Étudiants Erasmus : un livre dévoile leurs motivations cachées

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Derrière la communication officielle du programme de mobilité européen Erasmus, qui se veut « populaire et enrichissant », se cache une réalité plus contrastée. La sociologue Magali Ballatore la décrypte dans un ouvrage qui vient de paraître aux PUF (cf. encadré).

Dans son livre intitulé Erasmus et la mobilité des jeunes Européens, Magali Ballatore remet en cause le principe de réciprocité des échanges d’étudiants et insiste sur la diversité des situations suivant les pays. « On constate plutôt des déséquilibres entre des pays qui attirent des étudiants et d’autres qui souffrent d’une fuite de cerveaux, nous explique l’auteur. Les mouvements observés sont plus importants dans le sens Sud–Nord que l’inverse. Les Italiens qui partent au nord sont issus de tous types de filières, mais les Britanniques qui font le voyage en sens inverse sont surtout des étudiants en langues. »

La sociologue décrypte également en détail la variété des processus de sélection des étudiants selon les pays et les établissements : appréciation d’un seul responsable à l’université de Provence, sélection par concours et choix par élimination à l’université de Turin, ou encore programmes intégrés à celle de Bristol.

Voyage initiatique, échappatoire…

Autre grande différence relevée par Magali Ballatore : les motivations des étudiants en mobilité fluctuent d’un pays à l’autre.  L'auteur distingue trois grands idéaux-types. « Alors que l’étudiant Erasmus français semble vouloir se distinguer dans une université massifiée, l’Anglais envisage cette expérience davantage comme un voyage initiatique », relève-t-elle. Enfin, l’objectif de l’Italien consiste « le plus souvent, lorsqu’il s’oriente vers le nord, à échapper à une insertion professionnelle difficile ».

Autre caractéristique des étudiants Erasmus : ils sont plutôt jeunes, plutôt bons élèves et ils se distinguent par un « passé migratoire relativement riche ». À noter qu’une part non négligeable des étudiants français et britanniques sollicités dans l’enquête sont issus de familles immigrées.

… ou fleximobilité

Les stratégies de mobilité des étudiants sont aussi analysées comme réponse aux incertitudes professionnelles de ces jeunes. Magali Ballatore établit d’ailleurs un parallèle entre la situation des étudiants Erasmus et celle des immigrés, une façon de relativiser « l’idéologie du libre arbitre » des premiers. « La mobilité étudiante répond en fait à des attentes du monde économique et social qui dépassent les expectatives des participants eux-mêmes », écrit l’auteur.

Conclusion, derrière l’enthousiasme de l’esprit Erasmus se cache une réalité plus mitigée : « conditions d’études universitaires détériorées en France, insertion professionnelle des jeunes diplômés difficile en Italie et, de manière plus générale, économie de plus en plus tournée vers la flexibilité, la mobilité couplée à la précarité pour une frange de la population qui sera conduite à changer fréquemment d’emploi et à se déplacer davantage […] pour accompagner le travail ».

En savoir plus

Erasmus et la mobilité des jeunes Européens : mythes et réalités
(publié aux PUF, diffusé en librairie le 1er septembre 2010) est le fruit de la thèse de sociologie de Magali Ballatore obtenue en cotutelle (universités de Provence et de Turin).

La première partie de l’ouvrage aborde le programme européen d’un point de vue général et institutionnel, et interroge la croissance quantitative de la mobilité et de l’orientation des flux étudiants. Dans la seconde partie, l’auteur, qui a effectué une enquête comparative (double approche quantitative et qualitative) dans trois pays (Italie, France, Angleterre), se penche sur les pratiques, représentations et l’expérience des étudiants Erasmus puis des diplômés Erasmus à l’étranger.

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