Faire sa L1 dans le privé : le partenariat embarrassant de l'université de Nanterre

Camille Stromboni Publié le
Faire sa L1 dans le privé : le partenariat embarrassant de l'université de Nanterre
Université de Nanterre - cours d'amphi © communication université Paris Ouest Nanterre La Défense // ©  université Nanterre
Faire sa première année de licence dans un établissement privé pour rejoindre ensuite une L2 à l’université. C’est l’objet de la prépa ouverte cette année par le Cours Clapeyron, via un partenariat avec Paris Ouest Nanterre La Défense. L'université va dénoncer la convention en question, annonce son président à EducPros, estimant qu'il y a eu "incompréhension", voire une certaine forme d'abus de la part du cours privé. Retour sur cette affaire sensible.

"Reconnue par l'université. Réussissez votre première année de licence [d'éco-gestion] dans une classe à petit effectif", promet-on au Cours privé Clapeyron. Un engagement étonnant, qui repose pourtant sur une convention adoptée par le conseil d'administration de l'université de Nanterre à l'été 2014, dont s'est fait écho le magazine Challenges.

L'établissement privé hors contrat propose ainsi une prépa permettant d'éviter la première année universitaire, avant de rejoindre directement la L2 d'économie-gestion de Paris 10, sous réserve d'obtenir l'équivalence. Rien de très original sur le fond : les CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles) sont nombreuses à s’allier de la sorte aux universités – cela devient même obligatoire avec la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur et la recherche de juillet 2013 pour les établissements publics.

Sauf que… il s’agit ici d’une formation privée – l'année coûte 4.880€ – qui vise uniquement à rejoindre l’université, précise le responsable du cours privé. Soit une voie clairement assumée d’évitement de la L1 universitaire, avec l’assentiment de l’université qui a signé le partenariat.

L'université va dénoncer la convention

"Nous allons dénoncer cette convention", réagit début septembre 2014 Jean-François Balaudé, à la tête de l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, qui se défend d’un tel blanc-seing.

"Nous n’avions pas bien compris le projet du proviseur du lycée, assure-t-il. Nous ne pensions absolument pas qu’il s’agissait d’une classe visant d’abord à rejoindre une L2. Cette finalité n’était pas clairement explicitée. Nous ne serons évidemment pas l’université qui met en place un système de contournement de la L1, à 5.000€ l'année. Nous y sommes totalement opposés, cela va à l’encontre de toute notre action d’accompagnement des étudiants."

Nous avons été un peu légers, cela nous sert de leçon.
(J.-F. Balaudé)

Un projet présenté comme une CPES, propice à la confusion pour l'université

La manière de présenter le projet du Cours Clapeyron a joué dans cette méprise, insiste Jean-François Balaudé.

"Cette prépa nous a été décrite comme une CPES, c’est-à-dire une classe préparatoire aux études supérieures [définition officielle sur le site APB]. Le terme est inscrit dans la convention. [Les CPES] sont des classes de remise à niveau, principalement pour un public défavorisé, visant à rejoindre ensuite une prépa classique", souligne Jean-François Balaudé.

Ce que ne conteste pas Jean-Marc Epelbaum, directeur académique du Cours Clapeyron, mais ce dernier ne met pas la même chose derrière ces quatre lettres : "Il s’agit véritablement d’une classe préparatoire aux études supérieures, soutient-il, puisque l'idée est de mettre à niveau des bacheliers qui ne réussiraient pas en première année à l’université, mais auront toutes leurs chances grâce à l’encadrement que nous leur apportons."

Aucun malentendu possible, pour le cours Clapeyron

Le responsable assure surtout que le projet était transparent. "Nous avons préparé le programme de cette prépa – qui est très lourd – avec les universitaires. Il ne pouvait y avoir ni doute, ni malentendu. C'est une année permettant de rejoindre une L2, via des équivalences."

"Toutes les prépas privées HEC ont des conventions d’équivalence avec des universités et cela ne pose aucun problème, poursuit Jean-Marc Epelbaum. Nous en avions d'ailleurs déjà une avec Paris 10 pour notre prépa HEC [fermée depuis, NDLR]."

Pour l'université, c'est à l'inverse ce lien préexistant avec l'établissement privé qui a engendré ce "manque de vigilance". "Nous avons été un peu légers, cela nous sert de leçon", reconnaît le président Balaudé.

Une année d'application

Pour cette année en tout cas, la convention court. Dix étudiants sont inscrits dans cette classe début septembre 2014. Une commission, avec des universitaires, examinera les dossiers des élèves demandant l'équivalence à la fin du cursus.

"Je ne préjuge pas de ce que fera la commission, nous allons respecter cette convention. Les dossiers seront étudiés très rigoureusement", promet le président. Avant de mettre fin à ce partenariat encombrant.

Aller plus loin
- La présentation de cette prépa sur le site du Cours Clapeyron et de l'équivalence universitaire

- La biographie EducPros de Jean-François Balaudé

- Le billet de Pierre Dubois (blog Histoires d’universités) : Licence : le cynisme du SUP privé

Camille Stromboni | Publié le