Europe : les universités, victimes collatérales du plan Juncker ?

Quentin Ariès Publié le
Europe : les universités, victimes collatérales du plan Juncker ?
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne // ©  XINHUA-REA
Le plan d'investissements stratégiques européens, grand projet du nouveau président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, met à mal Horizon 2020, le programme européen de recherche et d'innovation.

"Écosystèmes d'innovation", "pionnières pour l'économie de la connaissance"... la Commission européenne ne tarit pas d'éloges sur les universités. Bruxelles était d'ailleurs fière du programme de recherche Horizon 2020, qui prévoit d'investir 80 milliards d'euros entre 2014 et 2020 dans la recherche européenne. Et pourtant, ce budget alloué à la recherche sera vraisemblablement raboté de 2,7 milliards d'euros pour les deux prochaines années.

Cette modification est due à la mise en place du Fesi, le Fonds européen d'investissements stratégiques, surnommé "plan Juncker".

Concrètement il s'agit d'un plan d'investissement de 315 milliards d'euros, étalé sur deux ans, visant à relancer la croissance européenne. Vaste programme, mais qui se heurte à des difficultés de financement, les gouvernements renâclant à augmenter le budget européen. Or le pari de ce plan est que 21 milliards d'euros d'argent européen inciteront les États et les acteurs privés à rajouter près 280 milliards d'euros sur la table.

C'est pour ce besoin de fonds propres qu'Horizon 2020 doit être amputé de 2,7 milliards d'euros pour les années 2015-2016, soit un peu plus de 3% du programme pour toute sa longévité et 10% par an pour les deux prochaines années. Une décision actée par les États mais pas encore votée par le Parlement européen.

Des coupes généralisées

L'exécutif européen, très attendu sur ce dossier, a esquissé en décembre 2014 l'idée de prélever une partie du fonds Horizon 2020 pour le Fesi. Les précisions apportées le 15 janvier 2015 dévoilent les grands arbitrages. Les bourses des doctorants, les partenariats public-privé, les infrastructures de recherche ou l'incitation à l'interdisciplinarité prévus par Horizon 2020 doivent être touchés, tout comme les thématiques sur les défis sociétaux. Les recherches sur les transports, la santé, l'énergie sont aussi dans le viseur de ce que la Commission appelle "ventilation budgétaire".

"On annonce un plan d'investissement [...] et pourtant on ponctionne sur les fonds dédiés... à l'investissement et à la croissance", déplore une source française proche du dossier. Il faut dire que les fonds pour la recherche sont moins jalousement protégés par les États que d'autres postes budgétaires européens comme les subventions agricoles ou les fonds dédiés au développement régional.

un accord d'ici À juin 2015

Il est encore tôt pour estimer le manque à gagner pour la recherche française. En théorie, les députés européens et certains États pourraient amender le texte et faire en sorte que la ponction soit supprimée ou allégée. Dans les faits, cette bataille ne semble pas à l'ordre du jour car cela reviendrait à contredire les chefs d'État et de gouvernement qui en décembre ont donné leur blanc-seing au plan Juncker et donc aux coupes budgétaires. Un accord entre les États et les parlementaires doit intervenir en juin 2015.

"Les premiers effets des coupes budgétaires se feront sentir à partir de 2016", peut-on entendre chez les chercheurs, qui redoutent que cette annonce décourage les laboratoires à s'engager dans les collaborations et projets européens. 

Des opportunités de financement, malgré tout ?

Côté Commission européenne, l'accent est mis sur les opportunités du plan Juncker. Sur les 2.000 projets proposés par les États pour être financés par le plan, sont mis en avant la création de l'Institut européen d'hydrométallurgie, le big data, l'e-education ou encore la recherche aérospatiale. Si le calendrier du plan est tenu, les financements seraient lancés dès le troisième trimestre de cette année.

Les universités pourraient aussi profiter des mécanismes de garanties et de prêts comptabilisés dans ces 315 milliards d'euros européens pour l'investissement. En Grande-Bretagne ces prêts permettent de financer la construction de logements étudiants, mais ces projets demandent une ingénierie financière et des fonds propres, que les universités françaises peinent à trouver.

La plus importante opportunité pour la recherche française réside dans les règles assouplies de cofinancement. Certaines dépenses liées à la recherche et à l'investissement pourraient être exclues du calcul des déficits publics. Cependant, il est encore trop tôt pour savoir si ces nouvelles règles déclencheront de nouveaux financements type Idex.

Quentin Ariès | Publié le