nom d'usage université de Savoie", précise son actuel président, Philippe Galez.
Dans ce cas précis, aucune fusion n'est à l'origine du changement : c'est un travail sur l'identité de l'université, en 2014, qui a entraîné la modification du nom d'usage.
"Notre université se déploie sur deux départements : le fait d'ajouter Mont-Blanc, qui se trouve en Haute-Savoie, permet une référence directe. Et c'est une marque reconnue, dans les deux Savoies", poursuit Philippe Galez.
Le nom a été choisi après un sondage auprès des personnels et des étudiants - avec deux alternatives : conserver le nom d'université de Savoie ou université Alpes Savoie. Une façon d'affirmer, là aussi, l'ancrage territorial, tout en se tournant vers l'international, en associant un massif connu au-delà des frontières.
À Grenoble, le nom d'UGA pour "université Grenoble Alpes", s'est, lui aussi, imposé naturellement et progressivement, d'abord dans la signature des publications, puis pour nommer la Comue (Communauté d'universités et établissements) avant d'être attribué à l'EPE (établissement public expérimental).
"La signature unique a été le déclencheur, dans un souci de visibilité internationale", explique Yassine Lakhnech, actuel président de l'établissement.
"Il fallait un nom qui se retienne"
Exception à cette tendance : l'université Gustave Eiffel dont le nom de personnalité a été choisi en 2020.
"C'est vrai que nous sommes à rebours de tout ce qui se passe ailleurs", s'amuse son président, Gilles Roussel. "Cependant, comme nous sommes issus de la fusion d'une université avec un institut de recherche, nous disposons de campus sur l'ensemble du territoire : une appellation type Marne-La-Vallée n'était pas possible."
La priorité a donc été de s'identifier à un nom, dans un objectif de visibilité internationale, avec une thématique forte autour de la vie des territoires de demain. "Il fallait un nom qui se retienne et non territorialisé", résume-t-il.
Un appel en interne a vu émerger trois propositions : Gustave Eiffel, donc, mais aussi Fulgence Bienvenüe et Sophie Germain. C'est un vote qui a désigné le premier. Et occasionné quelques discussions indispensables avec les héritiers de Gustave Eiffel : l'université dispose du droit d'utiliser l'appellation "université Gustave Eiffel" mais ne peut pas utiliser le nom générique "Gustave Eiffel". Ainsi, la Fondation de l'établissement doit nécessairement s'appeler Fondation université Gustave Eiffel.
"Le processus interne a pris du temps, mais ce nom remplit vraiment son rôle, avec une capacité à être identifié, un lien avec nos thématiques et une visibilité internationale. Les gens le retiennent tout de suite !" se félicite Gilles Roussel.
Des appellations parfois disputées
Certains noms attisent les convoitises, à l'image de la Sorbonne ou du très prisé "université de Paris". En 2021, c'est même la justice qui avait dû trancher, le Conseil d'État refusant à la fusion entre Paris-Descartes et Paris-Diderot de s'attribuer cette appellation.
En Bretagne également, l'appellation "université de Rennes" a créé des tensions. Cette dernière rassemble, depuis 2023, l'ancienne université de Rennes-1 et cinq grandes écoles.
Mais le syndicat étudiant l'Union Pirate Rennes 2 s'est tourné vers la justice, estimant que le nom portait préjudice à l'université de Rennes 2, associée à l'établissement public expérimental, mais non inclus. Le Conseil d'État, en février dernier, a cependant exclu "le risque de confusion", les thématiques étudiées dans les deux établissements étant différentes.
L'inspiration de la grammaire anglaise
Dernière évolution, plus récente : l'inversion entre le terme université et le nom de la localité.
En 2012, dans les Bouches-du-Rhône, la fusion de plusieurs établissements a donné naissance à Aix-Marseille université.
"C'est la transparence en anglais qui a voulu positionner le nom des villes avant le terme université", précise Marie Renaudeau, directrice adjointe de la communication. D'autres universités ou EPE lui ont, depuis, emboité le pas.
Développer sa marque employeur
Au dela de ce choix de nom, les universités développent des stratégies pour être plus visibles. En 2024, Aix-Marseille université, qui utilise aussi l'acronyme amU, a décidé de développer sa "marque employeur", pour agir contre des difficultés de recrutement qui s'intensifient.
"Avec 500 recrutements par an, nous sommes un des plus gros employeurs de la région", souligne Marie Renaudeau. "Mais nous pâtissons du manque d'attractivité du secteur public, dans un contexte de guerre des talents."
La direction de la communication, en lien avec la direction des ressources humaines, a lancé une campagne de réputation pour faire connaître les opportunités à l'amU. Campagne d'affichage jusque dans le métro parisien, podcast pour présenter l'université, plateforme de marque, vidéos, achat média sur les réseaux sociaux, etc.
Une partie de la production a été déléguée à des agences spécialisées pour un budget de 470.000 euros. Les premiers impacts notés par l'université sont positifs avec un doublement du trafic sur le site de recrutement et des retours positifs sur la campagne, que ce soit en interne ou en externe.